mercredi 13 juillet 2011

Ce que je pense de la réunion panafricaine sur le coton à Cotonou du 27 au 29 juin 2011.

La CNUCED (Conférence des Nattions Unis sur le Commerce et le Développement) a invité l’AProCA pour une rencontre panafricaine sur le coton au Bénin du 27 au 29 juin 2011. Je faisais parti des invités de l’AProCA. Beaucoup de pays producteurs de coton étaient présents : l’Afrique de l’ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique orientale  ainsi que les représentants d’autres continents. L’objet de la rencontre était de faire l’état des lieux du coton et de sa situation en Afrique de 2001 à 20011 afin d’établir une feuille de route qui permettra le développement du coton et de sa transformation en Afrique. Le diagnostic de la filière cotonnière en Afrique révèle que l’Afrique qui produisait près de 2 millions de tonnes de coton, a aujourd’hui  une production d’environ 1 million de tonnes, alors que l’Inde et la Chine ont soit multiplié par deux ou par trois leur production. D’autre part, pendant que le rendement a augmenté du simple au double en Inde et au Brésil (2 à 4 tonnes/ha), le rendement en Afrique a baissé jusqu’à moins d’une tonne par hectare. Les revenus par kilogramme de coton des producteurs de ces pays ont également augmenté pendant que ceux des producteurs africains ont baissé. Les réformes préconisées pour redresser ces filières n’ont pas aussi fait leurs effets attendus. Ces réformes ont été souvent mal conçues et mal appliquées. Les difficultés d’obtention des intrants et leur cherté ont été également très difficiles pour les producteurs de coton Africain. L’effondrement des différents centres de recherche en Afrique n’a pas aussi permis aux producteurs de coton d’avoir de la semence à haut rendement. La biotechnologie qui a propulsé le coton dans les pays comme l’Inde et la Chine n’est pas aussi utilisé dans la production du coton en Afrique à l’exception de quelques pays. Les quelques usines de transformation du coton qui existaient par ci par là ont été démantelées soit parce qu’elles sont en crise de fonctionnement, soit en crise de rentabilité et soit les machines sont dépassées. Le problème général du financement de l’agriculture reste toujours la gangrène de l’agriculture africaine. C’est dans ce contexte qu’il fallait travailler à concevoir une feuille de route qui permettra le développement du coton africain et sa transformation en résolvant les problèmes sus-cités. C’est ainsi que les différentes initiatives ont été développées comme celle de Paris pendant laquelle plusieurs engagements financiers ont été faits à l’Afrique ; le bilan de cette initiative a été présenté à tous les acteurs : de l’Union européenne à la banque mondiale jusqu’aux autres partenaires. Les initiatives envisagées par les différentes structures régionales africaines ont été également exposées. Dans toutes ces initiatives, il y a eu l’engagement des acteurs de la filière et de leurs partenaires. Il y eut donc un financement pour accompagner les filières cotonnières africaines. Certains financements sont déjà consommés et d’autres sont en cours. Tout ceci a été pris en compte pour dégager la feuille de route.
De grandes orientations ont été données pour cette feuille de route  à savoir : l’augmentation des rendements en prenant en compte certaines expériences réussies en Afrique comme la bonne pratique agricole initiée par la FAO et les gouvernements membres ; l’initiative de BCI… Pour ce qui est des intrants une réflexion devrait être menée pour sa fabrication en Afrique vu l’existence des ressources en Afrique. En attendant la fabrication des engrais, des commandes groupées doivent être faites. Pour le financement de l’agriculture, un effort particulier est demandé aux gouvernements africains. En ce qui concerne la commercialisation du coton, de gros efforts de réforme doivent être faits pour permettre de rassurer les agriculteurs pour un prix de coton rémunérateur proportionnel à celui du cours mondial et pour les paiements à temps. Les graines de coton doivent être également valorisées et comptabilisées pour augmenter les revenus des producteurs. Pour cela le désenclavement des zones de production du coton est très important. L’appui à la recherche pour des semences à haut rendement est également à envisager. La biotechnologie doit être bien maîtrisée et suivie par les chercheurs africains. Pour ce qui est de la transformation du coton, les différents plans d’action de transformation de coton des structures régionales comme l’UEMOA sont à enrichir et à mettre en exécution. Le constat des pays comme l’Inde et la Chine qui sont entrain de damer le pion à l’Afrique, est que leur production et leurs transformations s’équilibrent souvent. Ils transforment sur place presque tout ce qu’ils produisent. Pour cette raison, il n’ya que les consommateurs des produits finis qui ont besoin d’eux ; ils n’ont pas souvent besoin d’un marché extérieur pour leur coton alors que l’Afrique ne transforme pas plus de 10% de son coton. Ainsi, l’Afrique se trouve dépendant de l’extérieur pour les intrants et pour la vente de 90 % de son coton. Comme nous sommes obligés de nous habiller, nous dépendons également de l’extérieur. L’Afrique devient le bailleur de fond de ces industries : les africains leur vendent obligatoirement le coton et achètent les tissus à leur gré. Cela ne doit pas continuer parce qu’on ne peut pas développer la filière coton de cette manière. Un représentant de l’Australie nous a dit que chez eux, ils ont fortement investi dans la recherche si bien que l’Australie a sa propre semence à haut rendement et son engrais de qualité. Nous avons donc suffisamment eu d’éléments de la feuille de route pour le développement du coton en Afrique. Comme toutes les catégories des acteurs et quelques partenaires étaient présents, je pense donc que cette feuille de route est leur engagement.
Il faut que les producteurs s’organisent très bien dans les coopératives et qu’ils acceptent accélérer la professionnalisation sinon la mondialisation ne les attend pas. De plus, ils risquent de voir un jour leurs terres libres occupées.par les pays dont les terres ne suffisent plus. Par ailleurs, toutes les sociétés cotonnières doivent prendre conscience de la nécessité de faire des réformes adaptées à l’évolution du coton, avoir une bonne collaboration avec les producteurs ; avoir l’esprit d’entreprise c'est-à-dire ce qui permet à une entreprise de progresser en faisant du gagnant gagnant. Ce n’est pas l’expertise humaine qui manque. D’ailleurs, un chercheur brésilien m’a dit que la valeur de l’Homme, ce n’est pas ses diplômes mais le service qu’il rend avec son savoir faire aux autres pour faire avancer une entreprise.
Nos Etats également doivent s’intéresser davantage au problème du coton, car il procure non seulement des revenus aux populations, mais, il contribue aussi à la sécurité alimentaire, à l’emploi et au maintient de la jeunesse dans le milieu rural sinon ils verront toujours des insatisfaits dans les villes et dans les campagnes. Pourtant, si cette jeunesse est bien employée dans le milieu rural, elle peut faire vivre les habitants des villes sans se rendre compte. Les partenaires financiers doivent aussi diminuer le nombre des grandes conférences sans effets et réduire les longues procédures d’accès au financement. Ces longues procédures font souvent croire à certains intermédiaires que l’argent est plus important que le résultat pour lequel ils sont envisagés. Ce qui fait que très souvent on entend parler de financement mais, c’est comment certains vont avoir leur part qui les préoccupent au lieu de l’intérêt général de tous. Le présent diagnostic désigne tout le monde comme responsable du ralentissement des filières cotonnières en Afrique. Il est donc impérieux que  l’application de cette feuille de route se fasse autrement pour ne pas aboutir aux mêmes résultats.
                                        
                                          Ouagadougou, le 10 juillet 2011
                                          TRAOE B. François,
                                          Président d’honneur de l’AProCA,
  Docteur honoris causa.
  www.francoistraore.blogspot.com        
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