lundi 25 juillet 2016

CE QUE JE PENSE DE L’ATELIER SUR LA CRÉATION D’UNE BANQUE AGRICOLE AU BURKINA FASO



Présidée par son excellence monsieur le Premier ministre du Burkina, Paul Kaba THIEBA, le jeudi 21 juillet 2016 s’est tenue à Ouagadougou, une rencontre dans le cadre de la création d’une banque agricole. Ont participé à cet important atelier, des Agriculteurs, des professionnels du monde des finances et les représentants de l’administration. Dans le discours d’ouverture du Premier ministre, il a parlé de l’importance de l’agriculture et de l’élevage dans l’économie et dans la société. Il a également reconfirmé sa volonté de créer une banque agricole. En rappel, à l’occasion de sa première rencontre avec les parlementaires, il avait indiqué que la mise en place de cette banque au Burkina constitue une priorité pour son gouvernement car elle est incontournable pour le développement du monde rural. En effet pour lui, le milieu rural regorge l’essentiel de notre population. La population rurale a besoin d’être financée et peut également épargner pour éviter les désagréments qu’elle a souvent à garder son argent près d’elle. Le Premier ministre a par la suite interpelé tous les acteurs présents à participer activement aux débats afin de contribuer à la professionnalisation de cette future banque. 

Au nom du monde rural, c’est le Président de la Confédération Paysanne du Faso (CPF) qui a pris la parole. Tout en remerciant le Premier ministre, il s’est réjoui de l’esprit de la création de cette banque que les ruraux ont longtemps réclamé et attendaient. Il a ensuite rassuré le Premier ministre de l’engagement des Agriculteurs à s’y investir. Le Directeur général du trésor a par la suite passé en revue la situation bancaire au Burkina Faso ainsi que les principes sur lesquels on doit se baser pour créer une banque. Parmi ces principes, j’ai retenu trois éléments critiques : (i) la crédibilité des membres fondateurs, (ii) la provenance des ressources propres irréprochables et (iii) la détermination des acteurs à travailler dans le respect des principes bancaires. À l’issue de toutes ces interventions, les participants ont échangé sur le sujet du jour sous la présidence  du Premier ministre. 
Pour les Agriculteurs, nous ne doutons pas du tout que nous pouvons nourrir le Burkina Faso et même exporté le surplus de nos productions. Nous faisons confiance à tous les métiers existants dans le milieu rural mais avons besoin d’être préfinancés à court, moyen et long terme. Dans l’histoire de l’Agriculture au Burkina Faso, c’est le forgeron qui s’investissait en nous fabriquant nos outils de travail et attendait nos récoltes pour se faire payer. La mondialisation et la modernité nous obligent à ne plus vivre au jour le jour. Nous devons avoir une vision et cette vision doit nous guider à planifier et à mettre en œuvre des activités concrètes de développement sur le terrain  de façon participative avec les acteurs de tous les maillons du métier agricole. Si les autres travailleurs du Burkina, notamment les fonctionnaires et les commerçants ont besoin du crédit, nous acteurs du développement rural, nous avons également besoin du crédit pour obtenir du matériel agricole performant et des intrants adaptés pour nourrir la population. Par ailleurs, c’est par la transformation (qui nécessite des équipements modernes et des formations spécifiques) de nos produits que nous pouvons avoir des industries responsables et créer l’emploi.

Dans le débat il y a quand même eu des interpellations et des questions posées auxquelles nous devons trouver des réponses pour mieux décoller. Au titre de ces  interpellations,  il a été relevé que des banques similaires ont existé au Burkina et ont disparu par la suite. Alors, qu’est ce qui montre que cette nouvelle banque ne va pas subir le même sort? Il est ressorti également que le principal goulot d’étranglement est l’absence d’organisation des acteurs dans les filières agricoles. Les organisations agricoles qui existent ne sont pas souvent aptes à coordonner une bonne commercialisation des produits de ses membres. Or c’est par la commercialisation coordonnée et sans exploitation de l’homme par l’homme, qu’on peut garantir le remboursement du crédit. Selon les Agriculteurs, cette banque doit être celle dans laquelle ils doivent épargner leur argent. Si la banque utilise cette épargne pour faire du crédit et si ce crédit n’est pas remboursé, elle perd la confiance des épargnants Agriculteurs. La culture de ce cercle vicieux peut faire ébranler tout le système. 

