samedi 20 avril 2013

Ce que je pense des caisses populaires

Du 14 au 15 mars 2013, la caisse populaire a organisé un atelier d’échanges avec les organisations de producteurs. Les objectifs étaient que la caisse population fasse comprendre aux agriculteurs ses règles et ses principes ; que les agriculteurs disent leurs préoccupations par rapport à la collaboration caisse populaire organisation paysanne pour que l’outil crédit et épargne se fasse bien entre les deux entités et que leur collaboration soit du gagnant gagnant.

A l’atelier, les agriculteurs ont apprécié positivement la collaboration de la caisse populaire qu’ils appellent d’ailleurs une caisse de proximité. Tous les membres du conseil sont constitués par les adhérents. Cela fait de la caisse leur propriété. Selon les producteurs de coton, la caisse populaire a contribué à faire  baisser le taux d’intérêt du crédit de 11 à 8,%. La Fédération des Professionnels Agricoles du Burkina (FEPABE) comme l’UGCPA qui fait la commercialisation des céréales en faisant le crédit des intrants ont également bénéficié de cette largesse de la caisse populaire. L’UNPCB a félicité la caisse d’avoir plus de 45 milliards de francs cfa dans la production. Cela a permis à la filière de d’augmenter sa production.

Les producteurs ont proposés à la caisse populaire d’adoucir les procédures d’obtention du crédit et de baisser le taux d’intérêt. La caisse à son tour a demandé aux producteurs une meilleure organisation qui non seulement augmente leur crédibilité mais qui diminue aussi le risque de non remboursement du crédit. Pour la caisse, l’argent qu’elle détient appartient aux adhérents. Ce qui fait qu’elle est obligée de travailler et de se rassurer de son remboursement.

La crédibilité d’une organisation est avantageuse pour l’organisation et pour la banque. Selon la caisse, elle est là pour accompagner le développement. Elle s’engage à revoir ses procédures mais souhaite que les paysans respectent les principes organitionnels afin que cette collaboration continue à être gagnante gagnante.

Cette rencontre et ces réflexions témoignent de l’intérêt d’avoir un leadership efficace. J’appelle tous les producteurs, les partenaires à ce que les organisations agricoles aient des leaders conscients de leur rôle à jouer pour entraîner les membres au développement. La réussite et la survie des organisations en dépendent.
J’ai participé à cet atelier en tant que personne et voici ma réflexion ci-dessous.


