mardi 19 avril 2011

Le leadership en Afrique

Dans l’histoire de l’Afrique, les peuples ont toujours fonctionné différemment pour le même but qui est de sauvegarder la vie sociale et pouvoir vivre de leurs revenus. C’est la raison pour laquelle certains peuples se déplaçaient pour rechercher de bonnes terres, tandis que d’autres le faisaient pour rechercher la sécurité. L’évolution de ce pouvoir sociale est partie de la famille au village et des communautés de groupes ethniques. Ces groupes sont généralement gérés par le patriarche.
L’esprit de leader a commencé soit pour défendre soit pour attaquer (la guerre). C’est pourquoi au niveau de chaque peuple on retrouvait des leaders historiques. Ceux-ci étaient choisis dans certains peuples ou émergeaient du peuple grâce à leur charisme. Lorsqu’ils étaient désignés, ils recevaient une éducation spéciale afin de respecter les normes et les règles de la communauté. Tout leader choisi et formé n’avait plus le droit de violer les règles, mais de les faire respecter. Pour ceux qui émergeaient à partir de leur charisme, ils se faisaient aimer et respecter par leur volonté de défendre et de faire épanouir la société.  Ces leaders faisaient la fierté de leur peuple. Prenons l’exemple de Soundiata KEITA. J’ai été très heureux qu’on soit revenu lors du cinquantenaire du Mali à  la chaîne de télévision « Africable », sur son histoire et aller jusqu’à la charte de « kouroukan fouga». Cela signifie que l’Afrique avait des leaders visionnaires de paix qui permet le développement.
Des leaders existaient dans nos sociétés africaines dites analphabètes. Ces sociétés ont réussi à les repérer. Que veut dire alors un leader ?  Un leader pour moi, c’est une personne qui a une capacité d’analyse et qui sait que ses intérêts sont liés à ceux des autres. Il est également une personne qui sait que par rapport à l’intérêt général tout le monde n’a pas bien compris. Il travaille et se bat pour que les autres comprennent le lien de leurs intérêts. Il est aussi une personne capable d’analyser le passé et de s’en servir pour les décisions du présent et de  l’avenir. Il sait également que cet avenir est conditionné par la manière de prendre en compte les éléments du passé et du présent. Donc, être un leader n’est pas un privilège mais une mission de défense des intérêts généraux.
Mon passage dans les organisations paysannes me permet d’en faire une analyse. Nous avons la chance d’avoir plusieurs de nos responsables qui ont été à l’école. Je sais que l’instruction fait partie des outils pour assumer les responsabilités que la société leur confit. Il y a également des partenaires qui appuient par-ci par-là les organisations paysannes. Mais, il demeure toujours une confusion entre le rôle et les qualités du leader et la compréhension des représentants. Un leader, c’est une personne qui arrive à amener son groupe à comprendre, à faire quelque chose de positif et à atteindre des objectifs qu’il n’aurait pas pu atteindre. Si nous prenons la charte de Kouroukan Fouga, le grand problème à l’époque était la paix entre les groupes et entre les peuples. Soundiata à travers cette charte a permis une rencontre de tous les peuples pour réfléchir, échanger et décider du contenu de cette charte pour l’instauration d’une paix véritable et durable. Le symbole de cette paix était le respect de cette Charte. Soundiata est donc arrivé à faire quelque chose qui n’existait pas et qui était pourtant recherché par  tout le monde.
De nos jours, le principal problème pour lequel nous nous battons, c’est la pauvreté. Tirons-nous des leçons des images que nos ancêtres ont fait refléter pour bien décider ? Nos dirigeants politiques comme nos responsables paysans ont eu des occasions de visiter des pays développés. Sommes-nous maudits, pour ne pas pouvoir réussir comme ses pays ? Ou nous  manque-t-il des leaders efficaces ? Je pense que nous en avons mais, pour les connaître, il faut tout simplement savoir qu’un leader n’est pas une prérogative mais une personne capable de rassembler et d’impulser le développement du groupe. Il est celui qui, pendant que le groupe savoure un résultat, passe son temps à réfléchir au futur qui les attend. Un adage africain dit que l’hyène après avoir bien savouré une proie, s’assoit et pleure parce qu’elle n’est pas sûre qu’elle aura à manger le lendemain.