En tant qu’acteur du monde paysan qui a quand même vécu toutes ces mauvaises expériences, je pense que l’accent doit être mis sur la bonne gestion des organisations paysannes. Il ne faut pas se voiler la face sur la mauvaise gouvernance qui existe au sein de certaines de ces organisations. Chaque fois que les paysans se mettent ensemble et mettent leur biens en commun et que cela est détourné pour d’autres fins, cela créé la méfiance entre les Agriculteurs. Face à l’ensemble de ces défis, le Premier ministre dans sa conclusion, a encouragé les acteurs du développement rural, principalement les services techniques du gouvernement, les banquiers et les Agriculteurs à déblayer très bien le terrain pour que cette initiative produise des résultats positifs. Il a interpellé chaque acteur à jouer correctement son rôle. Il s’est également engagé à plaider pour que cette banque agricole soit une réalité au profit du monde rural, dans l’espoir de voir prospérer le Burkina Faso.

En tant que Président d’honneur de la CPF et du syndicat des Agriculteurs du Burkina 

Ouagadougou, le 25 juillet 2016

TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
           

mercredi 13 juillet 2016

CE QUE JE PENSE DES NOUVELLES AUTORITÉS COMMUNALES AU BURKINA FASO

Le soulèvement populaire des burkinabés en 2014 visait une vrai liberté de la population vis-à-vis de sa destinée. La population a fait le choix de la démocratie et voudrait désormais être dirigée par celui qui veut et qui peut les accompagner vers le développement pour tous. Après donc l’élection du Président du Burkina Faso et des députés à l’Assemblée Nationale, le 22 mai 2016, ont eu lieu les élections municipales avec la participation de plusieurs partis politiques. Le constat est que les élections se sont bien passées ; des conseillers ont été élus. Après ces élections, on est passé aux élections des maires des différentes communes. De nos jours, en dehors de quelques communes exceptionnelles, toutes ces structures de gouvernance locale ont été mises en place.

Comme l’arbre ne doit pas cacher la forêt, je me permets d’interpeller tous les partis politiques confondus, à travailler pour la cohésion sociale dans toutes les communes. Une commune pour moi, c’est un bus de transport dans lequel est montée toute la population communale. Le souhait est que le bus soit conduit à bon port. Sinon en cas d’accident, c’est toute la commune qui est en péril. La devise de tout homme politique doit être basée sur le patriotisme. En effet, quand on est patriote, l’intérêt de la population est précieux. Dans les communes, les populations vivent dans un climat social apaisé. La démocratie dans la décentralisation ne doit pas mettre ces populations en conflit. Tout conflit dans ce milieu est généralement créé par ceux qui s’appellent « leadeurs » politiques.

Ce qui vient de se passer en Angleterre m’a donné une bonne leçon. Ne connaissant pas la situation politique en Angleterre, je ne peux qu’analyser l’apparence. Le peuple anglais a dit majoritairement « non » à l’Union européenne. Le premier ministre qui était pour le « oui » a démissionné aussitôt parce que c’est le peuple qui compte. Par la suite, il y a eu cinq candidats au poste de premier ministre. En l’espace d’une dizaine de jours, tous les quatre sont tombés et il reste une femme. Theresa MAY devient première ministre pas parce qu’elle est femme mais parce que la population estime qu’elle est capable. Ce qui m’intéresse dans tout cela, c’est le pouvoir pour le peuple et par le peuple ; le fait qu’une nation fasse ses règles pour ses intérêts. Dans la situation actuelle de la politique en Afrique, une situation de ce genre pourrait faire dix ans sans être réglée car très souvent, c’est l’intérêt des individus qui compte au détriment de celui de la population. Travaillons alors pour nos populations.

En tant que citoyen burkinabé

Ouagadougou, le 13 juillet 2016
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux
www.francoistraore.blogspot.com    

mardi 5 juillet 2016

Ce que je pense de la modernisation de l’élevage au Burkina Faso



Après que l’homme ait décidé de se sédentariser, il a prélevé des plantes dans la nature qu’il entretient pour se nourrir et cela est devenu l’agriculture. Il a également domestiqué des animaux selon son besoin. De la poule au chien, de la chèvre à la vache, il a fait de ceux-ci sa propriété. C’est ainsi que ceux-ci ont commencé à lui rendre service. Pour ce qui est des herbivores, l’homme a continué à les faire nourrir par la nature. La nature étant très vaste, ces herbivores étaient bien nourris et leur multiplication permettait à l’homme d’être satisfait. L’homme a ensuite découvert qu’il pouvait partager avec les petits de certains herbivores (la chèvre et la vache), le lait. Cela a contribué à enrichir et à diversifier l’alimentation de l’homme.

