dimanche 29 mai 2011

Ce que je pense de l’atelier de validation du plan d’action sur l’organisation des filières au Burkina Faso.

Du 26 au 27 Mai 2011 à Ouagadougou, j’ai participé à un atelier de  validation du plan d’action sur l’organisation des filières agricoles, organisé par les ministères de l’agriculture, de l’élevage et de l’environnement. Cette réflexion a commencé depuis 2008 et chaque ministère a priorisé un certain nombre de filières qu’il appelle filières prioritaires. Ces filières prioritaires sont choisies selon les potentialités qu’elles peuvent apporter aux producteurs, aux différents acteurs et à la nation. La loi 14 adoptée en 2000 exige que les producteurs s’organisent en filières. Chacune des organisations professionnelles qui existaient, a essayé de s’adapter et de se conformer à cette loi à sa manière. Seule la filière coton était spécifique. La filière maïs et quelques autres filières ont tenté de s’organiser, mais elles n’ont pas pu aboutir à une vraie capacité d’approvisionnement des intrants, de la production, de la commercialisation des produits et une structure nationale. Le Burkina Faso, avec une population rurale d’environ 80%, ne peut pas expliquer pourquoi il importe toujours des vivres comme le riz et autres. On peut se dire qu’il y a un peu de paradoxe car on n’a pas mal d’organisations professionnelles reconnues par la loi 14. Les producteurs n’arrivent pas à s’adapter à l’organisation typique filière, si bien que lors des Journées Nationale du Paysan (JNP) on entend toujours l’expression « filière mal organisée ». Je soutiens l’Etat dans son initiative d’accompagner l’organisation des filières. Mon souhait serait que les producteurs comprennent bien cela, qu’ils occupent leur place, qu’ils s’organisent bien dans les filières pour mériter cette place dans les interprofessions prévues dans ce plan d’action pour ne pas y être un jour des figurants. La crédibilité et la force d’une interprofession dépendent du niveau d’organisation et de participation des producteurs. Une interprofession, c’est deux ou plusieurs entités qui trouvent qu’ils ont besoin chacun l’une de l’autre, qui ont des intérêts et des rôles à partager. Ainsi, l’organisation est autant importante pour les producteurs, que pour les autres maillons (transporteurs, commerçants…). C’est la qualité du produit et celui du respect des contrats dans « le gagnant gagnant » et des engagements qui font développer une filière. C’est aussi le développement des filières qui a permis au Thaïlandais de vendre le riz au Burkina, aux européens de lui vendre le lait. C’est l’argent que les agriculteurs africains auraient dû avoir en occupant ce marché que ces occidentaux prennent. Lors d’une journée organisée par la recherche à l’INERA à Ouagadougou, un chercheur m’a dit que la recherche avait une semence de blé de même qualité que celui importé. Pour lui, cette semence de blé donne un bon rendement, mais il n’y a pas de structures paysannes qui en demandent. C’est le jour que le bateau n’arrivera pas avec le blé ou la farine du blé, que le consommateur se rendra compte que c’est du blé cultivé ailleurs qui lui procurait son pain.
L’écart de collaboration entre la recherche et les différents services de vulgarisation a été souligné comme problème dans un diagnostic. C’est dommage que la vulgarisation ne s’occupe pas suffisamment des trouvailles de la recherche. Or, j’ai toujours dis que le développement passe forcement par la recherche adaptée à ce que nous voulons faire. Je pense que dans ce plan d’action, si ce qui est prévu est fait et que les ministères s’assument, alors on évitera les discours des bureaux. Il faut que les producteurs saisissent l’opportunité de s’organiser dans ces filières car les cultures existent déjà et que l’Etat joue parfaitement son rôle d’appui. Je pense que ce n’est pas une opportunité pour certains agents d’être dans le projet mais plutôt des agents vraiment capables de faire réussir le projet. Je pense aussi que ce sont ces genres d’actions que les partenaires doivent appuyer pour que le paysan rentre dans l’économie, qu’il fasse du business. Un participant d’origine camerounaise représentant une ONG a dit que « l’agriculture africaine n’est pas du business, mais qu’elle ressemble à du communisme, alors que pour développer l’agriculture il faut faire du vrai business. Dans cette mondialisation, celui qui ne fait pas du business, c’est le business qui va le faire ». Plus de 50% des charités apparentes sont des business. De 2008 à nos jours, on est à 4 ans pour la préparation du plan d’action. Si pour la mise en œuvre on entend encore 4 ans, on aura donné du temps à d’autres producteurs dans le monde de nous nourrir et de faire leurs business. Selon le participant camerounais « le plus grand cadeau que Dieu a donné à l’Homme, c’est son corps et son intelligence qu’il doit utiliser au maximum. S’il ne le fait pas, Dieu sera déçu de les lui avoir donnés ».

