dimanche 27 mars 2011

Ce que je pense des organisations et des associations dans le milieu rural en Afrique

L’Agriculture est le premier métier au monde. En Afrique ce métier s’est pratiqué dans les familles. Ces familles pouvaient aller de 5 à 30 personnes et elles étaient gérées généralement par le patriarche le plus âgé assisté souvent de certains de ses frères où des fils ainés (adultes). Cet organigramme obligeait tout le monde à la tâche des travaux champêtre. Lorsqu’un membre de la famille devait la représenter dans une commission dans le village ou en dehors du village, il devrait le faire dignement pour que la famille soit respectée. Et quand il le faisait mal cela se répercutait sur la famille. Selon certaines ethnies, une tâche mal accomplie pouvait amener au bannissement ou à la mort selon les coutumes. Dans ces familles tant qu’il y avait à manger, on faisait de telle sorte que tout le monde mange à sa faim. Le Problème d’un membre de la famille était le problème de toute la famille. C’est dans ce contexte que les organisations et  les associations paysannes ont été créées. Celles-ci ont utilisé les règles universelles d’organisation qui demandaient de choisir quelques personnes à la tête soutenues par les autres membres et de définir un objectif commun. Une logique que j’apprécie beaucoup. Mon expérience dans les organisations paysannes m’a montré que cette logique n’a pas toujours été respectée. Ces règles universelles n’ont pas souvent été comprises pour être appliquées par l’organisation professionnelle qui ne regroupe pas seulement que les membres de la famille. Donc, le choix des responsables de cette organisation professionnelle et le fait que cela doit être fondé sur le leadership à tirer le groupe de l’avant n’ont pas été aussi très bien compris. L’esprit de complémentarité entre la famille et l’organisation professionnelle qui doit permettre une augmentation du revenu de la famille à souvent fait défaut également ; parce que si la famille produit déjà, la raison d’être de l’organisation devrait être de faire ce que la famille voulait faire et qu’elle ne peut pas faire toute seule. Cela a son origine dans l’histoire des organisations paysannes impulsées soit par l’administration soit par des partenaires ; ce qui n’était pas forcement mauvais. Les objectifs de ces structures qui ont influencé les organisations paysannes n’ont pas souvent été bien réfléchis pour s’adapter  aux réalités des familles. C’est pourquoi, l’organisation n’arrive pas à intégrer les difficultés que la famille n’a pas pu résoudre.  C’est ce qui a conduit ces familles non seulement à se morceler mais aussi à l’exode rural. Cette jeunesse qui représente les bras valides, qui a souvent la chance d’aller à l’école ne voit pas une cohérence entre la vie familiale et l’influence positive des activités des organisations paysannes. De nos jours, beaucoup d’organisations et d’associations paysannes existent dans le monde rural en Afrique. Les financements des Etats et des partenaires existent mais l’influence que ces financements devraient avoir sur la vie quotidienne des producteurs ne donne pas selon moi les résultats attendus. C’est ce qui fait qu’on est souvent obligé de présenter de grandes images d’éclat pour justifier ce qu’on fait. Alors que si le financement est bien orienté et reçu par les acteurs bien organisés, on n’a pas besoin d’action d’éclat qui nous coûte très cher d’ailleurs. J’ai vu que dans les pays émergents comme le Brésil et l’Inde, ils font l’influence avec la quantité et la qualité de certaines productions. Par exemple au Brésil, j’ai été dans une zone de production de coton, de soja et de fruits où les camions roulent 24H/24 pour le transport de leurs produits et quand ils vont à des rencontres internationales, ils défendent les produits sur lesquels ils sont forts. L’exemple du coton nous a montré que quand un pays est bien organisé comme le Brésil, il peut bien lutter. Si la lutte aboutit, ça permet de faire gagner les acteurs. En Afrique, nous avons eu à lutter pour le dossier du coton. Certains partenaires nous disaient que même si les prix changeaient, que c’était l’Inde, la Chine et le Brésil qui allaient en bénéficier. Cette année 2011, le prix du coton fibre est à plus de 2 000F CFA contre environ 600 F en 2007 sur le marché mondial. C’est une bonne occasion pour l’Afrique. Le souhait serait que ces 2 000 F puissent impulser la production en Afrique sinon nous allons donner raison à ceux qui disaient que les paysans africains n’allaient pas gagner même si on supprimait toutes les subventions. L’Afrique est également un des rares continents qui importe une grande partie de son alimentation. Alors que tous les producteurs africains cultivent des céréales ou des produits alimentaires pour leur alimentation. Pourquoi  toujours cette importation ? Sur toute l’Afrique on fait de l’élevage mais c’est le continent où on amène de la viande congelée, où on importe du lait. L’Afrique qui tenait tête en café et cacao, commence à perdre sa place au niveau international. Les revenus d’arachide du producteur africain n’arrivent pas aussi à subvenir à ses besoins. La famille continue de produire, mais avec la naissance des organisations paysannes, on ne constate pas de changement significatif. Je voudrais alors qu’on réponde aux questions suivantes : Est-ce que les activités menées par les organisations paysannes ont eu l’effet attendu sur la famille ? Est-ce que les financements que nous avons sont bien orientés ? Quel doit être l’influence des organisations paysannes pour le changement du quotidien de la famille ?, Est-ce que nous ne faisons pas plus de bruits que d’actions ?
                                               Ouagadougou, le 25 mars 2011
                                               TRAORE B. François
                                               Docteur honoris causa

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