dimanche 9 décembre 2012

Ce que je pense de mon voyage au Tchad sur l’invitation de l’UNPCT.


                                                                                                                                                                                                         

Du 10 au 23 octobre 2012, j’ai été invité par l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Tchad (UNPCT) en tant que ambassadeur des coopératives pour l’année 2012 et aussi  en tant
que président d’honneur de l’Association des Producteurs de Coton Africain (AProCA). Dans ce sens les producteurs de coton du Tchad ont été soutenus financièrement par le PNUD et accompagner techniquement par une structure le GRAIN. En effet, le GRAIN, les a aidés à organiser et à prendre les rendez-vous avec les partenaires : gouvernement, partenaires techniques et financiers et les ONG. Ma rencontre avec eux visait à expliquer l’esprit de coopérative et montrer son intérêt pour les producteurs de coton.
L’UNPCT depuis 2003 a décidé de transformer ses associations de producteurs de coton en coopératives de producteurs de coton. Pour cela, elle avait fait depuis lors un programme d’activités qui devait commencer par la formation de coopératives de base au niveau village puis la mise en place de coopératives intermédiaires par zone d’usine et une coopérative au niveau national qui coiffera toutes ces coopératives. Selon les producteurs, ce processus est bloqué depuis lors pour faute de financement.
De 2003 à nos jours, les producteurs ont traversé beaucoup de difficultés : non enlèvement du coton par moment, retard de payement de l’argent de coton qui peut souvent aller jusqu’à un an, difficultés de gestion de la caution solidaire, retard de mise en place des facteurs de production (engrais, semence, pesticide), insuffisance de dialogue entre les producteurs et la société cotonnière. Tous ces maux ont contribué à bloquer le processus de transformation des associations en coopératives.
Les producteurs de coton du Tchad étant membres de l’AProCA, participent aux rencontres de l’AProCA. C’est ainsi qu’ils se sont rendus compte que les difficultés qu’ils vivent, ont été déjà surmontées dans d’autres pays membres de l’AProCA. Dans ce sens le Burkina Faso a été souvent cité comme exemple. Comme j’ai été président de l’UNPCB du Burkina  de 1998 à 2010, membre fondateur de la création de l’Association des Producteurs de Coton Africain (AProCA) et premier président de celle ci, ambassadeurs du système des nations unis pour les coopératives ; j’étais la personne indiquée pour les éclairer selon eux. Ce rôle d’éclaireur consiste à les accompagner auprès de tous leurs partenaires pour expliquer cette vision et demander leur soutien.
Je me suis senti exactement dans m’a mission qui est de partager mes expériences avec les autres, d’éclairer les partenaires sur cette vision de coopérative dans la production car elle peut permettre à tous les agriculteurs de rentrer dans l’économie, de lutter contre la pauvreté et contre la faim. Nous avons donc rencontré à Ndjamena le président de l’assemblée nationale, le ministre de l’agriculture, le ministre du commerce du Tchad, l’Agence Française de Développement (AFD), l’union européenne (UE), la BAD, le PNUD et OXFAM.
Le constat général que le gouvernement et ses partenaires ont fait sur la filière coton est que tout le monde savait que le coton africain a rencontré des moments difficiles de 2003 à 2010 sur le plan international. L’ancienne société cotonnière du Tchad n’a pas été épargnée par ces problèmes. Non seulement la gestion n’était pas clairvoyante mais elle n’était pas aussi professionnelle ; Ce qui fait que tous les partenaires s’étaient rétractés à accompagner le domaine coton.
J’ai expliqué à tous ces partenaires l’intérêt d’accompagner les producteurs de coton à s’organiser en coopératives, à être une entité bien organisée pour avoir la capacité de préserver cette filière en interpellant chaque fois tous les acteurs de la filière. J’ai également dit que cette mauvaise gestion n’était pas forcement liée seul acte des producteurs ; mais ce sont eux qui ont le plus subi les conséquences néfastes. Dans la mondialisation, les conquérants dans un domaine profitent du faite que les autres n’avancent pas pour prendre leur place. Pour moi, je ne considère pas l’Afrique comme un continent mais comme un pays dont le Tchad est une des provinces.
En Afrique, on ne doit plus accepter ces genres erreurs car ces erreurs ont fait que tous les partenaires s’étaient rétractés à accompagner le domaine coton. Mais à la fin de chaque entretien, tous les partenaires rencontrés ont été unanimes pour accompagner les producteurs de coton dans leur nouvelle vision. Comme l’ancienne société a été liquidée, chacun souhaite que la nouvelle société change la gestion et permet un partenariat gagnant-gagnant entre elle et les producteurs de coton, ce qui pourra aider plus facilement l’accompagnement des partenaires pour que la lutte contre la pauvreté prônée par le gouvernement et les partenaires soit une réalité.
Selon les producteurs dans l’histoire du coton, le Burkina à un moment est venu s’acquérir des expériences du Tchad. A l’époque, le Tchad produisait mieux que le Burkina. De nos jours, le Burkina est le premier producteur de coton africain depuis quelques années. Les Tchadiens souhaitent reprendre leur place de grand pays producteur de coton. Les producteurs disent que le coton est la locomotive de leur développement dans leurs localités. Le coton contribue à la sécurité alimentaire grâce rotation entre le coton, les céréales et les légumineuses (arachides, niébé…). Par ailleurs, dans le processus de modernisation de l’agriculture, l’intégration entre l’agriculture et l’élevage leur permet d’obtenir des revenus supplémentaires dus aux produits dérivés et aux services rendus par les animaux.
