dimanche 30 juillet 2017

CE QUE JE PENSE DE LA RENCONTRE DES PARLEMENTAIRES DE LA CEDEAO TENUE DU 20 AU 23 JUILLET 2017



Du 20 au 23 juillet 2017, les parlementaires de la CEDEAO ont eu une rencontre à Ouagadougou. Le sujet de la démographie dans la sous-région a été fortement discuté. Il y a eu un engagement selon lequel on limiterait dans l’espace CEDEAO, le taux de natalité. Chaque femme devra dans l’avenir mettre au monde 03 enfants au maximum. Cela a suscité un débat entre les citoyens. Certains citoyens faisaient allusion tout de suite à l’intervention du Président français Emmanuel MACRON où il a relevé que la démographie serait un des freins au développement en Afrique. Je trouve ce débat normal car c’est en débattant sur un sujet qu’il y a l’appropriation. Pour certains, cette position de Emmanuel MACRON est de l’impérialisme. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas soumis, par contre je ne vois pas cette position du Président Emmanuel MACRON en impérialisme. Selon moi, le Président MACRON intervient sur ce sujet comme un humaniste et un économiste. Cette posture ne lui permet pas des illusions fatalistes. Nos parlementaires que je trouve intellectuels sont élus pour analyser et avoir une vision futuriste pour la sous-région, en prenant en compte la réalité de la situation actuelle, les exigences des citoyens qui ont le droit de bénéficier tous du même traitement pour qu’il y ait la paix et le développement.
Je suis un agriculteur, fils d’un autre agriculteur. Je vais me contenter de décrire ce que j’ai appris, ce que j’ai vécu et ce que je pressens dans le milieu rural. Selon ce que j’ai entendu de mes parents, dans l’histoire de notre société, c’était le nombre d’enfants dans une famille qui faisait la fortune et la fierté. Comme tout le travail se faisait à la main, plus on était nombreux, plus on gagnait et il faut voir ce gain dans plusieurs sens. Par exemple, si vous étiez nombreux dans votre champ, on pouvait difficilement vous attaquer. Mon père m’a même dit qu’à un moment, pendant le travail champêtre, certains devaient s’armer et être perchés sur un arbre en sentinelle afin que la famille ne soit pas surprise par des ennemis. Voilà pourquoi, ils priaient leurs ancêtres pour qu’il leur donne beaucoup d’enfants. Quant à mon père, il en a beaucoup eu. J’étais l’un des rares qu’il ait pu mettre à l’école. Le fait que mon père n’ait pas pu scolariser tous ses enfants a fortement retardé l’éveil de la famille. Moi également, j’ai beaucoup d’enfants que j’ai tous pu scolariser. Mais les difficultés que j’ai senties et qui pèsent toujours sur moi, ce sont celles de payer les frais de scolarités de plusieurs enfants. Parmi mes garçons, certains ont choisi d’être agriculteurs. Comme j’ai très tôt modernisé mon agriculture en passant de la charrue au tracteur, le problème d’indisponibilité des terres s’est tout de suite posé. Au Burkina Faso, tout le monde sait que le problème d’indisponibilité des terres est l’objet de beaucoup de migrations entre les régions. Tout burkinabè conscient sait que le problème foncier, s’il n’est pas réglé dans un esprit responsable, patriote et humain, il sera toujours une source de conflits. Comme la terre n’est pas élastique, comprenez alors que je donne raison aux parlementaires de la CEDEAO.
Cependant, la décision de nos parlementaires a des exigences. Ce ne sont pas des décisions d’éclat qui ont manqué à nos structures africaines depuis les indépendances. C’est la philosophie et le comportement qui doivent conduire à la concrétisation des décisions prises, qui ont souvent fait défaut. La présente décision de limiter le nombre d’enfants à trois par femmes, implique la modernisation des services de santé. Elle ne peut aussi être effective que si toute la population a accès aux mêmes informations et aux mêmes soins. Dans les pays pauvres enclavés, on sait ce cela vaut. L’instruction et l’éducation doivent être réadaptées pour l’éveil des consciences professionnelles et patriotes. Quant à l’agriculture qui est mon métier et qui occupe près de 80% de la population de la CEDEAO, la modernisation de celle-ci est obligatoire car nos ancêtres ne comprendront pas que dans nos boutiques, il n’y ait que du riz importé. Nos chercheurs doivent pouvoir occuper véritablement leur place. J’ai eu l’occasion de rencontrer des chercheurs indiens, chinois et brésiliens ; c’est dans la créativité vraie et appliquée qu’ils sont en train d’avancer. Si nous produisons des denrées alimentaires de qualité adaptée à la consommation de la population, il n’y a pas de raison qu’il y ait une aussi grande importation. La transformation de ces produits pour les adapter est aussi une condition sin qua non et c’est cela qui va créer l’emploi pour une bonne partie de la jeunesse. Cette transformation doit être adossée à une véritable politique de commercialisation pour augmenter les revenus et contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Quand les producteurs de coton africains avaient soulevé le sujet du coton qui a été par la suite débattu à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), il y a eu beaucoup d’engagements et nous avons senti sur ce sujet du coton, une cohésion possible entre les négociateurs africains. En rappel, un de mes amis français académiciens, Erik ORSENNA, a fait un livre qui montre que la réflexion devait continuer. J’interpelle alors les parlementaires qui ont pris cette décision à rentrer dans l’histoire en suscitant des actions correspondant à la hauteur de leur décision.    
            En tant que citoyen Burkinabé

                                                Erik ORSENNA et François TRAORE

Ouagadougou, le 30 juillet 2017
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com
  

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