Le Burkina faisant partie de l’humanité. L’élevage constitue une source de compléments alimentaires et une source de revenus. En 1969, quand je faisais la classe de CM2, la population du Burkina était estimée à environ 4 millions d’habitants. En 2016 on parle de 17 millions. Plus de 4 millions de burkinabé vivent à l’extérieur du pays. La raison principale pour laquelle ces derniers ont quitté le Burkina, c’est qu’ils ne trouvaient pas leurs comptes. Ils sont donc allés à la recherche d’une vie meilleure. Sur les 17 millions d’habitants, environ 80% sont des ruraux et vivent essentiellement d’Agriculture (productions végétale et animale) et de petits commerces. 

Sous nos cieux, au lieu que ces deux activités soient, complémentaires, on assiste à un conflit agriculteur-éleveur permanent. La cause profonde est liée à une mauvaise gestion bidimensionnelle notamment la mauvaise gestion de la démographie et celle liée à la modernisation de l’Agriculture (production végétale) et de l’élevage (production animale). Moi en tant qu’acteur des deux activités, je dis que ces conflits sont entretenus par la mauvaise vision des deux ministères. En effet, il est très courant de voir les techniciens des ministères en charge de l’agriculture et de l’élevage,  gérer mal cette complémentarité entre les deux activités. Ils sont souvent les animateurs du conflit.

Il m’est arrivé d’aller au Tchad. Ce conflit agriculteur-éleveur y existe mais ce qui m’a marqué au Tchad est que les autorités tchadiennes aient décidé d’interdire l’utilisation des sachets plastiques. Ils ont œuvré à joindre l’acte à la parole. J’ai fait le tronçon N’Djamena Moundou, un tronçon de près de 500 km. Tout au long du tronçon, on ne voit pas de sachets ni dans les villes ni dans la nature. La raison avancée par les autorités tchadiennes est que les sachets plastiques sont nuisibles à l’élevage et à l’agriculture. C’est un signal qui ne résout pas tout le problème de modernisation mais qui montre que les autorités savent que les deux métiers sont liés. Au Burkina Faso, la décision d’interdire les sachets plastiques avait été prise sous l’ancien régime mais elle n’a jamais appliquée. Je souhaite donc que le pouvoir actuel régénère cette décision, s’attèle à son application effective sur le terrain tout en proposant des alternatives adéquates aux utilisateurs des sachets.
Au Burkina Faso, une usine de fabrication d’aliments pour bétail (SOFAB-SA) a été installée à Koubri à quelques trentaine de kilomètres de Ouagadougou.  Cela a suscité l’espoir des éleveurs qui veulent moderniser leur élevage. Quant aux éleveurs qui continuent leur activité dans la transhumance, comme l’herbe n’existe pas pendant la saison sèche dans la nature, leurs animaux mangent les sachets plastiques déversés dans la nature, ce qui fait que sur cinq vaches qui meurent de faim, il y en a au moins quatre dont les ventres sont bourrées de sachets. Pour que cela change, il faut que nous trouvions une autre source d’alimentation de ces troupeaux. Cette source ne peut venir que de la production végétale ; c’est-à-dire qu’il faut absolument produire pour nourrir les animaux. 
Dans cet élan, l’usine SOFAB-SA doit augmenter sa capacité de production et la matière première doit venir forcement de l’agriculture. Je vois mal le Burkina importer des céréales ou des oléagineux pour satisfaire cette usine. Avec plus de 15 millions de personnes vivant dans le milieu rural, plus de 60% de cette population étant jeune et souvent sans revenus, je ne souhaite pas que cette jeunesse soit transformée en voleurs et en brigands. Le Burkina a des intellectuels, des penseurs et également plein d’acteurs au développement. À quoi sert toute cette richesse humaine si nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes ? Alors faisons en sorte que la chaîne tourne pour faire prospérer l’économie du Burkina pour l’intérêt de sa population. Les peuples qui avancent, ce sont les peuples qui prennent les bonnes décisions aux bons moments et qui les appliquent.

En tant que Président d’honneur du syndicat des Agriculteurs du Burkina
Ouagadougou, le 05 juillet  2016

TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com