mardi 25 octobre 2011

Une campagne sur l’alimentation organisée par OXFAM à Ouagadougou

Oxfam  a lancé le 15 au 16 octobre 2011, une campagne sur l’alimentation à Ouagadougou au Burkina Faso qu’il a dénommé « kodou du Faso ».  L’esprit était de montrer comment les produits burkinabè sont préparés par les cuisinières pour les consommateurs burkinabè. Ils ont fait venir plusieurs femmes et hommes qui transforment ces produits et qui ont effectivement cuisiné et exposé des repas que les gens pouvaient passer et gouter. Comme produits transformés, il y avait : le maïs, le riz, le mil, le lait, le soja, le niébé, le pain de singe, le fonio, l’arachide, l’huile de coton, le poulet bicyclette…Tous les repas présentés sont consommés au Burkina Faso selon les régions. Le Burkina Faso est l’un des rares pays africains dans lequel les ruraux consomment 80% des produits agricoles locaux. Les produits importés sont essentiellement consommés dans les grandes villes. Ce sont les mauvaises campagnes agricoles qui favorisent l’arrivée de ces produits dans les milieux ruraux. Une autre raison de la consommation des produits importés dans les zones rurales est la mobilité.
J’ai apprécié cette initiative quand j’ai vu l’affluence de la jeunesse de Ouagadougou pour gouter ces repas. Le premier jour,  il y avait environ de 33 000 visiteurs pour goutter ces repas. Certains chefs de famille amenaient toute leur famille pour les gouter. Je pense que les burkinabè doivent savoir que le pays est riche en aliments provenant du Burkina. Le changement d’habitude alimentaire qui se fait par choix ou par contrainte peut être dangereux pour le Burkina Faso. J’ai toujours dit qu’un pays qui est nourri par un bateau qui arrive de l’extérieur, doit s’attendre un  jour à ce que le bateau n’arrive pas. Les populations auront faim et leur ventre les pousseront à bouger. Quand on a faim c’est le ventre qui guide les actes d’un affamé. Chez moi au village, la capacité d’un chef de famille se mesure par le fait qu’il arrive à nourrir sa famille de son grenier. De même, un chef de famille peut perdre sa femme parce que celle-ci voit qu’il n’arrive pas à la nourrir. Au Burkina Faso, quand tout va bien, les repas coûtent moins chers. On mange moins cher dans les villes du burkinabé que dans beaucoup d’autres villes africaines. Etant quelqu’un qui a fait beaucoup de déplacements dans la sous région, j’ai remarqué que lorsque certains ont une conférence au Burkina, ils ne sont pas déchus parce qu’ils se disent que le poulet bicyclette (succulente) y est presque cadeau (car moins cher.). Donc, les aliments à base de produits burkinabè peuvent être mieux valorisés.
Pendant cette exposition, un film a été présenté sur le riz et la crise alimentaire de 2008. Dans ce film, les pays qui vendent le riz au Burkina et ailleurs en Afrique, ont commencé par être des petits producteurs et transformateurs dans leur pays. Ces petits producteurs ont débuté leurs travaux à la main avec le matériel aratoire. Aujourd’hui, une grande partie de leurs travaux s’effectue avec machines et très souvent avec des machines communes pour un groupe. Les transformateurs et les commerciaux qui ont aussi commencé petits, sont devenus aujourd’hui de grands exportateurs si bien que ce sont les grands négociants européens qui s’en vont les voir. Tous ceux-ci vivent très bien grâce au riz exporté particulièrement en Afrique. Dans le film, un exportateur thaïlandais a dit que les africains continueront à importer le riz parce qu’ils n’aiment pas travailler dans l’eau. Un autre dit que les africains ne sont que des bergers et des chasseurs. Or, leur gouvernement n’a pas encore décidé de développer l’agriculture ce qui veut dire qu’ils vont continuer à importer le riz. Après ce passage dans le film, toute la salle était énervée de ce langage tenu par ces grands exportateurs  thaïlandais que ce soit les burkinabè ou les étrangers. Mais, j’ai dit à l’assistance que tant que leur riz continuera à venir en Afrique et souvent même par des intermédiaires qui ne leur permettent pas de voir ce que c’est que l’africain, ils auront une perception tronquée de l’Afrique. Mais avec les médias et les technologies de communication, ils sont informés de la richesse du continent en matière de terres cultivables, d’hommes valides et un politique qui continue à importer le riz, l’analyse mathématique, c’est de dire qu’ils ne veulent rien faire.
Oxfam et le public Ouagalais ont montré par cette occasion que les produits transformés par les burkinabè sont de bonne qualité, rien n’empêche donc les burkinabè qui disent que le langage du thaïlandais n’est pas bon, de décider aujourd’hui de consommer ce qui est produit chez nous.
Nous ne pouvons pas aussi justifier nos décisions politiques dans l’agriculture tant que nous allons continuer à attendre le riz importé. Il y a même des transformateurs de riz burkinabè qui ont dit qu’ils ont du riz qui ne s’achète pas. Pourtant, le riz qui a été cuisiné à l’exposition est un riz burkinabè et ceux qui étaient présents ont trouvé qu’il était très bon. Je sais que consommer les aliments à base de produits burkinabé ne peut pas se faire par décret présidentiel. Certes, une décision politique peut l’accompagner mais, cela ne demande-t-il pas du patriotisme et du nationalisme? Le nationalisme, ce n’est pas de dire que je ne veux pas quelque chose d’importer, c’est de refuser que ton ventre soit détenu par quelqu’un d’autre. C’est de valoriser également ce que nous produisons pour pouvoir rentrer dans le commerce mondial. Si nous consommons ce que les autres produisent, notre nation ne fait que perdre ses richesses. Et si notre génération donne à l’extérieur tout ce qu’il a aujourd’hui, qu’est ce qu’elle va donner à nos enfants. Le nationalisme n’est donc pas un slogan ! Nous voyons aujourd’hui les autorités burkinabè qui souvent à la télévision se mettent en Faso « danfani »; cela fait que la majorité des étrangers qui viennent ici en conférence, chacun se dit qu’il lui faut une tenue « danfani »pour aller la montrer dans son pays. Cela fait fonctionner tous les tisserands et les tailleurs. Donc pour moi, l’initiative de Oxfam doit être l’affaire des burkinabè, de la société civile d’abord qui doit montrer au politique que c’est ce que nous voulons : «  consommer d’abord nos produits locaux comme philosophie nationale pour permettre à nos agriculteurs de vivre de leur sueur et de rentabiliser leur agriculture ».


                                                          Ouagadougou, le 24 octobre 2011
                                                          TRAORE B. François,
                                                          www.francoistraore.blogspot.com                           
                                                           Président d’honneur de l’AProCA,
                   Docteur honoris causa
                   de l’université de Gembloux.

          


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