mercredi 12 octobre 2011

Ce que je pense sur le colloque de l’agriculture et l’alimentation

Du 21  au 28 septembre 2011, j’ai été invité par le CIRAD et FARM pour participer à un colloque sur l’agriculture et l’alimentation dans le centre de Cerisy. Le colloque a commencé le 21 septembre. Mais, face à une rencontre du Burkina Faso je n’ai pu participer au colloque qu’à partir du 26 septembre. Les participants étaient des chercheurs, des agronomes, des financiers et quelques partenaires comme l’Agence Française de Développement (’AFD). Parmi les chercheurs il y avait des académiciens et deux agriculteurs. J’étais le paysan africain invité.
Il était question à ce colloque, de parler de tout ce qui permet d’assurer l’alimentation à partir de l’agriculture jusqu’aux consommateurs, d’examiner comment la planète pourra-t-elle continuer à être nourrie sainement en préservant l’environnement et à avoir une alimentation suffisante et de qualité. Cela a amené les participants à se pencher sur la question de la terre dont le problème foncier. Dans certains pays où la terre appartient à des propriétés privées, elle est devenue très chère. En Afrique, les terres exploitées par les  paysans ne sont pas reconnues officiellement comme leur propriété avec un document à l’appui. Les paysans africains ont donc des risques à tout moment de perdre leur terre, surtout que la majorité des pauvres se trouve dans le milieu rural africain.
L’Arabie saoudite et l’Ethiopie ont été citées comme des exemples. L’Arabie saoudite a décidé d’acheter ou de prêter des terres en Ethiopie et de les exploiter pour nourrir sa population. Ce pays s’est lancé pour atteindre l’autosuffisance alimentaire même s’il faut avoir les terres ailleurs.
Mais, le paradoxe est que l’Ethiopie qui prête ou vend ses terres, est le pays où une partie de la population est toujours affamée. Je n’arrive pas à comprendre comment l’Arabie saoudite peut décider de nourrir sa population sur ces terres d’Ethiopie. Le gouvernement Ethiopien ne devrait-il pas aussi se poser la même question suivante: «comment nourrir ma population ? ». Alors, mon souhait serait que l’Ethiopie donne comme condition à l’Arabie saoudite, l’obligation d’aménager des terres pour ses paysans et de désenclaver également ces différentes zones aménagées. De plus, il faut que les techniciens éthiopiens soient employés dans les champs exploités par l’Arabie saoudite. Si la technologie utilisée par l’Arabie saoudite est appliquée dans les terres aménagées pour les producteurs éthiopiens, cela permettra de transférer les compétences aux éthiopiens. Le cas malgache où des terres avaient été cédées à des chinois, avait soulevé des mouvements populaires. Mais par la suite, ce processus a continué d’une autre manière : c’est le pouvoir décentralisé qui est contacté pour livrer des terres à des sociétés ou à des particuliers.
Pour ceux qui connaissent l’Afrique, on sait comment de semblants représentants profitent souvent de l’ignorance de la population et les mettent devant les faits accomplis à un moment donné. Cette façon d’agir est très courante en Afrique. C’est la population qui risque de perdre toujours. Mais le paradoxe, c’est que dans tous ces pays cités en exemple, des ministères de l’agriculture existent. Je n’arrive donc pas à comprendre les plans d’actions de ces ministères pour être à la merci de tout ce qui arrive.
Tant qu’il n’y aura pas de plans d’action cohérents respectés et appliqués avec une vision claire de savoir faire et de vouloir faire pour développer la population chez nous en Afrique, ce seront les décisions extérieures qui dicteront des lois. C’est dans ces plans d’action qu’on peut parler d’accompagnement des agriculteurs en matière de semence, de matériel agricole et d’intrants. Cela va amener à discuter de la manière dont le financement peut être facilité aux agriculteurs.
Le changement climatique est une situation qui oblige l’humanité à une réflexion à travers laquelle elle doit s’y adapter. L’exemple du semis sous couvert végétal qui peut permettre de garder l’humidité et nourrir la terre avec les résidus en décomposition, est une forme d’adaptation. Dans cette période de changement climatique, je pense que d’autres paramètres doivent être pris en compte. Par exemple il existe des gens qui coupent le bois exclusivement pour le commerce et l’exporte le plus souvent. Ces personnes participent activement à la déforestation donc aux changements climatiques. Dans la majorité des pays africains la cuisine est faite avec le bois et le charbon. Mais comme le charbon est le plus généralement utilisé dans les villes, on en parle moins. Le Tchad a par exemple interdit l’utilisation du charbon pendant qu’il n’y a pratiquement plus d’arbres pour faire le charbon. Le Burkina, le Mali, le Sénégal et le Niger que je connais mieux, sont entrain d’aller chercher au fin fond de leur pays les derniers arbres pour faire du charbon. Rarement, ces coupeurs de bois ne sont cités en matière de déforestation en dehors de l’agriculteur. Alors qu’une des responsabilités qu’il faut avoir dans le changement climatique, c’est le changement de comportement. Ne serait-il pas mieux pour nous Africains de substituer le gaz naturel ou l’énergie solaire au bois? Pour nous les agriculteurs, une bonne pratique du métier agricole est très importante pour notre avenir en préservant l’environnement. L’alimentation de chaque pays peut être assurée par sa population. La souveraineté alimentaire a été un sujet phare à ce colloque. J’ai été heureux de participer à ce colloque. Mais, quand je vois les débats menés aujourd’hui par les pays développés sur l’agriculture de leurs pays, je me dis que l’Afrique est en retard par rapport aux autres continents. Mon souhait serait que l’Afrique se réveille.
Je ne saurai finir mon propos sans remercier FARM dans sa mission d’ouvrir le monde aux agriculteurs africains pour qu’ils soient informés de ce qui se passe à l’extérieur. Je profite également remercier le CIRAD qui a organisé ce colloque, sans oublier le centre de Cerisy où s’est déroulé l’atelier.

                                                   Ouagadougou, le 12 octobre 2011
                                                   TRAORE B. François,
                                                   www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa de l’université
           de GEMBLOUX.
           (+226) 70 95 34 45
                                                   (+226) 78 50 16 25  
                                                                                               

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