jeudi 26 février 2015

Ce que je pense du peuple Burkinabè pour une réconciliation


Lors de l’insurrection du peuple burkinabè en Octobre 2014 contre le régime Compaoré, il y’avait deux tendances : ceux qui voulaient modifier l’article 37 pour que le président Blaise Compaoré reste au pouvoir et ceux qui avaient marre de son système de gestion. S’il doit avoir réconciliation, c’est entre ces deux tendances. En  2001, le président Blaise Compaoré avait initié une journée nationale de pardon. Pour cette circonstance, des personnalités respectées par le peuple (Collège des sages) avaient été ciblées pour travailler pour cette réconciliation.

Ceux-ci ont fait un travail remarquable à travers des recommandations prenant en compte les préoccupations du peuple Burkinabè. Mais là où Blaise Compaoré avait roulé ces acteurs, c’était de dire qu’il demande pardon pour tous les crimes qui ont été commis depuis l’indépendance du pays alors qu’il y’avait une crise qui le concernait directement. Pour être pardonné, il fallait que l’ex-président du Burkina, Blaise Compaoré, avoue un certain nombre de faits. Chose qui n’a pas été faite. Le peuple avait donc pardonné sans savoir pour qui et pourquoi il pardonnait.

Après cette journée du pardon, toutes les mauvaises choses qu’on  reprochait à Blaise ont continué à exister. Il avait peut-être  pu tromper le peuple ainsi une fois. En fin 2014, il n’a pas pu tromper ce peuple. C’est pourquoi, s’il y a désormais réconciliation au Burkina, il faudrait que le peuple reste vigilant. Ce que nous reprochons au régime Compaoré, c’est la mauvaise gouvernance économique et sociale. Pour pérenniser ce mauvais système de gestion même après lui, toute une machine a été installée. Certains de ses fidèles qui voulaient que Blaises Compaoré fasse encore 15 ans au pouvoir après 2015 sont devenus des politiciens commandos et veulent faire vite pour être élus en octobre 2015.  Comme ils faisaient partie du système, ils font des billets de banque leur argument de campagne discret. Leurs soucis n’est pas de renoncer aux mauvaises habitudes.

Je pense que si une bonne réconciliation doit avoir lieu au Burkina, elle ne pourra se faire qu’avec repentance. À travers cette repentance, la conscience de chacun devait le pousser à réfléchir et à changer de comportement. Cela demande un temps. Ceux qui ont offensé le peuple pensent qu’il suffit de changer de chemise ou d’argument pour être pardonné. En tant que militant du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), j’attire l’attention du peuple Burkinabè pour qu’il sache que ce réveil commando de ces politiciens parachutés n’est qu’un danger pour le pays. Car c’est dans leur sein qu’ils se disaient qu’après Blaise Compaoré, il n’y a pas quelqu’un capable de diriger le pays. Les révolutions dans le monde n’ont eu du succès que quand le peuple a pris conscience et a pris sa destinée en main. Le peuple Français a coupé la tête du Roi à Paris. Après l’insurrection en 2014 au Burkina Faso, nous n’avons pas coupé la tête du président Blaise Compaoré, mais nous devons couper la tête de son système.

Ouagadougou, le 26 février 2015

TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
Skype:dadilotbf52   
 (+226) 70 95 34 45
 (+226) 78 50 16 25

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mercredi 11 février 2015

Ce que je pense de la situation politique au Burkina Faso trois mois après l’insurrection populaire

Les 30 et 31 octobre 2014, le peuple burkinabé a montré son mécontentement contre la façon dont il était gouverné. L’une des majeures manières de manifester ce mécontentement a été d’attaquer et de brûler le siège de l’Assemblée nationale. Les députés, censés défendre les  intérêts du peuple, ont été chassés dans leur lieu de travail lorsqu’ils s’apprêtaient à prendre une décision en faveur d’un individu qui était le président  Blaise COMPAORÉ et contre le peuple. La destruction du siège de l’Assemblée nationale et les pertes en vies humaines ont obligé le Président Blaise COMPAORÉ à démissionner.

Suite à cette démission, des institutions de transition ont été mises en place en ayant comme mot d’ordre « plus rien ne sera comme avant ». Le dernier organe qui est en voie d’être mis en place est un comité de réconciliation. Depuis la mise en place du gouvernement de transition, nous assistons à des revendications de la population par rapport au changement positif de la gouvernance pour lequel elle s’est battue. Je cite comme exemple la révolte dans les sites d’orpaillage et celle des producteurs de coton vis-à-vis de leur dirigeant.

Selon les producteurs de coton qui ont fait la dénonciation, l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPC-B) est gérée exactement comme le système Blaise COMPAORÉ où la bonne gouvernance est complètement exclue avec la complicité de certains partenaires de l’administration afin d’avoir une couverture.  Dans mon article intitulé « Ce que je pense du soulèvement populaire après lequel Blaise Compaoré a quitté le pouvoir » du 05 novembre 2014, j’avais dit que le Président Blaise COMPAORÉ était parti mais que les acteurs qui ont contribué à la mauvaise gestion de la gouvernance étaient toujours là. Malgré cette interpellation, rien n’a été fait pour arrêter le système.

Dans le système COMPAORÉ, tous les domaines de l’économie du Burkina Faso étaient contrôlés par « ses  hommes » et très souvent contre l’intérêt du peuple. Jusqu’à ce jour, le peuple burkinabé continue toujours à subir. Et comme le système COMPAORÉ a appauvri une grande partie de la population, nous assistons à un retour massif de ses anciens dignitaires qui soutenaient Blaise COMPAORÉ dans sa démarche. Le récent soulèvement du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) en dit beaucoup. Hors, nous savons que ces anciens dignitaires ne comptent que sur leur argent.

