Ce
mercredi 23 mai 2018, j’ai été invité en tant qu’agriculteur à une session
d’information et de sensibilisation d’un groupe de parlementaires sur la
biotechnologie et la biosécurité. C’est l’occasion pour moi de féliciter et
d’encourager notre recherche qui a été pionnière à s’investir pour que cette
technologie soit mieux comprise pour être utilisée par les agriculteurs dont je
fais partie et ce travail a commencé depuis les années 2003. Face à des
problèmes de résistance du parasitisme dans la culture du coton, le Burkina, à
l’époque a pris sa responsabilité en utilisant la biotechnologie dans le coton.
La filière coton (sociétés cotonnières et producteurs) s’est sérieusement
engagée et a effectivement prouvé que cela résolvait le problème. Quelques
années après, les sociétés cotonnières ont trouvé que la fibre du coton
génétiquement modifié était courte et c’est la raison qui a mis fin à la
culture du coton génétiquement modifié. Je trouve qu’on aurait pu laisser les
chercheurs continuer à travailler pour résoudre ce problème, car même les
inventeurs de cette technologie sont passés par des étapes, c’est dommage que tous
les travaux soient arrêtés au niveau de la recherche sur le coton génétiquement
modifié. Pendant cette session, les chercheurs tour à tour, se sont investis à
développer l’historique de la biotechnologie agricole, celle sur les moustiques
génétiquement modifiés et les précautions prises en matière de sécurisation de
la population et l’environnement.
Mon souvenir dans mon champ de coton génétiquement modifié que je regrette beaucoup |
Pour ce qui est de la
biotechnologie agricole, j’ai retenu à titre d’exemple que le maïs était à
l’état sauvage dans la nature et n’avait même pas une forme d’épi comme c’est
le cas aujourd’hui. Nos ancêtres dans la quête de nourriture l’ont prélevé et
entretenu et cela a fini par donner un épi. Et c’est de l’épi de nos ancêtres que
le maïs a été transformé en semence améliorée par les chercheurs. A partir de
cette semence améliorée, il a été transformé en maïs génétiquement modifié et
cela dans plusieurs pays développés ou en voie de développement parmi lesquels
on peut citer les États-Unis d’Amérique, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud,
la Chine et l’Allemagne.Dans
certains de ces pays, les agriculteurs ne représentent pas plus de 5% de la
population. Mais en faisant confiance à leur recherche, ils ont nourri
correctement les hommes, et nourrissent même les animaux avec des grains.Et
comme en Afrique nous sommes souvent affamés, ils nous envoient leurs restants
et nous mangeons sans poser de questions.
Nous
avons aussi des enfants instruits parmi lesquels il y’ a des chercheurs. Quelqu’un
a dit « Mamadou et Binéta sont devenus grands ». Certains de nos
chercheurs auraient se monnayer dans les grands pays mais ils ont préféré
travailler pour la patrie. En tant qu’agriculteur, je souhaite qu’on leur fasse
confiance et qu’on les laisse travailler. Des pays qui étaient en voie de
développement comme la Chine et l’Inde sont passés par là. Ils ont réussi à
enrayer leur famine et être cités parmi les puissances du monde.
Concernant l’expérimentation
de la moustique génétiquement modifié, j’ai été édifié par ce que j’ai appris car
ce sont des chercheurs conscients qui ont bien estimé les dégâts causés par les
moustiques. Plusieurs sont moyens utilisés de nos jours pour les combattre. Parmi
ces moyens, on peut citer les moustiquaires imprégnées dont on a vu la limite et
le taux de mortalité de la population lié au paludisme qui est toujours assez
élevé. La méthode en développement est de travailler à arrêter la
multiplication des moustiques femelles qui non seulement pondent les œufs mais
qui sont également les transmetteurs du paludisme aux humains. Je fais partie
des 86% de la population du Burkina qui vivent dans le milieu rural et dans ce
milieu, le taux de mortalité est extrêmement élevé. Si on veut doter toute
cette population de moustiquaires imprégnées, non seulement ce n’est pas
garanti mais en plus cela coûte très cher. Je souhaite donc que nous encouragions
ces chercheurs à continuer leur travail en finançant conséquemment la recherche.
Si nous ne le faisons pas, nous serons obligés de dépenser pour les
moustiquaires et pour les soins aux malades, ce qui n’empêchera pas la mort.
En matière de biosécurité, j’ai
écouté toutes les méthodes mises en place pour sécuriser l’homme et la nature
dans l’utilisation de la biotechnologie et je me suis rendu compte que la
méthode utilisée pour élaborer cela a été participative. Ceux qui veulent la
biotechnologie, ceux qui s’inquiètent et ceux qui ne la veulent pas du tout, y
ont participé. Pour moi, cela constitue un outil solide. Ma préoccupation à ce
niveau est qu’il ne faut pas instaurer des règles de sécurité qui empêchent les
chercheurs de travailler car s’ils ne peuvent pas travailler nos problèmes
resteront tels et quand nous aurons faim ou serons malades, nous fermerons les
yeux sur l’importation.
Après
les différentes présentations, les préoccupations des parlementaires ont été entendues
et des explications leurs ont été fournies par les chercheurs. J’ai constaté
que ce sont des parlementaires suffisamment responsables qui étaient à
l’écoute. Ils ont même souhaité qu’il y ait une session d’information par les
mêmes chercheurs avec tous les parlementaires. Ils ont également regretté que
dans plusieurs domaines le Burkina soit souvent le premier à prendre des
initiatives mais rarement nous persévérons. Je pense que ce pays qu’on appelle
le pays des hommes intègres doit
s’assumer pour sauver son peuple et cela en commençant par les décideurs parlementaires
qui à l’assemblée doivent arrêter leurs guéguerres, contribuer à conscientiser
la population pour une meilleure compréhension et prendre des décisions qui
permettent l’épanouissement de la population car ce peuple burkinabé est un
peuple laborieux.
En tant que vétéran agricole
Ouagadougou,
le 25 Mai 2018
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur
honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com