mardi 27 mars 2012

Ce que je pense des techniques abordées lors de la formation de l’université du coton des dirigeants et salariés des sociétés cotonnières à Cotonou.

Ce texte est une suite logique du précédent de la formation du 27 février au 1er mars 2012 à Cotonou. La formation des élus et des salariés des sociétés cotonnières à Cotonou a dégagé des méthodes d’entretien et de fertilisation des sols dont je veux faire part dans cet écrit. La terre est naturellement fertilisée par les résidus de la végétation. La décomposition de ces résidus est favorisée par des organismes vivants du sol (bactéries, vers de terre, insectes...). Lorsque nous coupons les arbres pour cultiver les champs, les plants vivent de la décomposition de cette matière dans la terre ; mais, il n’y a plus d’apport nouveau des résidus de la végétation. Les différentes plantes cultivées ne tirent pas du sol les mêmes éléments nutritifs. C’est ainsi que dans le cas du coton en Afrique, les chercheurs ont préconisé la rotation entre les cultures. Quand j’ai eu mon premier tracteur en 1986, la culture de rotation recommandée par la recherche après le coton était le maïs ; après le maïs il fallait mettre le sorgho. A Cotonou, les participants étaient unanimes que la rotation entre les cultures est très importante. Les légumineuses comme le niébé et le soja ont été ajouté à ses cultures de rotation.

C’est avec la culture du coton que les paysans producteurs de coton ont découvert l’engrais. L’engrais est un apport minéral qui permet à la plante d’avoir son complément nutritif. Mais l’engrais n’est utile que, quand il y a une bonne dose de matière organique. Selon les professeurs de l’UPB, les besoins nutritifs en engrais diffèrent selon la plante et le type de terrain. C’est pour cela que la composition de l’engrais maïs n’est pas identique à celle de l’engrais coton. Dans ce contexte chaque zone de production cotonnière devrait pouvoir adapter son engrais à sa terre.

Malgré le système de rotation entre les cultures et l’apport de la fumure minérale, on peut se rendre compte que la fertilisation de la terre baisse si la matière organique n’est pas renouvelée. C’est dans ce sens que plusieurs modèles de fertilisations en matière organique ont été proposés : la décomposition des résidus de culture avec les produits chimiques ; le compostage fait soit avec la décomposition des résidus associés aux excréments de bétails soit avec la décomposition des feuilles et des herbes. Pour réussir ces techniques, il faut la disponibilité de l’eau et une vraie solution pour arrêter les feux de brousse, puisque la matière à décomposer (herbes et feuilles des arbres) est détruite par les feux de brousse.

Pour assurer la disponibilité de cette matière organique et accroître la fertilité des sols, un certain nombre de techniques d’entretien ont été recommandées : on peut citer le semi sous couvert végétal qui consiste à couvrir la terre avec soit de l’herbe, soit avec des résidus de la culture. Mais le semi sous couvert végétal n’est possible que si l’on a une solution à la divagation des animaux et aux feux de brousse. La fertilisation de la terre nécessite également une lutte anti érosive car avec la culture, le ruissèlement d’eau emporte souvent la matière organique et même la terre fertile avec elle. Dans ce sens, il est recommandé des cordons pierreux pour bloquer l’écoulement de l’eau. On peut le faire également avec de l’herbe résistante comme l’andropogon gayanus. La technique des demi-lunes qui consiste à faire des tracés en demi-lune pour conserver l’eau permet aussi de freiner l’érosion et même de rendre l’humidité disponible pour la plante. Elle peut être adaptée à certaines cultures ou zones. Le « zaïlle » qui consiste à creuser des trous par poquet selon les plantes dans lesquels on met la fumure organique et ensuite on sème dans ces poquets, est également une alternative. Il y a enfin la technique d’agroforesterie qui consiste à planter des arbres bien sélectionnées qui permettent de ralentir le ruissellement d’eau et qui aide également à conserver la terre. Dans certains pays, les déchets et les urines humains sont utilisés pour la fertilisation des sols. L’expérience d’ECOSAN qui permet de faire récupérer et sécher les excréments et les urines d’homme pour  le maraichage, a été citée au Burkina Faso. Toutes ces techniques sont issues du partage entre les formateurs et les formés. Cela veut dire que tout ce qui permet de conserver la terre a été débattu et connu. Il reste donc leurs applications.