                                      Ouagadougou, le 28 Mai 2011
                                                TRAOE B. François,
                                                Président d’honneur de l’AProCA,
        Docteur honoris causa.
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mercredi 25 mai 2011

L’intelligence de l’homme

L’intelligence de l’Homme est la matière qui lui permet de réfléchir, d’analyser, de décider et de prévoir. Elle est pour moi la matière qui différentie l’être humain de  l’animal. Tous les Hommes naissent avec un minimum d’intelligence. Cette intelligence peut être développée par l’éducation, par l’environnement et par l’expérience. De cet fait, l’instruction devrait être un passage pour aider au développement et à une meilleure utilisation de cette intelligence. Mais elle ne la crée pas. C’est là parfois la confusion quand souvent les gens prennent ceux qui sont instruits comme étant les seuls intelligents. Avant la généralisation de l’instruction moderne, les peuples du monde réfléchissaient, créaient et cherchaient. C’est cela qui a été renforcé par l’instruction moderne. En Afrique le malheur est que certains pensent que c’est à partir de cette instruction moderne que les gens ont commencé à réfléchir. Les peuples qui sont partis de leur capacité intellectuelle et de leur réalité environnementale pour orienter leur instruction moderne n’ont pas eu de rupture entre la théorie et la pratique. L’instruction a plutôt été un outil pour faciliter l’évolution de leur vision. Dans l’un de mes précédents écrits, j’ai dis que dans l’histoire, tous les peuples étaient des chercheurs ; la preuve est que chacun avait trouvé de quoi manger et chacun avait découvert  le feu. Il m’arrive souvent d’entendre au village que le noir ne sera jamais comme le blanc. Cela sème le doute  chez certains villageois comme si le noir ne possède pas cette matière grise; alors que c’est le déracinement de l’idéologie de l’instruction qui  n’a pas pris en compte les réalités du milieu pour que l’instruction  soit profitable aux masses. C’est pour cela qu’il y a une rupture entre leur façon de penser, d’agir et l’instruction moderne.  Les villageois voient l’instruction plutôt comme une ruse de quelque chose qu’on apprend, qui n’est pas chez eux et qu’au village il faut simplement subir.  Pourtant, les enfants ont été instruits pour compléter ce que les parents pensent et font au village. Alors,  il se trouve un grand écart entre l’action de ceux qui ont été instruits et la réalité au village. Il arrive que  les bonnes œuvres réalisées pour les populations  par le politique ou les services techniques, soient appréhendées  par  les populations  comme une gentillesse, alors que ceux-ci n’ont fait que leur devoir. C’est ce qui fait que ces œuvres sont souvent utilisées pour la grandeur de ces intervenants. Comme les villageois pensent que c’est un cadeau, même si c’est le centième de ce qui devrait être fait qui est réalisé, ils applaudissent quand même. Cela fait persister une déconnexion entre les deux entités(les instruits et les non instruits) et ne fait pas évoluer la cohésion des analyses pour le développement du milieu rural.
 L’Afrique a été colonisée pour ses potentialités naturels et son capital humain. L’Afrique indépendante a de la peine à utiliser ses ressources pour se développer alors qu’il m’a tout l’air que l’indépendance était acquise pour permettre ce développement. C’est vrai  que nous pouvons  faire la comparaison entre nos grandes villes et certaines villes européennes dans le confort, mais nous constatons que la pauvreté persiste dans le milieu rural. Or de nos jours, les ressources ont beaucoup diminué pendant que la démographie est galopante. Souvent,  je me demande s’il n’est pas trop tard de combler ce fossé mais ce qui me console c’est que je suis convaincu que nous avons la même matière grise les occidentaux. Je suis aussi convaincu qu’on peut faire le constat et réagir le plus vite. Je pense toujours que la population rurale africaine demeure docile pour le moment. Le retour  de certains qui sont allés à l’exode rural, et de certains élèves,   au village provoque un  changement de comportements, d’actions et de réflexion. Donc pour moi, une bonne orientation du développement du milieu rural peut permettre de positiver toutes les pensées éveillées qui pourraient aider à avancer.
                                                    Ouagadougou, le 22 Mai 2011
                                                   TRAOE B. François,
                                                  www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa.
           (+226) 70 95 34 45
          (+226) 78 50 16 25

mardi 17 mai 2011

Ce que je pense sur la rencontre de Cotonou sur le lancement du coton équitable et bio équitable