Après la semaine de Ndjamena, nous nous sommes rendus à Moundou dans la zone cotonnière. A Moundou nous avons rencontré des dirigeants de la nouvelle société cotonnière. En effet, nous avons été bien reçus par l’actuel Directeur Général de la production qui était au paravent accompagnateur des producteurs de coton. En son temps, il a participé à toutes les rencontres et missions de l’AProCA auprès des producteurs avant d’être nommé Directeur à la nouvelle société cotonnière. Il peut donc témoigner que la filière se porte mieux dans certains pays que le Tchad. Avec ses techniciens, il nous a rassurés que les choses vont changer dans la nouvelle société de coton du Tchad. Selon lui, la nouvelle société du coton du Tchad va assumer toute sa mission afin de faire prospérer la filière cotonnière au Tchad. Pour cela, une bonne collaboration entre la nouvelle société cotonnière du Tchad et l’UNPCT est très importante. La nouvelle société a promis de respecter tous ses engagements vis-à-vis de l’union nationale des producteurs de coton du Tchad. Elle souhaite que cela soit de même du coté de l’union. Cependant, pour que l’union réussisse cela, elle doit être accompagnée dans la création des coopératives.
Après ces échanges avec les responsables de la société cotonnière, j’ai rencontré le conseil d’administration des producteurs. L’ordre du jour de ce conseil portait essentiellement sur l’adoption du plan d’action annuel dans lequel il figurait la constitution des associations en coopératives. A ce niveau l’handicap était le manque d’appui technique et financier. A ce niveau, je leur ai expliqué l’intérêt des coopératives. Ce qui peut transformer tous les producteurs en acteurs économiques. Dans les divers, une des grandes difficultés qui a été longuement discuté, fut le conflit agriculteur éleveur. Selon les producteurs, à ce niveau s’il n’y a pas de changement, cela peut handicaper toutes les initiatives qui seront entreprises par les producteurs et la société coton.
 Selon les cotonculteurs, les éleveurs transhumants sont plus écoutés qu’eux les producteurs de coton. Les dégâts de champ par les animaux ne sont jamais sanctionnés. Les producteurs de coton étant à la fois agriculteurs et éleveurs, leurs animaux et leurs champs sont complémentaires : les animaux sont utilisés pour labourer les champs, les déchets utilisés pour fertiliser ses mêmes champs ; il devait être de plein droit à ces animaux qui ont labouré, que les résidus des champs leurs soient réservés uniquement. Malheureusement cela ne se fait pas. Ce sont les animaux des nomades et des transhumants qui se donnent tellement le droit de brouter les résidus des champs de telle sorte que souvent ils broutent le champ avant que vous ne finissez de récolter. Ce qui fait que toutes les récoltes doivent forcement terminer en décembre. Le jour que les producteurs vont augmenter leurs productivités et leurs productions, ils ne pourront pas terminer les récoltes en décembre. Comme les éleveurs se sont donné le droit de brouter les champs sans problème, ils ne laisseront pas un coton dont la récolte va excéder le mois décembre et aller en janvier-février car ils sont maitres de la brousse.
Pour résoudre ce problème, nous avons prévu de rencontrer la société civile de Moundou pour lui expliquer les enjeux de la filière coton. A Moundou où se trouve la société cotonnière, nous savons qu’ils bénéficient indirectement de la transaction financière des acteurs de la filière coton. Malheureusement, cette société civile n’était pas au rendez-vous. Ce qui montre qu’il y a toujours du travail à faire dans toutes les couches de la société civile africaine pour qu’elle puisse se poser la question pour savoir d’où viennent ses revenus. Une raison de plus qui montre que toutes les couches de la société doivent être organisées en coopératives pour se poser cette question. Selon les producteurs, il est arrivé lors d’une rencontre avec le chef de l’Etat tchadien, que les éleveurs demandent à l’Etat de leur procurer des aliments bétails à base des graines de coton. Ces éleveurs ne savent pas qu’ils sont les ennemis à eux mêmes car en détruisant les champs de coton. Le chef de l’Etat ne peut pas leur fournir ces aliments à base de graines de coton.
Après le conseil, nous avons organisé une conférence de presse à travers laquelle j’ai interpellé tous les partenaires et la société civile à prendre conscience de la complémentarité qui doit exister entre les acteurs. De retour à Ndjamena, nous avons fait le bilan. Dans ce bilan les producteurs ont reconnu que ma venue et mes interventions devant les autorités et les partenaires ont été très capitales ; parce que les autorités et tous les partenaires que nous avons a rencontré ont décidé de les accompagner et ont demandé aux producteurs de leur faire des propositions.
Après cela, nous avons également organisé à Ndjamena, une conférence de presse à travers laquelle j’ai dit que l’Afrique a de l’espace, des hommes et que mon souhait serait que l’Afrique soit un jour une puissance dans l’agriculture afin que nos produits soient majoritaires sur nos marchés et supers marchés et puissent avoir une place appréciable sur le marché international. Je voudrais également, que nous puissions nous nourrir nous mêmes en travaillant dans la complémentarité. Je souhaite que l’avenir du coton soit radieux en Afrique. Pour cela nous souhaitons la collaboration entre toutes les couches sociales car nous avons constaté que partout la société civile ne s’est pas intéressée chaque fois qu’on a voulu la rencontrer. Pour nous appuyer, nous avons demandé à la presse de nous aider à amener la société civile à prendre conscience de cette collaboration. Nous avons souhaité que tous les acteurs de la société civile soient des coopérants. L’Afrique compte sur sa population pour vaincre la pauvreté et la faim. Je suis personnellement confiant que c’est possible.
                                                   Ouagadougou, le 01 décembre 2012
                                                   TRAORE B. François,
                                                  www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa.
           (+226) 70 95 34 45
                                                   (+226) 78 50 16 25

samedi 8 décembre 2012

Ce que je pense du Forum africain 2012 à Tunis


 Du 12 au 16 novembre 2012, nous avons participé madame Coulibaly technicienne et moi président d’honneur au nom de l’association des producteurs de coton africains (AProCA) sur invitation de CompACI au Forum africain 2012 du PDDAA (Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine) à Tunis en Tunisie. Quarante six pays africains et l’Allemagne ont pris part à ce forum. Le Forum africain est une structure du PDDAA détenue et dirigée par les organisations de producteurs agricoles en Afrique.
Dans un contexte de crise alimentaire et financière, les regards sont désormais tournés vers les organisations de producteurs agricoles en tant que lien vital entre les agriculteurs et les pouvoirs décisionnaires, ou entre les producteurs et le marché. C’est dans cette perspective que ce forum a été placé sous le thème : « les Organisations de Producteurs Agricoles : le lien vital pour une croissance agricole équitable et durable en Afrique ».

A travers ce thème, les objectifs visés étaient essentiellement la sensibilisation sur le rôle critique des organisations de producteurs agricoles dans le développement de l’agriculture en Afrique ; la diffusion et le partage d’expériences entres les différents acteurs et encourager l’avancement des meilleures pratiques en Afrique afin de concourir au développement de l’agriculture piloté par les pays africains.
        
Parmi ces meilleures pratiques présentées, les expériences d’un certain nombre de pays ont attiré mon attention. Par exemple la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. Ces expériences étaient basées sur l’organisation des filières comme l’olive, l’élevage, le blé, le maïs. Nous avons retenu que la maitrise d’une filière, commence par la bonne maitrise des phases suivantes : la multiplication des semences de bonne qualité pour la production ; de la production à la transformation ; de la transformation au marché. Il ressort également de ces expériences, que la collaboration entre l’Etat et le privé a été essentiel pour la bonne marche de ces filières.
 