Dans la tradition africaine, la réconciliation fait partie des outils très souvent utilisés pour garder l’unicité de la société. Mais elle n’a lieu qu’après vérité et sanction. Dans l’insurrection, il y a eu des martyrs. Ils sont morts laissés leur famille, se sont sacrifiés pour que la situation de leur famille et de leur peuple change positivement après eux. La réconciliation que ces morts peuvent accepter dans leur tombe, n’est que celle qui interviendra après une bonne gouvernance qui permet à leur famille et au peuple de s’épanouir. Ces martyrs sont morts enterrés mais leurs yeux restent ouverts, tous ceux qui sont responsables doivent savoir que ces morts ont le regard sur eux.

Le peuple burkinabé reconnu travailleur, aspire au changement. Il veut tout simplement la bonne gouvernance pour se développer. Il n’y aura pas de bonne gouvernance sans mise en cause du mauvais système enraciné depuis plus d’un quart de siècle. Je m’attends donc à des réflexions qui décèleront toutes ces mauvaises façons de faire. S’il le faut, que certains acteurs soient disqualifiés pour montrer l’exemple. Un peuple qui avance, c’est un peuple qui sait mettre des bonnes règles adaptées à son développement et qui sait les appliquées.

Ouagadougou, le 11 février 2015

TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
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jeudi 5 février 2015

Ce que je pense du conflit agriculteur-éleveur



Plus de 80%  de la population burkinabé vit en milieu rural. Tous ces ruraux font un minimum d’élevage, de la volaille aux bovins mais l’essentiel des conflits est entre les champs et les bovins et plus particulièrement à cause de la terre qu’ils partagent. J’ai fait mon certificat d’étude primaire en 1969. On me disait à l’époque que la population burkinabé était d’environ 4 millions. Aujourd’hui cette population est à plus de 16 millions, plus ceux qui ont quitté le pays et dont certains pourraient revenir pour être agriculteurs, éleveurs ou pour faire les deux.
La superficie burkinabé n’est pas « élastique ». Je peux peut-être me tromper mais le nombre de têtes de bovins du Burkina dépasse le nombre de têtes de bovins au Pays-Bas. Mais près de 90% du lait du Burkina vient de ce pays ou d’ailleurs. Les éleveurs bovins du Burkina Faso ont de sérieux problèmes pour nourrir leurs animaux. Il y a 100 ans, c’est Dieu et la nature qui nourrissaient et soignaient ces animaux. Les animaux n’avaient pas forcement besoins d’être parqués. Ce qui fait qu’ils pouvaient manger à toute heure la nuit et le jour. Il y avait l’espace pour eux.
Pour se soigner, l’animal choisissait lui-même les herbes qu’il faut. Il pouvait également choisir un lieu qui avait la température que son corps voulait pour se coucher. Si un ou deux animaux mouraient dans une zone, le lendemain l’éleveur pliait bagage pour aller dans une autre zone qu’il pense favorable. Ceci est un des outils que les éleveurs utilisaient. En tant que bobo, un  adage bobo dit que si un éleveur est dans une localité, s’il perd un membre de sa famille, après l’enterrement, il quitte ce lieu.
De nos jours, le bovin est l’outil essentiel de traction utilisé en agriculture au Burkina Faso. Près de 50% des ruraux utilisent les bœufs pour faciliter et accélérer la mise œuvre du calendrier culturale à travers le labour, le sarclage et le buttage. Avec la baisse de la fertilité des terres, les agriculteurs ont également besoin des déchets des animaux pour fertiliser leur terre. Ce qui veut dire que les agriculteurs ont besoins des bœufs pour se développer. Pour cela, les résidus des récoltes sont utilisés pour nourrir les animaux en les stabilisants pendant que les éleveurs traditionnels, qui manquent d’espace, veulent également ces résidus pour nourrir leur troupeau.
Parmi les raisons qui créent les conflits, restent les pistes à bétail et les zones d’élevage. En tant qu’agriculteur et éleveur, je sais que souvent les couloirs sont occupés par les agriculteurs. Ce qui est aussi vrai, est qu’il n’y a plus d’herbe pour les animaux sur ces couloirs même lorsqu’ils ne sont pas occupés par les agriculteurs. Pour les éleveurs, l’alternative reste les zones d’élevage. Je suis moi-même dans la zone d’élevage de Marabagasso dans le Houet.
La zone de Marabagasso qui a été réservée pour l’élevage depuis longtemps est pleine d’arbres. Parmi les herbes qui étaient dans cette zone et qui étaient  beaucoup aimées par les animaux, il y’ avait l’Andropogon gayanus. Mais avec la densité à des moments donnés du cheptel dans la zone, l’Andropogon que la nature nous avait donné a totalement disparu. Les herbes secondaires que les animaux aimaient dans cette zone sont également en phase de  disparition. En effet, tellement les animaux broutent ces herbes qu’elles ne donnent plus de graines.
Il n’y a donc plus de renouvellement des herbes que les animaux aiment. Une question essentielle se pose donc : est-ce que nous allons continuer à avoir une nature où on confie les animaux à Dieu pour les nourrir et les soigner ? En tout cas la France, le Canada, les États-Unis et les Pays-Bas n’ont pas eu cette chance que ce soit Dieu et la nature qui nourrissent leurs animaux. Ils ont dû influencer la nature, les animaux dans leur capacité et le paysage, chaque pays à sa manière.
Nous qui n’avons pas développé notre élevage et notre agriculture, restons un marché de consommateur. Les conflits continuent à opposer les agriculteurs et les éleveurs alors que ce sont des acteurs qui doivent se compléter. Je pense que la solution existe dans une politique bien pensée pour un professionnalisme engagée.
Ouagadougou, le 05 février  2015
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
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