mercredi 3 octobre 2018

CE QUE JE PENSE DU SALON INTERNATIONAL DU COTON ET DU TEXTILE (SICOT)


Invité par le comité d’organisation, j’ai participé en tant que vieux producteur de coton et ancien président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB), à la première édition du Salon International du Coton et du Textile (SICOT) qui s’est déroulée à Koudougou du 27 au 29 septembre 2018 au Burkina Faso. Ce grand événement est dédié à la production et à la transformation du coton. En Afrique, le Burkina Faso occupe une place très importante dans la culture du coton. Historiquement, toute la population du Burkina Faso, toutes ethnies confondues, s’habillait en cotonnade. Cela veut dire que nos devanciers avaient tous repéré cette plante dans la nature et ingénieusement, ils l’ont cultivé, entretenu, filé et tissé pour s’habiller. La graine était également utilisée pour faire de la sauce. Cela veut dire également que nos ancêtres ont donné l’importance à cette plante bien avant la colonisation. Mon père m’a même dit qu’il y avait une variété de cotonnier qui ne produisait bien, qu’à partir de la deuxième année. Elle était donc pluriannuelle. Cette variété, on l’appelait dans notre dialecte bobo « oumafonou » qui veut dire « coton blanc ». C’est vrai que tous les cotons sont blanchâtres mais sûrement que celui-ci était plus blanc. Après la colonisation, comme travail forcé, ils ont aussi cultivé le coton pour payer l’impôt et ce coton était transporté sur la tête sur plusieurs kilomètres ou à dos d’âne pour ceux qui en avaient, jusqu’au gouvernorat. Le Gouvernement du Président Roch Marc Christian KABORE a décidé de relancer la transformation du coton. Ceux qui me connaissent savent que j’ai chanté cette nécessité il y’a longtemps pour que la transformation des produits que nous cultivons crée de l’emploi pour nos enfants qui sont allés à l’école. De 1998 à 2010, période où j’étais président de l’UNPCB, j’ai toujours préféré porter à toutes mes rencontres nationales et internationales sur le coton, le coton tissé au Burkina Faso. C’est l’occasion pour moi de féliciter ce Gouvernement, de l’encourager et demander aux partenaires du Burkina Faso de l’accompagner dans cette vision. On voit bien que cette transformation est historique et quelqu’un a dit au Burkina ici : « malheur à celui qui fait moins que son père ».
 



J’ai participé à un panel lors de cette rencontre où nous avons parlé des innovations dans les techniques de production face aux séries de coton cultivées au Burkina Faso. En rappel, au Burkina, on cultive le coton conventionnel, le coton équitable, le coton biologique et à un moment le coton OGM. Dans ces différentes productions, les intrants diffèrent. Mais c’est le coton conventionnel qui est actuellement cultivé par la majorité des producteurs. Le coton équitable et celui biologique sont produits par quelques petits producteurs et des femmes, cette production s’est toujours limitée autour de 2000 tonnes sinon moins. Dans le coton conventionnel et OGM, les différents matériaux utilisés sont la culture attelée animale, les tracteurs, la fumure organique, les engrais, les pesticides et la biotechnologie. L’élément nouveau qui a attiré mon attention à cette rencontre, c’est l’irrigation complémentaire présentée par la société cotonnière. C’est vrai que nous avons des difficultés de pluviométrie au début et à la fin des campagnes agricoles humides, mais la solution proposée par la société cotonnière me laisse sur ma faim. En effet, elle propose des trous qu’on creuse dans les champs qui doivent retenir les eaux de pluies avec lesquelles on peut arroser les parcelles confrontées au stress hydrique au cours de la campagne humide. Pour moi, au début de la campagne, il n’y aura jamais assez d’eau dans les trous pour arroser parce qu’à ce moment, il ne pleut pas suffisamment. Peut-être vers la fin de la campagne, il peut y avoir de l’eau dans ces trous. Il y aura forcément un ruissellement d’eau vers ces trous dans le champ. Même si c’est dans un seul (01) hectare, tu n’as qu’à beau entourer cet hectare par des cordons pierreux, il y aura toujours des ruissèlements d’eau vers ces trous creusés dans cet hectare qui vont dégrader le sol. Le Directeur Général des productions végétales du ministère de l’agriculture et des aménagements hydrauliques du Burkina Faso dans sa réaction, a dit qu’il préfère dans ce projet d’irrigation, qu’on aille vers la nappe phréatique par des forages ou des puits à grand diamètre ou à défaut dans les barrages. Moi, je suis d’accord avec option car elle est adaptée aux besoins et beaucoup plus utile aux producteurs et à la nation entière. Avec ce projet, c’est près de six (6) milliards de francs CFA que le Burkina Faso va payer et on ne doit pas s’endetter pour venir dégrader nos sols, surtout que le paysan a une contribution à faire dans laquelle il ne doit pas perdre. Je souhaite donc qu’on revoit la conception de ce projet pour ne pas engager de l’argent que des gens vont dealer sans résultat. Ma mère avait l’habitude de me dire que le menteur est celui qui est bien placé pour savoir qu’il a menti et que les conséquences ne doivent pas le surprendre. Sauf qu’ici les conséquences sont subites par plusieurs acteurs de la vie socio-économique du pays. C’est pour cela que je dis que ce projet d’irrigation de complément doit être revu.
Je terminerai sur le bilan de la campagne cotonnière en cours qui a démarré difficilement par la rareté des pluies. Il y a aussi le mécontentement dû aux endettements des paysans sur la campagne agricole 2017/2018. À cause de ces endettements, les paysans du Kénédougou où il y a trois (03) usines d’égrainage du coton ont refusé de produire le coton cette campagne agricole 2018/2019. Sur toute l’étendue du territoire, rares sont les cotonculteurs qui n’ont pas diminué leurs surfaces cette année 2018 par rapport à l’année passée. Et le parasitisme qui a été une des causes majeures des difficultés de la campagne passée est encore là parce que les mêmes produits ont été reconduits dans plusieurs localités. Le surendettement va donc s’accroitre dans le milieu rural chez ces différents producteurs de coton à la fin de la présente campagne. J’ai entendu parler d’une réunion qui serait faite par les producteurs de coton du Kénédougou. Dans cette réunion, ils auraient cité les conditions qui peuvent les ramener à produire du coton et parmi ces conditions, il y a le retour au coton génétiquement modifié (OGM). Je conclus en disant que dans les années 90, parmi les conditions qui ont permis la relance du secteur coton, il faut citer le vrai partenariat avec un débat franc qui a été entre les deux entités producteurs (UNPCB) et sociétés cotonnières. Cette franchise devait prendre en compte les intérêts des producteurs et de la filière. Cette volonté politique dans le bon sens que j’ai vue à cette première édition du SICOT nous oblige à revenir aux bons sentiments car nous ne pouvons pas transformer du coton si la production va en baissant.

En tant que vétéran de la filière cotonnière au Burkina Faso
Ouagadougou, le 03 Septembre 2018
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur Honoris Causa de l’Université de Gembloux



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