Pour moi la démocratie vient de la
liberté. La liberté, c’est travailler et gagner ta vie à la sueur de ton front.
Chaque homme libre doit aimer la liberté de l’autre. C’est de là que nait la
cohésion et la complémentarité. J’appelle tout cela la civilisation. Je suis
natif d’une grande famille car mon père avait beaucoup d’enfants qu’il aimait
au même niveau. Quand l’heure du repas arrivait dans la famille, il s’assurait
d’abord que tout le monde soit là avant qu’il ne commence à manger. Lorsque le
repas était accompagné de viande, il mettait la viande en petits morceaux et
faisait de telle sorte que chacun ait sa part. Quand le repas ne suffisait pas,
il se contentait de quelques poignées en nous laissant le reste et veillait à
ce que les plus grands ne mangeaient pas tout pour ne rien laisser aux plus
petits. S’il n’était pas là pendant le repas et qu’il venait trouver un
étranger à la maison, ma mère lui apportait sa part de nourriture. Mais avant
de manger, il s’assurait que l’étranger a mangé. Cette philosophie familial,
mon père et ma mère étaient unanimes là-dessus. En Afrique, dans toutes les
familles, l’amour du prochain est beaucoup cultivé et perpétué.
L’Afrique d’aujourd’hui est dans le
processus de la démocratie. Particulièrement au cours des années 2015 et 2016,
plusieurs pays africains ont fait de nouvelles élections pour la gouvernance
nationale et locale. Cela fait plusieurs années qu’on parle de démocratie en
Afrique mais le constat sur la population pour moi est toujours amer. Je ne
sens pas beaucoup la liberté et le travail bien fait. Le favoritisme dans cette
démocratie fait que souvent on n’a pas plus de 20% de gens qui travaillent correctement.
Ces 20% sont découragés par ceux qui ne travaillent pas bien si bien que la
corruption est devenue un mode de vie dans certains services. Il m’a l’air que la corruption est devenue l’outil
majeur de compétition dans les pays africains. Ne soyons donc pas surpris
que l’insécurité persiste. J’ai suivi un reportage sur le Vietnam qui est sorti
de la guerre dans le années 70 après l’indépendance des pays africains. À mon
avis aucun pays africains ne peut se comparer au Vietnam aujourd’hui en matière
de développement. Alors, la question suivante s’impose : En Afrique la démocratie se limite-t-elle
seulement aux élections ? Nos partenaires Occidentaux accusent
certains de nos hommes politiques de biens mal acquis et quand ces Occidentaux
ne sont pas contents, ils gèlent les avoirs de ces hommes politiques. Ce fait
veut dire que ces avoirs sont tellement colossaux et douteux qu’ils ne peuvent
pas rester en Afrique ; et même la progéniture de ces hommes politiques ne
peut pas souvent avoir accès à l’argent qui a été déposé en Occident.
Au
Burkina Faso, nous avons vécu une période exceptionnelle que le Président Thomas
SANKARA a appelé « la révolution
démocratique et populaire ». Le choix de nos dirigeants locaux se
faisait en public ; les travaux d’intérêts collectifs se faisaient dans
tous les villages ; la corruption était systématiquement combattue.
Certains responsables de haut niveau, corrompus, étaient appelés « les délinquants aux cols blancs ». Nous,
en tant qu’agriculteurs, nous n’étions pas oubliés. À titre d’exemple, SANKARA disait
une fois aux encadreurs : « Nous avons dit aux agriculteurs de
produire, ils ont produit beaucoup de céréales. Vous allez entrer dans tous les
villages pour leur acheter ces céréales pour que leurs efforts soient
bénéfiques à leurs familles ». Par ailleurs, pour lui, le coton devait
être transformé au Burkina. C’est ainsi que porter du Faso Danfani était un signe
d’intégrité et de patriotisme. En 1986, le prix du coton était de 80F CFA le
kilogramme. SANKARA a décidé en 1987 que le prix du kilogramme de coton soit
100 F CFA. Tous les paysans étaient contents. Son assassinat a eu lieu le 15
octobre. En début novembre, mon groupement avait commencé à peser le coton à
100 F CFA le kilogramme. À notre grande surprise, dès l’installation du nouveau
pouvoir, le prix du coton a été revu à la baisse, notamment à 90F CFA le kilogramme.
Depuis ce jour, nous avons fait la différence entre l’ancien régime et le
nouveau régime. Des progressistes comme SANKARA ont rarement été compris en
Afrique pendant leur présence. Ils ont toujours été trahis par leur proche
entourage. 27 ans après, nous avons vu ce que cela a donné comme conséquences. En
somme, l’Afrique a des références si elle veut bien se rappeler. Pour moi,
quand la démocratie est bien appliquée, tout le monde gagne et cela est aussi possible
en Afrique. Que Dieu accompagne le peuple africain.
En tant que citoyen burkinabé
Ouagadougou, le 09 octobre 2016
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur
honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire