Âgé
de 65 ans et en tant que vétéran agricole, tout mon souhait était une bonne fin
de la campagne agricole 2017-2018. Malheureusement, cela n’a pas été réalisé
pour plusieurs filières agricoles. Pour mémoire, en termes de pluviométrie, le
démarrage de cette campagne a été caractérisé par une disparité accentuée entre
les zones agro écologiques de production. Ce qui a retardé l’installation des
semis dans certaines localités du pays. En plein hivernage, il y a eu des
poches de sècheresse de longues durées. Celles-ci n’ont pas permis à certains
plants, une bonne croissance. Ce qui est grave pour cette campagne 2017-2018,
c’est la situation phytosanitaire des cultures.
En
effet, au début de la campagne agricole, nous avons eu des échos des chenilles
légionnaires qui attaquaient le maïs dans certaines localités. Cependant, ces
attaques ont fini par s’étaler sur toute les zones de production du maïs ;
une chose qui n’était pas habituelle. Dans mon champ, nous avons traité le maïs
deux fois avec des insecticides, d’autres producteurs l’ont fait quatre fois.
Malgré tout, selon les dernières informations que j’ai reçues du terrain, la production
et la productivité du maïs a pris un coup car la majorité des paysans luttaient
avec des produits qu’ils avaient sous la main. Cependant, ceux qui ont été
surpris n’ont même pas pu traiter. Quant au coton, il y’a eu de sérieuses
difficultés parasitaires que les produits de traitement utilisés n’ont pas pu
anéantir. En plus de cela, nous avons vu un nouveau phénomène au niveau du
coton. Les cotonculteurs regardent impuissamment des cotonniers dans leurs
champs qui rougissent et qui s’assèchent. J’ai aussi appris qu’il y’a des
cotonniers dont les capsules tombent et d’autres sur lesquels les capsules ne
s’ouvrent pas. Plusieurs cotonculteurs courent le risque de ne pas pouvoir
payer leurs dettes d’intrants. La semence de coton, l’engrais et les pesticides
sont remis en cause par les cotonculteurs. Pour ce qui est du petit mil,
surtout dans la zone Ouest du pays, il a été également attaqué dans certaines
localités par un phénomène que les producteurs ne comprennent pas. Il y a même
des chenilles à l’intérieur des tiges de certains pieds de mil. Les objectifs
de productions du petit mil dans la plus part des localités de l’Ouest du pays,
zone par excellence de production du mil au Burkina, prendront également un
coup.
Pour
moi, je n’ai aucun intérêt à peindre la présente campagne agricole en noir. Mais
en tant qu’ancien Président de la Confédération Paysanne du Faso (CPF) et de
l’Union Nationale des Producteurs du Burkina Faso (UNPCB), à qui les paysans
racontent tout, j’ai un devoir de relayer l’information reçue des producteurs,
à toute personne sensible à la cause du développement rural. A mon avis, nos
accompagnateurs se sont laissés surprendre par les évènements. Personnellement,
je n’ai fait que l’école primaire. Ma mère qui n’a pas été à l’école, quand je
faisais une erreur, disait à qui voulait l’entendre : « et pourtant mon fils a été à l’école ». Et si j’avais
fait l’Université, elle m’aurait maudit si une chose me surprenait.
L’agriculture dans sa nature a été créée par l’Homme pour résoudre ses
problèmes. L’Homme moderne a utilisé la science pour la moderniser.
Au
Burkina Faso, nous avons la recherche qui, à des moments, a fait ses preuves en
démontrant que nos problèmes peuvent être résolus par les recommandations de
notre recherche. De nos jours, que ce soit nos accompagnateurs ou la recherche,
à mon avis, il y a parmi eux des gens qui ne travaillent pas pour trouver des
solutions aux problèmes du métier agricole mais plutôt pour emmagasiner le
maximum d’argents qu’ils ne méritent pas aux antipodes du patriotisme et de l’intégrité.
Ils désorientent les plus hautes autorités du pays par des rapports qui
plaisent au patron et en embellissant les résultats des actions
« menées » alors que la science ne se camoufle pas. Quand la science
se camoufle dans un pays, elle aggrave les problèmes. On ne va pas me dire
qu’en France ou au Canada, les paysans n’ont pas vécu des difficultés à
certains moments. Dans ces pays, la recherche et les accompagnateurs ont fait
les vraies mesures de ces difficultés et sont arrivés à les surmonter et
atteindre de hauts rendements de production. A titre d’exemple, des rendements
à l’hectare de plus de 10 tonnes pour le maïs sont enregistrés par le
producteur moyen. Les Thaïlandais ne font pas trop de bruit car ils se disent
que nous allons rester longtemps leur marché pour écouler leur surproduction.
J’aime mon pays et j’aime mon métier agricole dans lequel j’ai fait carrière.
J’ai toujours dit que les paysans Burkinabè sont travailleurs. Il suffit tout
simplement que nos accompagnateurs soient sincères avec nous pour que le
Burkina fasse au moins le développement que le Rwanda a fait dans
l’agriculture.
En tant que
vétéran agricole
Ouagadougou, le 07 Octobre 2017
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur
honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com
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