jeudi 2 avril 2015

Ce que je pense de l’évolution actuelle de la politique au Burkina Faso

Le Burkina Faso vient de mettre en place une Commission de Réconciliation Nationale et des Reformes (CRNR) dans l’optique d’asseoir un renouveau politique dans le pays. Des hommes capables de faire une réconciliation ne font pas défaut au Burkina Faso. Le problème, c’est qui est-ce qui on réconcilie avec qui ? Qu’est-ce que cette réconciliation doit changer ?
Après l’avènement du 15 octobre 1987, le peuple burkinabè s’était indigné de ce qui s’était passé entre les militaires. Blaise COMPAORÉ qui venait de prendre le pouvoir, savait qu’il n’était pas connu dans la société civile. Il savait également que ce qui venait de se passer n’avait pas plu au peuple burkinabè. Il fallait donc que des gens contribuent à réconcilier le pouvoir et le peuple. Parmi ceux-ci, il y’a les ténors actuels du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP). Ils  ont beaucoup contribué dans cette réconciliation dans l’esprit de faire la paix au Burkina Faso. Ce qu’ils n’ont pas pu contrôler de l’armée burkinabè, c’est la violence. Les tueries ont continué, on peut citer Henri ZONGO ; Jean Baptiste LENGANI et autres.
Le 13 décembre 1998,  une autre tragédie s’est produite au Burkina Faso notamment l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO, un journaliste que le même peuple burkinabè appréciait et supportait. En 2014, les ténors du MPP se sont dits : «  nous avons cru pouvoir aider à faire la paix et le changement mais les idées de départ de  Blaise COMPAORÉ n’ont jamais changé. Tout devait être pour lui ». Ils ont alors quitté le navire COMPAORÉ.
Au Burkina Faso, l’armée burkinabé est reconnue comme une armée solide et vaillante mais divisée par la façon dont elle est gouvernée. Si l’esprit de réconciliation était dans le cœur des ténors de cette armée, le travail que devrait faire les généraux de l’armée serait de travailler à reconstituer cette armée en une armée républicaine unie et soudée pour la défense de toute la nation sauf s’ils ne méritent pas ce grade de général. Ils auraient fait leur tâche dans le processus de réconciliation et de recherche de justice engagé dans le pays. La meilleure façon pour ces généraux de rendre service au Burkina n’est pas de quitter l’armée pour faire la politique pendant que ça ne va pas au sein de l’armée. En Guinée Conakry, Sékouba KONATÉ a été utile pour la transition et est resté  utile en Afrique en matière de sécurité.
Les états généraux de la justice viennent de se tenir au Burkina Faso. J’ai suivi un débat contradictoire de quatre juristes burkinabé à la Télévision Nationale du Burkina (TNB). Dans ce débat, le Secrétaire général du syndicat de la justice, monsieur TRAORÉ, a justifié l’utilité de ces états généraux. Pour la rémunération des juristes, il dit que si nous ne voulons pas des juristes corrompus, il faut qu’on revoie leur rémunération à la hausse.
Mais pour maître FARAMA, ces états généraux ne valaient pas la peine d’être tenus parce que tout ce qu’il faut changer était connu avant ces états généraux. Pour lui, être juriste, c’est un sacerdoce et le juriste doit avoir un bon comportement. Pour étayer sa conviction, il a pris l’exemple d’un monseigneur ou d’un imam. Ces personnalités savent que leur comportement doit refléter leur titre. La valeur d’un homme n’est pas forcement liée à sa rémunération.
Cependant, là où les deux se sont accordés, c’est quand ils soutiennent tous qu’une bonne politique appliquée est celle qui peut mettre la justice à l’aise. À la lumière de ce que j’ai vécu, je trouve que cela est vrai. En effet, je vis dans le milieu rural où les démembrements de la justice, c’est la gendarmerie et la police… Dans ce milieu, nous nous disons que quand vous avez un problème qui doit se résoudre auprès de la justice et ses démembrements, vous devez « mettre un caillou sur le papier » (corruption) sinon le vent va l’emporter. Et lorsque vous êtes capable de mettre un caillou sur le papier, ils sont capables de maltraiter à mort votre adversaire pour vous récompenser. Souvent, il suffit d’avoir un bras long qui passe un coup de fil pour qu’on te fabrique une vérité. Ces bras longs, ce sont les démembrements de la politique.
Quand le garant de la loi devient le destructeur de cette loi sans être inquiété, le droit est bafoué. Or, dans notre société africaine, une erreur commise par un garant des lois traditionnelles lui coutait la vie immédiatement. À titre d’exemple, dans les 1990, un préfet et un commerçant complice ont pris quatre cent (400) sacs de maïs dans ma production. Le préfet a utilisé les cachets de la préfecture sur les correspondances qu’il m’adressait, pour me montrer que c’est l’administration qui s’en occupait. Deux mois après, ils ne m’ont pas payé. Le dossier est allé en justice mais les deux avaient de bras longs. La justice n’a jamais pu me mettre dans mes droits. Beaucoup de producteurs vivent cette situation.
J’ai hâte donc de savoir qu’est-ce qu’on fait tout de suite avec les résultats des états généraux ? Quelle sera la place du politique ? Qu’est-ce que ces états généraux disent de la politique actuelle ? Je reste convaincu que le changement est possible. Le peuple burkinabé peut se réconcilier mais avec une politique qui respecte le droit. Le droit ne doit pas être la propriété du politique ou d’un individu car dans ce cas, on lui donne la  possibilité de le manipuler comme il veut.
Ouagadougou, le 02 avril 2015

TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
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