J’ai participé le mercredi 08 Novembre
2017, au nom de mon parti politique, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP),
à un atelier organisé par la coordination de la fondation Konrad Adenauer Stiftung dans le cadre de la mise en
œuvre du projet « Un seul monde
sans faim ». Ont participé à cette réflexion, les représentants de
partis politiques, d’associations et des professionnels du monde rural. Les
sujets discutés étaient la sécurité alimentaire et la bonne gouvernance. En
tant qu’agriculteur, je me contente de relater ce que j’ai pu retenir et de
donner mon avis personnel comme j’ai l’habitude de le faire ; ce qui n’est
pas à confondre avec le rapport final de l’atelier.
Dans l’histoire de l’Agriculture, c’est
pour se sécuriser que l’homme a prélevé et entretenu des plantes provenant de
la nature créant ainsi l’Agriculture (volet production végétale). Et quand il a
récolté, il a stocké et entretenu cette récolte. Cela lui a permis d’éviter de
se lever chaque jour comme un animal et aller chercher à manger. C’est de cette
manière que l’homme a pu se sédentariser avec ses proches pour créer des
villages et c’est dans la même procédure que l’élevage a vu le jour. Dans notre
cas au Burkina Faso, l’outil de stockage des récoltes était le grainier qu’on
pouvait apercevoir autour de toutes les maisons ou à l’intérieur. Ce grainier
pouvait contenir la ration annuelle de l’exploitation familiale. Les plus
prudents qui avaient bien récolté pouvaient avoir plus et faisaient des
réserves pour d’éventuelles mauvaises campagnes agricoles. Ce fait veut dire
donc dire que nos ancêtres savaient bien ce que signifie « sécurité alimentaire ». Ils ont pu
aussi créer des échanges qui se faisaient dans les marchés hebdomadaires pour
pouvoir écouler leurs excédents de productions en vendant à ceux qui étaient
dans le besoin ; de cette manière, c’est toute la société qui était
sécurisée dans un esprit de complémentarité.
Aujourd’hui, dans ce monde moderne, il n’y
a donc pas de raison au fait que l’insécurité alimentaire continue à être un
problème. Il est vrai que ce que nos ancêtres faisaient ne suffit plus car nous
sommes plus nombreux qu’eux ; des grandes villes existent et doivent être
ravitaillées. La pression s’est accentuée sur les terres et non seulement les
terres se sont appauvries et cela a également créé des conflits. Ces conflits
sont accentués par le fait que les animaux sédentarisés continuent à être
nourris par la brousse malgré la pression foncière alors que c’est la promotion
dans les faits de l’intégration et de la complémentarité entre production
végétales et animales qui ont fait et font des grandes puissances agricoles
dans le monde, ce qu’ils sont. C’est dans ce sens que les participants ont
relevé un certain nombre de problèmes qui doivent être résolus pour qu’on ait
cette sécurité alimentaire. Parmi ces problèmes, il y a celui de l’insécurité
foncière, la difficulté d’accès à la terre pour les jeunes et les femmes, l’insuffisance
de la modernisation du matériel agricole et l’inadaptation du système d’accompagnement
à cette modernisation, l’organisation des acteurs pour faciliter
l’appui-conseil et technique, l’approvisionnement et la commercialisation,
l’obtention de la vraie semence améliorée par tous les producteurs car non
seulement la semence améliorée distribuée de nos jours n’est pas suffisante,
mais elle est souvent de qualité douteuse. Il y’a aussi le manque
d’infrastructures de stockage un peu partout dans des conditions optimales pour
préserver la qualité des produits récoltés. La question des infrastructures
routière, est certes une question transversale à tous les secteurs d’activités,
mais le désenclavement des zones agropastorales ne peut être occulté car il
contribue fortement à la sécurité alimentaire (accessibilité des denrées
alimentaires) via la circulation des récoltes des zones déficitaires ou qui
n’en produisent pas, aux zones de consommation qui en ont besoin. Tout cela
nécessite une implication réelle de l’Etat pour éradiquer ces fléaux. Le
développement de tout pays commence par là. La république cubaine qui est citée
comme un pays progressiste a pu démontrer qu’avec la vision et la volonté, on
peut lever ces obstacles.
Quant à la bonne gouvernance, elle a
forcément un lien avec la sécurité alimentaire car chaque erreur dans la
gouvernance de la sécurité alimentaire a toujours été fatale mais aussi cette
gouvernance concerne tous les secteurs administratifs et le privé. Un accent
particulier doit être mis sur le professionnalisme, le patriotisme et l’intégrité
de tous les travailleurs. Et pour cela, il faut une objectivité dans les
recrutements administratifs et la rigueur dans le choix des responsables. Le
Président Thomas SANKARA ne cessait de le dire, « l’homme qu’il faut à la
place qu’il faut ». Tout chef
de service qui n’a pas la conscience professionnelle et le patriotisme dans son
comportement ne créera que des mécontents dans son service et c’est cela qui
crée le favoritisme et les détournements. Aucun pays en voie de développement
ne pourra s’en sortir sans cette rigueur. Je pense que la Chine et le Japon
donnent de très bons exemples dans ce sens. Dans certains services en Afrique,
la bonne gouvernance signifie que l’Etat augmente leur budget pour qu’il y ai
suffisamment d’argent. A mon avis, cela a souvent occasionné des détournements
que moi j’appelle « augmenter pour manger ». Pour moi, la bonne gouvernance, c’est mettre l’argent
dans l’essentiel. Le professionnalisme et le patriotisme permettent de
faire beaucoup avec peu et c’est ainsi que se fait le progrès. Le jour où il y
en aura plus, nous devons pouvoir faire de bons qualitatifs sans lesquels nous
serons toujours à la traine et continuerons à courir derrière les crédits que
nous utiliserons mal. Nous contribuons en ce moment à rendre la vie difficile
aux générations futures. La résolution des problèmes cités par l’atelier peut
vraiment aider pour le développement du Burkina Faso.
En tant que
vétéran agricole
Ouagadougou, le 20 Novembre 2017
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur
honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com