Moi, je pense que si nous voulons que l’agriculture africaine ne disparaisse pas un jour, il faut réellement que nous utilisons ces technologies. J’ai été toujours surpris du faite qu’en Afrique, l’agriculteur et l’éleveur soient souvent en conflits. Moi je n’ai pas fait des études en occident ; j’ai tout simplement visité l’occident et je me suis fait une idée. Au Canada par exemple, un éleveur doit avoir une surface d’exploitation suffisante pour épandre ses déchets et urines de vache. Ces déchets lui servent de fertilisation pour son champ de maïs. Ce maïs récolté est redonné aux vaches. Une vache qui mange du maïs et du sorgho, peut donner parfois 60 litres de lait par jour et ce lait nourrit l’homme. Chez nous en Afrique, la graine de coton est beaucoup utile pour les animaux alors qu’elle traverse souvent les frontières. En Afrique, la graine devrait permettre à l’éleveur et l’agriculteur de mieux collaborer, car  la logique aurait voulu que les excréments de vache soient disponibles pour les champs de coton pour que la graine ou l’aliment bétail à base de coton soit suffisant pour ces animaux. Ainsi, la vache produirait plus de lait pour l’éleveur et l’agriculteur aura du coton et de l’argent. Mieux, le producteur peut être à la fois éleveur pour bénéficier des excréments des animaux, produire pour les nourrir et éviter la divagation ; de même un éleveur peut cultiver pour nourrir ces animaux.

La technologie a des règles universelles. Ce n’est pas parce que nous, nous sommes pauvres qu’elle va nous suivre dans nos paradoxes. Une terre qui n’a pas d’apport de fertilisants va forcement s’appauvrir. Une terre pauvre (en la cultivant) ne peut pas nourrir son homme. De même l’élevage qui est nourri rien que dans la nature et dans la divagation, ne produira jamais suffisamment du lait en Afrique. Avec un nombre de tête de bétail élevé qui n’est pas nourri par l’agriculture, des carcasses de bœufs seront toujours transportées et liquidées aux bouchers. Ces carcasses sont souvent vendues à 5% du prix d’un animal bien nourri; dans nos villes, les populations ne mangeront pas de la bonne viande avec ces carcasses. L’éleveur restera un éleveur de subsistance, on va toujours importer le lait et les déchets de vaches en transhumance ou en divagation ne seront pas disponibles pour fertiliser les champs. Tant que nous ferons des plans d’actions sans prendre tout cela en compte, nous resterons toujours un marché potentiel où les grands producteurs de lait vont venir vendre leur lait. L’élevage au lieu de fertiliser nos terres va contribuer à les dégrader. Je termine en disant que moi je suis agriculteur et éleveur en même tant. Dans mon champ avec mes animaux, il y a complémentarité.

                                        

                                                Dimanche, le 25 mars 2012

                                                     TRAORE B. François, 
                                                 www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                Président d’honneur de l’AProCA,
                                                Docteur honoris causa.
                                                 (+226) 70 95 34 45
                                                  (+226) 78 50 16 25




samedi 17 mars 2012

Ce que je pense de la formation des cadres dirigeants et salariés des sociétés cotonnières.

  Du 27 Février au 1er Mars 2012, en tant que membre initiateur de l’université du coton, j’ai été désigné par le président de l’AProCA pour suivre la session de formation des cadres dirigeants et salariés des sociétés cotonnières à Cotonou, organisée par l’AProCA et l’ACA. Il s’agissait de renforcer leurs capacités opérationnelles en matière de gestion des ressources naturelles, de fertilité des sols, de gestions des conflits et de réfléchir sur pourquoi toutes les itinéraires techniques ne sont pas appliquées. Cette session n’est pas classique. Il s’agissait surtout de partages d’expériences sur les pratiques sur le terrain et de faire le lien avec la théorie.

D’une façon générale en Afrique, le coton est cultivé en industriel il y a près de 50 ans. Au départ, les terres étaient naturellement fertiles mais, le niveau de technicité des producteurs était limité. Les producteurs de coton ont été formés pour les semis en ligne et l’entretien du cotonnier. 50 ans après, les terres se sont appauvries, se sont dégradées, les rendements ont baissé entraînant la baisse des revenus des producteurs. Le coton qui a montré sa place dans la lutte contre la pauvreté et son influence dans la sécurité alimentaire se voie prendre un coût. Entre temps, cela nous a même poussés dans les années 2000 à revendiquer l’arrêt des subventions nocives à la règle du marché libre. Cette lutte continue toujours à l’OMC mais, le problème de rendement demeure. Dans ce monde en mutation, l’obligation est faite à ceux qui veulent exister et émerger d’avoir le courage de faire leur auto-diagnostique et de se faire une pression de changement positif.

Un technicien qui suit les producteurs de nos jours, qui n’arrive pas à influencer leur rendement, doit pouvoir se poser la question : est-ce qu’il a la méthode ? Lui en tant que technicien, qu’est-ce qui fait son image ? Est-ce le nombre de diplômes ? Est-ce sa capacité et sa compétence à aider le producteur à augmenter son rendement et ses revenus ? A mon
avis, comme la culture du coton est du business, il faut vendre beaucoup pour gagner beaucoup ; donc une société cotonnière doit se dire : Je ne suis pas seule dans la production cotonnière, si je veux exister, il faut que j’aie beaucoup de coton. Pour avoir beaucoup de coton, il faut que le producteur gagne dans le coton. Pour gagner dans le coton, l’augmentation du rendement est incontournable. C’est pour cela qu’à la fin de la formation, la dernière étape était l’engagement personnel de chaque cadre ou technicien formé et l’engagement collectif de chaque société représentée pour résoudre toutes ces difficultés.