La réussite de ces pays maghrébins de l’Afrique montre qu’avec la volonté on peut bien faire l’agriculture moderne en Afrique. L’exemple du Rwanda a aussi attiré mon attention. Un Rwandais m’a dit qu’au Rwanda, tout responsable dans l’administration publique comme dans le privé, doit signer un contrat de performance. Ce contrat de performance est fixé par lui même au départ en public. Si le rapport de l’évaluation des activités révèle que la performance prévue n’est pas atteinte, le responsable en question cède sa place à un autre car les compétences ne manquent pas. Au Rwanda même un chef de famille doit s’engager à atteindre un objectif qu’il se fixe et doit s’assumer par rapport à cet engagement. Par exemple, un autre Rwandais dit que le Rwanda est autosuffisant en pomme de terre aujourd’hui à tel point qu’il en d’exporte dans les pays voisins. S’il exporte, c’est qu’il produit de la pomme de terre de bonne qualité.
L’AProCA a eu l’occasion de présenter son expérience en tant que filière coton organisée. Aujourd’hui, il est présent dans 15 pays africains. Son objectif est de s’étendre à tous les pays producteurs de coton africain. L’AProCA veut que ses producteurs de coton vivent décemment de leur production. Il souhaite également que ce coton soit transformé un jour en Afrique. Dans mon intervention, j’ai démontré que l’AProCA contribue énormément à la sécurité alimentaire. En plus des revenus que les producteurs gagnent dans la vente du coton, les graines de coton profites à la population. Dans 100 kg de coton graine, il y a 52 kg de graine qui en sorte après égrainage. Cette graine peut être consommée directement par les animaux (bovins, caprins). Les graines peuvent être également transformées en tourteau, aliment bétail, après extraction de l’huile. Sur 100 kg de graine de coton, il peut y avoir 36 litres d’huile consommable par l’homme. Cela veut donc dire que les 52% rentrent dans l’alimentation. Dans nos zones cotonnières, tout bon producteur de coton est bon producteur de céréales, essentiellement le maïs et le mil.
L’AProCA a aussi parlé de son université coton basée à l’université polytechnique de Bobo. Les professeurs de Bobo en collaboration avec les autres professeurs d’universités des pays membres forment les membres de l’AProCA et ses partenaires. Ce qui permet une bonne collaboration entre les penseurs, les chercheurs et les acteurs du terrain.
De ce forum, ce que je retiens en tant que ambassadeur des Nations-Unis pour l’année 2012, année des coopératives et au regard de mes expériences, c’est que le salut de l’Afrique est dans les coopératives engagées dans les filières. Il y a quelques années l’organisation des filières était difficilement comprise dans certaines grandes rencontres des agriculteurs en Afrique. La compréhension que certains avaient, était que l’organisation par filière obligeait les producteurs à faire la monoculture (faire un seul produit) ; alors que s’organiser par filière n’est que professionnel ! En effet, dans une filière organisée, l’obtention des intrants est facilitée, (semence, engrais, produits…); de même que la commercialisation parce que vous pouvez facilement tissez un partenariat avec les acquéreurs nationaux ou internationaux.
 Il n’est pas interdit qu’un producteur soit dans plusieurs filières. Par exemple j’ai vu un tunisien qui avait un champ d’olive et qui faisait en plus l’aviculture. Or, on sait que les règles de production, de commerce des olives et des poulets ne sont pas identiques. Le partenaire qui cherche les olives, quand il envoie un camion pour chercher les olives, il ne voudrait pas qu’on y mette des poulets. Donc ce producteur peut être dans une coopérative d’olives et une coopérative de poulets.
Dans ce forum, il y avait suffisamment d’exemples qui montrent que le développement est possible en Afrique. En Tunisie, le désenclavement est un grand atout pour les agriculteurs : les routes bien faites existent partout, ce qui facilite l’accessibilité et l’évacuation des produits agricoles. Presque toutes les familles ont l’électricité. De même, les producteurs sont rassurés dans leurs fermes car le problème foncier est réglé. Cette réussite est tributaire au gouvernement tunisien. Il faut que le développement soit mesuré désormais par le développement du milieu rural et non pas par la beauté des villes. Prenant l’exemple de la Tunisie, nos gouvernements doivent donc investir dans le milieu rural et faciliter également la capacité des privées à collaborer avec les agriculteurs. Nous avons vu que l’arrivée du téléphone portable en Afrique a été un salut. Mais pour cela, il a fallu le privé. Certaines entreprises téléphoniques étatiques ont failli même être en retard.
C’est l’occasion pour moi de remercier la coopération allemande GIZ, tous ses partenaires, nos hôtes tunisiens  et tous ceux qui ont aidé à l’organisation et à la réussite de ce forum.

                                                   Ouagadougou, le 27 novembre 2012
                                                   TRAORE B. François,
                                                  www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa.
           (+226) 70 95 34 45
                                                   (+226) 78 50 16 25