mardi 5 juillet 2016

Ce que je pense de la modernisation de l’élevage au Burkina Faso



Après que l’homme ait décidé de se sédentariser, il a prélevé des plantes dans la nature qu’il entretient pour se nourrir et cela est devenu l’agriculture. Il a également domestiqué des animaux selon son besoin. De la poule au chien, de la chèvre à la vache, il a fait de ceux-ci sa propriété. C’est ainsi que ceux-ci ont commencé à lui rendre service. Pour ce qui est des herbivores, l’homme a continué à les faire nourrir par la nature. La nature étant très vaste, ces herbivores étaient bien nourris et leur multiplication permettait à l’homme d’être satisfait. L’homme a ensuite découvert qu’il pouvait partager avec les petits de certains herbivores (la chèvre et la vache), le lait. Cela a contribué à enrichir et à diversifier l’alimentation de l’homme.

Le Burkina faisant partie de l’humanité. L’élevage constitue une source de compléments alimentaires et une source de revenus. En 1969, quand je faisais la classe de CM2, la population du Burkina était estimée à environ 4 millions d’habitants. En 2016 on parle de 17 millions. Plus de 4 millions de burkinabé vivent à l’extérieur du pays. La raison principale pour laquelle ces derniers ont quitté le Burkina, c’est qu’ils ne trouvaient pas leurs comptes. Ils sont donc allés à la recherche d’une vie meilleure. Sur les 17 millions d’habitants, environ 80% sont des ruraux et vivent essentiellement d’Agriculture (productions végétale et animale) et de petits commerces. 

Sous nos cieux, au lieu que ces deux activités soient, complémentaires, on assiste à un conflit agriculteur-éleveur permanent. La cause profonde est liée à une mauvaise gestion bidimensionnelle notamment la mauvaise gestion de la démographie et celle liée à la modernisation de l’Agriculture (production végétale) et de l’élevage (production animale). Moi en tant qu’acteur des deux activités, je dis que ces conflits sont entretenus par la mauvaise vision des deux ministères. En effet, il est très courant de voir les techniciens des ministères en charge de l’agriculture et de l’élevage,  gérer mal cette complémentarité entre les deux activités. Ils sont souvent les animateurs du conflit.

Il m’est arrivé d’aller au Tchad. Ce conflit agriculteur-éleveur y existe mais ce qui m’a marqué au Tchad est que les autorités tchadiennes aient décidé d’interdire l’utilisation des sachets plastiques. Ils ont œuvré à joindre l’acte à la parole. J’ai fait le tronçon N’Djamena Moundou, un tronçon de près de 500 km. Tout au long du tronçon, on ne voit pas de sachets ni dans les villes ni dans la nature. La raison avancée par les autorités tchadiennes est que les sachets plastiques sont nuisibles à l’élevage et à l’agriculture. C’est un signal qui ne résout pas tout le problème de modernisation mais qui montre que les autorités savent que les deux métiers sont liés. Au Burkina Faso, la décision d’interdire les sachets plastiques avait été prise sous l’ancien régime mais elle n’a jamais appliquée. Je souhaite donc que le pouvoir actuel régénère cette décision, s’attèle à son application effective sur le terrain tout en proposant des alternatives adéquates aux utilisateurs des sachets.
Au Burkina Faso, une usine de fabrication d’aliments pour bétail (SOFAB-SA) a été installée à Koubri à quelques trentaine de kilomètres de Ouagadougou.  Cela a suscité l’espoir des éleveurs qui veulent moderniser leur élevage. Quant aux éleveurs qui continuent leur activité dans la transhumance, comme l’herbe n’existe pas pendant la saison sèche dans la nature, leurs animaux mangent les sachets plastiques déversés dans la nature, ce qui fait que sur cinq vaches qui meurent de faim, il y en a au moins quatre dont les ventres sont bourrées de sachets. Pour que cela change, il faut que nous trouvions une autre source d’alimentation de ces troupeaux. Cette source ne peut venir que de la production végétale ; c’est-à-dire qu’il faut absolument produire pour nourrir les animaux. 
Dans cet élan, l’usine SOFAB-SA doit augmenter sa capacité de production et la matière première doit venir forcement de l’agriculture. Je vois mal le Burkina importer des céréales ou des oléagineux pour satisfaire cette usine. Avec plus de 15 millions de personnes vivant dans le milieu rural, plus de 60% de cette population étant jeune et souvent sans revenus, je ne souhaite pas que cette jeunesse soit transformée en voleurs et en brigands. Le Burkina a des intellectuels, des penseurs et également plein d’acteurs au développement. À quoi sert toute cette richesse humaine si nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes ? Alors faisons en sorte que la chaîne tourne pour faire prospérer l’économie du Burkina pour l’intérêt de sa population. Les peuples qui avancent, ce sont les peuples qui prennent les bonnes décisions aux bons moments et qui les appliquent.

En tant que Président d’honneur du syndicat des Agriculteurs du Burkina
Ouagadougou, le 05 juillet  2016

TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com   

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