                                                        Ouagadougou, le 18 avril 2011
                                                         TRAORE B. François
                                                         Docteur honoris causa.

mercredi 6 avril 2011

Ce que je pense de l’assemblée générale annuelle de l’UGCPA

Le 30 mars 2011, j’ai participé à l’assemblée générale annuelle de l’UGCPA dont le thème était « législation fiscale au Burkina Faso, quels enjeux et obligation pour les organisations paysannes ».
L’UGCPA est une structure paysanne de commercialisation essentiellement des produits consommables (maïs, sorgho, petit mil, niébé, bissap). C’est une structure régionale qui a 18 ans de vie avec 2100 membres. C’est sur un partenariat de paysans à paysans avec les agriculteurs de l’Union des Producteurs Agricoles /Développement International (UPA/DI) du Canada qu’est née l’UGCPA à Dédougou. Aujourd’hui l’UGCPA travaille avec beaucoup de partenaires qui croient en sa crédibilité.
 Sur le thème de l’assemblée, trois interventions ont été présentées :   un consultant, un représentant de l’agriculture et celui des impôts ont chacun exposé sur cette fiscalisation. Dans les synthèses de ces exposés et de ces débats, le constat est qu’il y a des opportunités de défiscalisation qui sont prévues pour les organisations paysannes actives ; cela n’occulte pas qu’ils aient également des devoirs. Selon le directeur régional des impôts, il y a plus de 7 000 organisations et associations qui existent au Burkina Faso. Le problème est que la majorité porte double carapaces. Il y a certaines organisations paysannes dont le récépissé est détenu ou exploité par un individu. Quand on veut procéder à une vérification dans ses organisations, les responsables changent de langage. Donc selon lui les organisations sérieuses ont le devoir de se faire connaître. Il a rassuré sa disponibilité pour mieux discuter avec ces organisations pour qu’elles bénéficient des faveurs qui leurs sont prévus.
Pour le représentant du ministère de l’agriculture, les organisations paysannes ont des opportunités offertes dans la loi 14 qu’elles ne saisissent pas souvent. Mais pour les saisir, il faut au préalable que ces organisations soient crédibles. Cette même loi a prévu une structuration qui permet que les structures au niveau décentralisé puissent faire remonter les problèmes au niveau des structures nationales des producteurs pour que ceux-ci soient défendus. Rien n’empêche les producteurs qui font la même activité de se mettre ensemble pour certaines opérations pour être fort.
Pour le thème de l’assemblée, je trouve très bien l’exonération des agriculteurs dans leurs activités car toutes les activités que l’agriculteur mène, même en vendant ses produits, c’est toujours pour réinvestir et mieux produire. Les commerçants de céréales ne se mettent en action que quand les producteurs ont produit. L’accompagnement de l’Etat et de ses partenaires à celui qui multiplie la graine n’est que nécessaire car c’est après la production que la machine de commerce se met en marche. Dans mon expérience, certaines sociétés industrielles demandent comme condition d’installation, souvent plusieurs années d’exonération avant de commencer à payer l’impôt. Si je trouve cela normal à leur niveau c’est parce qu’ils vont produire et apporter un plus à la nation, l’agriculteur étant un entrepreneur aussi, surtout pour multiplier la graine, a le droit d’être exonérer. L’expérience m’a montré que chaque pays dans sa vision de développement a son secret. Les organisations et les coopératives paysannes professionnelles sont à la base du développement en agriculture. L’UGCPA a ainsi été félicitée de cet esprit qu’elle a eu de débattre de ce thème, par tous les représentants des services présents à son assemblée. L’UGCPA devient une fierté de ses partenaires aujourd’hui en commercialisant plus de 2 000 tonnes de produits pour cette campagne en cours, avec une capacité de stockage (magasin propre à eux) de 4 000 tonnes. L’UGCPA est également une structure qui donne de l’engrais et de la semence à ses paysans. C’est l’occasion pour moi en tant que membre et ancien président de l’UGCPA, de dire merci à tous ces partenaires qui ont accompagné cette structure, qui ont accepté son autonomie. Je ne suis pas surpris de la confiance que l’UGCPA a avec ses partenaires et surtout les banquiers parce qu’une structure qui se forge sur ses règles démocratiques et professionnelles selon sa vision et qui les applique correctement, n’attend pas ses résultats au paradis. Ceux-ci se répercutent immédiatement dans la vie quotidienne de ses membres. Je souhaite donc courage et détermination à l’UGCPA pour l’avenir.
                                  Bobo-Dioulasso, le 02 avril 2011
                                  TRAORE B. François,
                                  Docteur honoris causa


Ce que je pense de la rencontre organisée sur la biosécurité par l’UEMOA (PRB/UEMOA).

J’ai été invité par l’UEMOA au nom de l’APROCA à la «  réunion de validation du rapport de revue à mi-parcours et de relecture du cadre de résultats du programme régional de biosécurité de l’UEMOA (PRB/UEMOA) » les 31 Mars et 01 Avril 2011 à Ouagadougou.
Avec comme partenaire la banque mondiale, l’UEMOA a entrepris d’accompagner les Etats pour harmoniser leur document de biosécurité. De nos jours, la CEDEAO et le CILSS sont associés à ce projet. La  biotechnologie étant une technologie qui peut certes avoir des avantages et des inconvénients, nécessite que personne ne soit surpris par son introduction dans son pays ou soit par l’effet de son introduction par un pays voisin. En plus, le protocole de Cartagena oblige tous les pays signataires d’avoir une loi de biosécurité. Les participants étaient les représentants des pays membres de l’UEMOA et ceux des sociétés civils dont l’APROCA. Il ressort que le projet dans son programme initial est en retard. Il était donc question de voir quel recadrage on devrait lui donner. C’est là où j’ai toujours déploré la lenteur de nos structures dans l’exercice des projets. Selon les uns et les autres, ces lenteurs s’expliquent toujours par la longueur des procédures .Il faudrait un jour qu’il y ait un débat autour de ces lenteurs de procédures. Est-ce une question de manque de confiance ? Dans l’esprit de la recherche en générale, je pense que les Etats africains n’ont pas toujours bien mesuré la portée de la recherche.
Chez nous les agriculteurs au village, il y a toujours des choses sacrées. Les personnes qui ont la charge de ces choses sacrées sont respectées et soutenues. Au début de l’hivernage, quand un sacrifice doit être fait pour qu’il y ait une bonne pluviométrie, tout le village est unanime pour que le sacrifice soit fait. En Europe, ce qui a fait le développement, c’est le savoir scientifique et les chercheurs. Il arrivait même pour certains chercheurs qu’on les isole pour bien les entretenir pour qu’ils puissent mieux travailler. Alors qu’en Afrique les chercheurs sur lesquels nos Etats ont investi s’en vont dans les projets parce qu’ils y sont mieux entretenus. Je souhaite alors que nos Etats « mettent le paquet » pour garder nos chercheurs afin que nos recherches prennent leur vraie place dans le développement. N’est-ce pas là le secret du Brésil et de l’Inde? J’ai l’intention qu’en Afrique, on fête plus qu’on ne cherche. A ce rythme, l’Afrique risque de rester le continent «vierge » où l’agriculture n’a pas avancé et va être envahi par les pays qui ont compris l’agriculture et qui pensent que la terre y existe mais qu’on ne la travaille pas suffisamment. Je souhaite donc que ce recadrage que nous avons entamé sur ce projet soit pris en compte rapidement et que les partenaires nous permettent de rattraper le temps perdu. Je voudrais également que l’initiative des pays africains de se regrouper dans les différents projets scientifiques soit l’amorce d’un développement durable accéléré. 

                                                         Ouagadougou, le 03 avril 2011
                                                         TRAORE B. François,
                                                         Docteur honoris causa