L’un des challenges de l’Afrique actuelle est de lutter contre la pauvreté, d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans la mesure où la croissance de la population africaine dépasse de loin celle de la production agricole. La pression démographique et la mauvaise gestion des ressources naturelles sont la source de la dégradation des sols et des forêts. Selon ce que j’ai compris des formateurs (professeurs de l’Université Polytechnique de Bobo-dioulasso : UPB), l’accroissement du niveau de productivité nécessite une gestion intégrée de la fertilité des sols qui favorise le maintien des ressources naturelles fondamentales ; ils conseillent également la pratique de l’agroforesterie où l’agriculture rend service à l’environnement. Selon nous les agriculteurs africains, les terres se raréfient et ne sont plus fertiles ; pendant que si je prends l’exemple de l’Inde, en 2009, quelqu’un m’a dit que la densité de sa population était de 350 personnes au km2. Malgré cette forte densité, tout le monde sait que l’Inde est citée parmi les grands pays émergents. On m’a également dit que le Japon est un des pays qui n’ont pas de terre mais le japon envoie le riz en Afrique. En Israël, on m’a dit qu’il pleut moins ou presque pas certaines années, qu’il y manque de terre mais, il est l’un des meilleurs producteurs au monde; par exemple dans le coton, ils peuvent faire 6 tonnes/ha contre 1,100 tonne en Afrique de l’ouest. Donc, tout ce que nous trouvons en tant que agriculteurs en Afrique comme difficultés, a été vécu ailleurs et des solutions ont été trouvées. Tant que nous n’allons pas croire que c’est possible également chez nous en acceptant le changement positif de comportement, la pression de la mondialisation va nous avaler.

Selon The Global Assessment of Soil Degradation (GLASOD), 65% des sols agricoles en Afrique subsaharienne sont dégradées (soit 494 millions d’ha). Cela ne s’explique pas seulement par l’activité agricole et animale mais surtout par le faible niveau de l’utilisation des itinéraires techniques par les agriculteurs. Dans ce sens, l’amélioration du niveau technique des producteurs s’avère obligatoire. Mais, le respect de l’itinéraire technique
suppose une bonne perception de la notion de profitabilité par les producteurs. Dans tous les cas, selon les formateurs, « Il faut arriver à concilier la forte demande en terre cultivable et en terre de pâturage pour l’élevage et l’accélération de la dégradation des sols ». Je pense que cela doit être un engagement politique et national. Il m’arrive de suivre certains programmes et projets en Afrique qui, à la fin, sont exécutés à 70%. On pense que le projet s’est bien exécuté parce qu’on est satisfait des résultats. Alors que pour émerger, le taux d’exécution d’un projet ou d’un programme bien ficelé d’un pays ou d’une entreprise doit nécessairement atteindre 100% à 120%. Tous les pays qui ont émergé, sont passés par cette performance. Mais, quand on fait moins de que ce qu’on a prévu et qu’on pense que ce qu’on a prévu était ce qu’il fallait, si on fait moins de 100%, on a reculé. On doit pouvoir travailler doublement si l’on veut émerger vraiment. 
En ce qui concerne la gestion des conflits, ce que j’ai compris des formateurs, est qu’il convient d’abord de considérer le conflit comme un aspect du changement positif. Le conflit peut être source d’innovation, de savoir et de créativité s’il est bien géré. Selon l’un des formateurs, le conflit un est début de solution. Moi, je pense que dans le business, la solution qui permet à un conflit d’avancer, c’est celle issue d’un consensus entre les deux parties. Cela a pour avantage de garder un lien de partenariat entre les deux parties. L’intervention du médiateur est le moindre mal qu’on puisse se faire dans la gestion d’un conflit. C’est pour cela qu’on peut faire appel à un médiateur. Mais celui-ci doit afficher sa neutralité, son impartialité et avoir des compétences.

Entre deux partenaires, à défaut de s’accorder à deux, ou qu’un médiateur vous permettent de vous accorder, la solution extrême reste la solution juridique. La solution juridique vient d’un pouvoir. Et une juridiction dans les normes, est faite pour le bien de tout le monde. Cependant l’idéal, c’est de prévenir les conflits par une communication de qualité entre les différents acteurs et par leur formation aux fonctionnements humains d’où l’intérêt de la présente session de formation.


                                                Ouagadougou, le 17 mars 2012
                                                   TRAORE B. François,
                                                  www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
                                                   Docteur honoris causa de l’université
                                                   de GEMBLOUX.
                                                    (+226) 70 95 34 45
                                                   (+226) 78 50 16 25