Ce que je pense des relations entre l’agriculteur, son organisation et les structures financières pour le développement de l’agriculture.
L’agriculture est le plus vieux métier au monde. Depuis que l’homme a décidé de ne plus se nourrir seulement par cueillette dans  la nature, il a sélectionné des produits qu’il pense bon pour sa consommation, son épanouissement et a décidé de les entretenir pour s’auto-suffire. Cela lui a exigé un investissement personnel. L’homme a donc fait violence sur lui-même pour avoir fait ce choix. Mon père m’a expliqué la manière dont les activités agricoles se menaient dans leur famille. Au Burkina, de façon générale  l’agriculture a été pratiquée par de grandes familles et cela nécessitait une organisation. Ce sont les personnes d’expérience d’un certain âge qui faisaient le choix des terrains et le choix des espèces de cultures. Ces personnes guidaient les jeunes qui avaient la force physique pour la réussite de ce métier.
 Quand il y avait une concordance entre les personnes âgées et les jeunes, les étaient abondant. C’est avec cette abondance qu’ils ont créé des unités de transformation (le dolo, le beurre de karité, le soumbala, la filature et le tissage du coton...). En plus de cela, ils ont inventé les marchés hebdomadaires pour écouler le surplus de leurs produits. Dans chaque village, il avait un artisan qui fabriquait les outils de travail (forgerons, tisserands, griots,..). Donc, nos ancêtres par rapport à leur époque ont chaque fois trouvé la solution à leurs problèmes.
Dans l’esprit de modernisation de cette agriculture et avec les besoins que nous avons de nos jours, l’obligation nous est faite dans ce métier agricole de travailler à combler tous ces besoins : se soigner, se nourrir, s’éduquer, s’habiller, s’abriter. Cela exige de nous également une  violence sur soi. C’est ainsi que l’organisation familiale seule ne suffisait plus. Il fallait créer des organisations, les associations, les groupements, les coopératives villageois. La raison de cette structuration était de s’associer pour avoir les intrants agricoles (matériel agricole, semence, engrais, investissements…) que de nombreux paysans pris individuellement ne pouvaient pas s’en acquérir.
Cette structuration a marqué le début du crédit dans l’agriculture. Ce crédit a toujours été l’objet de financement des institutions financières.  Les institutions financières ont de l’argent déposé par des clients et c’est dans la fluctuation de cet argent que ces institutions fonctionnent. Elles peuvent le prêter moyennant des intérêts remboursables après la vente des récoltes. Cela à amener les organisations paysannes à mieux comprendre  le crédit et à mener des actions de commercialiser afin de payer ses crédits et avoir des revenus.  Dans ma vie, j’ai bénéficié d’un crédit individuel et d’un autre à travers une organisation dans laquelle nous faisions la commercialisation. Le remboursement de ces crédits est noble pour moi, car je sais que l’argent de la banque appartient à des clients qu’elle me prête. Donc, j’ai l’obligation de le rendre pour le reprendre à tout moment que le besoin se fiat sentir. La banque ayant été intermédiaire pour que j’obtienne ce crédit, le respect de mon engagement à payer le crédit et ses intérêts permet à cette banque d’exister pour continuer à financer le secteur. Cela veut dire que  par rapport à l’agriculteur et son organisation, seulement la crédibilité peut permettre de pérenniser cette relation. La crédibilité d’un individu s’obtient par un comportement responsable.
Il m’est arrivé de dire à mon fils que s’il prend un  crédit, le montant de ce crédit doit être permanemment dans sa tête pour que cela influence son comportement quotidien. Quand tu dois à quelqu’un, les heures de travail que tu utilisais doivent être revues  à la  hausse et cela pendant les 365 jours.  En 1986, j’ai obtenu mon premier tracteur à crédit après un apport personnel. Je devais payer les annuités pendant 6 ans.  Le crédit des annuités et celui des intrants, pouvait m’amener à payer près de 3 à 4 millions par an. J’ai pu tout rembourser pendant les 6 ans et même payer un autre tracteur de seconde main au comptant avant de finir de payer ce crédit. Et cela parce qu’après avoir payé mon crédit chaque année, j’épargnais le reste de mon argent dans les structures financières. C’est cette somme épargnée qui ma permis de payer le nouveau tracteur.
Quant à la crédibilité d’une organisation paysanne, cela s’acquiert par le souci de cette organisation qu’il y ait un contact permanent être ses membres pour étudier la capacité de chacun et un contact permanant pour le suivi du crédit de chacun. Pour moi pour qu’une organisation au village qui prend du crédit fonctionne bien, elle  doit tenir une rencontre tous les deux semaines. Dans ces rencontres,  les membres doivent avoir le courage de se dire les choses comme elles sont. Dans une organisation, il ne doit pas y avoir de supers hommes. Elle doit simplement avoir des hommes qui respectent leur parole.
L’esprit de solidarité organique dans la réflexion doit régner. Dans mon expérience, j’ai fait le groupement villageois de Sogodiankoli dans les Banwa de 1982 à 1996. Mon groupement villageois n’a eu aucun problème avec les partenaires en matière de crédit dans le secteur coton. Nous avons même construit nous même notre école primaire et l’équiper de tables bancs au comptant avec l’argent épargné dans les banques. De 1996 à nos jours, nous avons créé les Groupements de producteurs de Coton (GPC). Mon GPC s’appelle Bolibana. Dans tout groupement dans lequel j’ai été, nous n’avons jamais reporté un crédit, nous avons toujours remboursé nos dettes et verser aux producteurs leur revenus.
Donc de 1982 à nos jours, je peux affirmer haut et fort que le crédit est un outil de développement lorsqu’il est bien conçu et bien géré. Dans nos groupements,  nous avons eu la preuve que les bonnes relations entre une  institution financière, l’agriculteur et son organisation, peuvent être gagnant gagnants.

Ouagadougou, le 20 avril 2013
TRAORE B. François,
 www.francoistraore.blogspot.com                                                                                          
 Président d’honneur de l’AProCA,
Docteur honoris causa.
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