samedi 20 mai 2017

CE QUE JE PENSE DE LA JOURNEE NATIONALE DU PAYSAN (JNP) TENUE A KAYA DU 11 AU 13 MAI 2017



C’est à Kaya qu’a eu lieu la 20e journée nationale du paysan en 2017. Selon ce que j’ai appris des participants, elle a été l’occasion de faire le bilan des 19 journées nationales de paysan passées. Ce que je sais dans l’histoire de ces journées, c’est que c’était des occasions pour les dirigeants de ce pays de rencontrer les ruraux, de partager avec eux, écouter leurs préoccupations. C’était également l’occasion également pour l’Etat et ses démembrements de donner des informations sur un certain nombre d’orientations de politiques de développement. Il faut se dire qu’au Burkina Faso, les ruraux constituent plus de 80% de la population. Un débat d’une soirée ou d’une journée se faisait pour que les engagements pris par l’Etat et les producteurs soient discutés pour savoir ce qui a pu se faire et ce qui n’a pas pu se faire. En tant que vieux paysan qui n’a pas participé à la présente édition, je me permets néanmoins de donner quelques axes du bilan que je fais personnellement de ces journées de paysan. L’organisation des filières a toujours été un souhait des agriculteurs et de l’Etat. De nos jours, à ce que je sache, l’organisation des acteurs autours des filières agricoles est très limitée. L’approvisionnement en intrants agricoles est incontournable pour le développement de l’agriculture. Par ailleurs, de nos jours, un véritable système d’approvisionnement fiable en intrants pour tous les agriculteurs n’a toujours pas vu le jour. De bons réseaux de commercialisation ont également toujours été une préoccupation car ce sont les bons réseaux de commercialisation pour toutes les productions qui pourront garantir les revenus descends aux producteurs et faciliter l’industrialisation. L’organisation des filières, l’approvisionnement en intrants et la commercialisation sont liés, l’un ne va pas sans l'autre. Ce qui fait que la majorité des paysans n’a pas accès au crédit. Tant que le banquier ne peut pas faire la traçabilité des produits d’un agriculteur, il n’a la garantie qu’il va être remboursé.

Un paysan m’a dit qu’il a retenu deux grandes décisions qui ont été prises à cette 20e journée JNP tenue à  Kaya. La première décision est que désormais, au lieu de chaque année, la journée du paysan se tiendra tous les deux ans (biennale). La deuxième décision est qu’un secrétariat permanent va être créé pour permettre de suivre et d'évaluer les effets et impacts de cette organisation sur le développement du monde rural. Je saisi cette occasion pour contribuer à ma manière. Nos Etats se sont engagés sur l’acte uniforme OHADA relatif aux sociétés coopératives. Nous, au Burkina Faso, sommes même en retard concernant nos engagements par rapport à cette loi. L’application effective de cet engagement sur la loi OHADA pourrait résoudre le problème d’organisation. Dans cette loi, tous les agriculteurs doivent créer leurs coopératives. Je souhaite que cette fois-ci, nous ne soyons pas en déphasage comme cela était le cas avec la loi 14 où tous les paysans devaient s’organiser par filière. Ceux qui ont pu s’adapter à la loi 14 n’ont pas toujours brillé dans la gestion de leur organisation et cela tue la confiance entre les producteurs d'une part, et d'autre part, entre les producteurs et les différents partenaires. Les services d’accompagnement n’ont pas toujours été au rendez-vous pour rétablir cette confiance. Je souhaite qu’on ne fasse pas semblant de négliger ces faiblesses car les coopératives sont des entreprises. Si elles sont mal gérées, cela va exploser tôt ou tard, ce qui va encore aggraver la situation de l’agriculture.

Une banque agricole est née au Burkina Faso. Dans cette banque, des agriculteurs sont actionnaires; cela est une bonne chose. Dans mon expérience, quand j’étais le Président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB), l’Union Provinciale des Producteurs de Coton de Bobo avait créé une caisse d’épargne reconnue par la BCEAO. Et comme j’ai une exploitation à Bobo, donc étant membre de base de cette union, nous avons cotisé cinquante mille  (50 000) francs chacun à fonds perdus (par paysan) pour pouvoir installer cette caisse et cette caisse avait des relais dans les communes. Non seulement cela permettait aux paysans d’épargner non loin d’eux et de récupérer leur argent quand ils le voulaient, mais ces caisses avaient aussi commencé à octroyer des crédits. Cela fonctionnait très bien. Mais en 2014, il y a eu un nouveau Président à la tête de l’union provinciale des producteurs de coton de Bobo; celui-ci a dilapidé tous les fonds d’épargne des paysans qui restaient dans les caisses. Les paysans se sont plaints contre lui à la justice et il a été mis en prison. Cinq (05) mois après, il a été libéré sans avoir été jugé et sans avoir remboursé l’argent des paysans. Ce qui est encore grave est que lors du renouvellement des structures de l’UNPCB en 2017, des bricoles ont permis à celui-ci est redevenir Président provincial au vu et au su de tout le monde. J’ai la conviction que tôt ou tard, cela va exploser. Je donne cette expérience comme exemple et j’en ai plusieurs pour qu’on en tire leçon pour savoir qu’une chose est de mettre des coopératives en place et une autre est de les rendre crédibles. Et une structure qui n’a pas de bon dirigeant ne peut pas être crédible. Je souhaite donc un travail de conscientisation sur ces aspects avant et après la création des coopératives.

Le système des Nations-Unies a fait de l’année 2012, l’année internationale des coopératives. j’étais un des ambassadeurs du système et l’idée était de promouvoir les coopératives comme outil incontournable pour le développement des communautés et des ruraux. J’ai également eu l’occasion de participer aux négociations de l’OMC; la leçon que j'ai retenue est que la force des pays dans les négociations tient à leur niveau d’organisation. Les burkinabé sont des grands travailleurs, les coopératives ont fait leurs preuves de par le monde; nous ne devons pas accepter que la mauvaise organisation et gestion soit un blocage pour le développement dans le milieu rural au Burkina Faso.

En tant qu’Agriculteur Burkinabé

Ouagadougou, le 20 Mai 2017

TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com

      

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