lundi 10 novembre 2014

Ce que je pense de l’expérimentation du coton génétiquement modifié (CGM) au Cameroun

Du 23 au 24 octobre 2014, j’ai été invité par Bayer CropScience et la société cotonnière camerounaise en tant que cotonculteur, à une conférence qui s’est tenue à Garoua (Cameroun), sur le thème « Coton génétiquement modifié (CGM) : Enjeux pour la filière cotonnière du Cameroun ». Ont pris part à cette conférence organisée par la filière cotonnière camerounaise (SODECOTON) avec la collaboration de Bayer CropScience, les représentants des institutions de recherche du Cameroun, du Burkina Faso (INERA), de la société Bayer CropScience, de l’IRAD, du CIRAD… L’objectif de la conférence était d’exprimer les enjeux de l’introduction du coton génétiquement modifié (CGM) au Cameroun pour les producteurs et la filière cotonnière.
En matière de biotechnologie dans le monde, 14 pays ont adopté la culture du  CGM en 2014. Parmi ces pays, l’Inde a représenté 46% de la surface cultivée en CGM. Au total,  23,9 millions d’hectares de CGM ont été cultivés en 2014, soit 70% du coton cultivé (conventionnel et CGM) dans le monde. Le Cameroun est à sa troisième année d’expérimentation du CGM. Comme le Burkina Faso est un des premiers pays africains à adopter le CGM, la SODECOTON et son partenaire Bayer, ont voulu que le Burkina Faso partage ses expériences en la matière avec eux.
Moi en tant que producteur, ancien président de l’union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), j’ai contribué  à l’introduction de la technologie au Burkina Faso. De nos jours, cela fait 07 ans que je produis ce coton. Dans ma famille, sans le coton génétiquement modifié, nous allons arrêter la production de coton. Comme le cotonnier génétiquement modifié est « vacciné » depuis sa levée, il n’y’a pas de surprise d’attaque de chenilles, ravageurs sérieux du cotonnier. Le cotonnier en bonne santé grandit plus facilement à condition qu’il soit bien fertilisé. Le gène Bt est mis dans une semence qui est une propriété du Burkina Faso. La multiplication de la semence de base (CGM) est faite par les cotonculteurs burkinabés. C’est la technologie qui appartient à Monsanto. Monsanto, en partenariat avec l’INERA, est chargée d’introduire la technologie dans la semence burkinabè. La semence CGM est une copropriété de la filière cotonnière burkinabé et de Monsanto.
Au moment de cette introduction du CGM au Burkina Faso, certains nous (cotonculteurs burkinabés) considéraient comme des criminels. Mais jusqu’à ce jour,  ce coton n’a pas fait de mal à quelqu’un ; la graine et l’huile sont consommées et la fibre est vendue. Avec une production  estimée à 766 221 tonnes de coton graine dont 60% de CGM au cours de la campagne 2013-2014, le Burkina Faso demeure le premier pays producteur de coton en Afrique. Nous sommes heureux de constater que les camerounais ont eu la même réaction que nous. J’ai toujours dit que la différence entre l’homme et l’animal, c’est la capacité de l’homme à réfléchir, analyser et de choisir ce qu’il veut pour résoudre son problème tout en réfléchissant au maximum à ne pas nuire aux autres. La société cotonnière camerounaise est une des rares sociétés qui ont pu tenir leurs têtes hors de l’eau pendant toute la crise cotonnière grâce à son professionnalisme. Elle mène une relation de bon partenariat avec les cotonculteurs regroupés dans les CNPCC.
L’expérimentation entamée par le Cameroun et ses partenaires se fait avec deux gènes : le gène Bt et le gène de tolérance du cotonnier au glyphosate. Ces essais sont faits avec de la semence d’origine non camerounaise. Mais, la technologie sera introduite dans la semence camerounaise pour être mise à la disposition des cotonculteurs camerounais. La semence CGM sera une copropriété du Cameroun et de son partenaire Bayer. La multiplication de la semence de base sera assurée par les cotonculteurs camerounais.
Comme au Cameroun on fait beaucoup de semis-directs et de semis sous-couverts végétal, un cotonnier immuniser contre le glyphosate permet un nettoyage facile des mauvaises herbes par le glyphosate. Vu le professionnalisme de la filière cotonnière, la SODECOTON et ses partenaires producteurs sont également beaucoup avancés avec les régulateurs de croissance. Selon eux, ces régulateurs de croissance diminuent la gourmandise de la plante en taille. Ils réduisent également l’intervalle entre les capsules. J’ai eu l’occasion de visiter des champs où ces régulateurs de croissance sont appliqués. Les expérimentations se font avec plusieurs produits dans le but de trouver un  produit qui s’adapte à chaque zone agro-écologique du pays.
Dans le champ d’expérimentation du CGM, j’ai apprécié à sa juste valeur, le niveau de professionnalisme dans lequel cette expérimentation est menée. En effet, toutes les recommandations techniques sont prises en compte de façon effective. Cela m’a  prouvé que les camerounais sont au sérieux dans ce qu’ils font. À la conférence, toutes les couches de la société camerounaise étaient représentées : les paysans, les techniciens, les hommes politiques la société civile et la presse. J’ai été surpris qu’il n’ait pas d’opposition à l’adoption de la technologie au Cameroun. Les questions posées étaient relatives au gain réel des producteurs et au prix de la semence.
La bonne collaboration que j’ai constaté entre la société cotonnière et les producteurs a permis à ce qu’il y’ ait, dans toutes les zones cotonnières, du matériel agricole qui facilite la production : charrues, semoirs, charrettes, brouettes. Ce matériel est octroyé aux producteurs. Mais les producteurs camerounais ont interpellé leur gouvernement sur la cherté de l’engrais. Comme le CGM est un cotonnier qui doit « bien manger » (bonne fertilisation) pour bien produire, il ne faut pas que la cherté de l’engrais fasse que les cotonculteurs sous-dosent l’engrais et empêchent ainsi le cotonnier génétiquement modifié d’exprimer toutes ses potentialités.
Je conclus en encourageant les camerounais en leur disant que je les fais confiance car l’Afrique doit avancer.
Ouagadougou, le 10 novembre 2014
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
Skype:dadilotbf52                                                                                   
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