Du 19 au 29 Avril 2011, j’étais à une rencontre organisée par l’AProCA sur le coton équitable et bio équitable. L’AProCA dans sa vision d’encourager et de défendre le coton africain, a depuis un certain temps décidé de soutenir toutes les initiatives de niche dans le coton, dont le coton équitable et bio équitable. Certains membres de l’AProCA avaient déjà l’expérience dans ces différentes productions. C’est ainsi qu’un projet a été financé à l’AProCA par l’Agence Française de Développement (AFD) pour accompagner cette production au Burkina Faso, au Benin, au Cameroun, au Mali, et au Sénégal. Dans cette rencontre, il fallait travailler sur le plan d’action et lancer ce projet du financement de l’AFD. Dans cette expérience, ces pays ont tous eu dans le passé des difficultés de commercialisation ; soit dans le coton équitable ou soit dans le coton bio équitable. Mais de nos jours, comme le prix du coton conventionnel sur le marché mondial est à un  prix jamais égalé, c’est l’effet contraire que nous vivons ; tout s’achète dans le coton. Ces niches de coton n’ont pas de prix officiel international. Cela est donc forcement lié au prix du coton conventionnel. Il a ainsi été recommandé de connaître le prix de ces produits sur le marché international pour faciliter les fixations des prochains prix aux producteurs. Le coton fibre bio équitable qui coûtait 1 200 f le kg sur le marché mondial était payé au producteur 270 f le kg de coton graine, pendant que le kg de coton fibre du conventionnel était à 600f sur le marché mondial. De nos jours, le kg du coton fibre conventionnel est à plus de 2 000f. Si le coton bio équitable  peut se vendre à plus de 2 000f, ou vendu plus cher que le coton conventionnel, à combien devrait-on payer désormais le kg du coton bio équitable chez le producteur ? Quant au coton équitable, le problème de marché ne se pose plus, car il peut être vendu au prix du marché du coton conventionnel. Les difficultés se trouveront dans la répartition du prix au producteur et au niveau des avantages que le coton équitable donnait au producteur. L’AProCA et ses partenaires se sont engagés à travailler à clarifier tout cela.

Le coton, l’or blanc est devenu du diamant
Dans cette rencontre de Cotonou, les producteurs Camerounais et Béninois étaient présents. Ils  ont fait ressortir leurs difficultés avec les trafiquants de coton qui venaient acheter leur coton et allaient le vendre au Nigeria très cher. C’est ainsi que le Cameroun a vu environ 30 000 tonnes de coton de sa production envoyée au Nigeria par les trafiquants. Une partie du coton Béninois y est également rentrée. Dans les explications, il ressort que les trafiquants viennent payer le kg de coton graine autour de 200f chez le producteur et s’en vont le vendre au Nigeria entre 600 à 700f le kg de coton graine. Ces pays étaient obligés de prendre des dispositions très rigoureuses et surement couteuses pour que les trafiquants n’arrivent plus à ramasser le coton. Quand les agriculteurs vendent le coton aux trafiquants, ils ne viennent plus payer le crédit des intrants à leurs groupements. L’encadrement des producteurs fait par le Benin et le Cameroun a été donc au profit de ces trafiquants.
Moi en tant que producteur de coton, cela m’a poussé à analyser le phénomène: ces trafiquants qui achètent le coton graine des producteurs de ces pays, autour 200f, en le revendant à 600f aux égreneurs nigérians, gagnent finalement beaucoup plus que le producteur. En continuant la réflexion de paysan, je ne pense pas que c’est une barrière qui peut résoudre le problème ; c’est comment le Nigeria arrive à payer le kg du coton graine à 600f ou 700f qu’il faut chercher à comprendre. Quelqu’un me dira que c’est parce que le Nigeria ne paye pas l’encadrement qu’il peut le payer à 600 f. Alors qu’en prenant 100 f par kg sur les 30 000 tonnes du Cameroun qui sont rentrées, cela fait 3 milliards. Je pense que 3 milliards peuvent bien payer l’encadrement de 30 000 tonnes. Il va rester 500f à 600f. Le point d’interrogation se trouve à ce niveau. Le producteur paierait très bien ses intrants sans se rendre compte ! Je trouve que ça, c’est une affaire à suivre.

                                                               Ouagadougou, le 14 Mai 2011
                                                               TRAOE B. François,
                                                                http://www.francoistraore.blogspot.com/                           
                                                                Président d’honneur de l’AProCA,
                                                                Docteur honoris causa.