mercredi 6 août 2014

Ce que je pense de l’incivisme au Burkina Faso

La population du Burkina Faso est composée de plusieurs ethnies et chacune de ces ethnies avaient des coutumes (traditions). Ces coutumes contenaient des initiations obligatoires pour assurer une transmission fidèle des règles de conduite. L’arrivée des religions a eu des impacts sur la tradition. Si on réalise une étude dans chacune  des coutumes et des religions, on se rendra compte que les règles fondamentales d’une société étaient respectées. Parmi ces valeurs, on peut citer le caractère  sacré de l’être humain, le respect de la hiérarchie entre père et fils, l’amour entre les uns et les autres au sein d’une famille d’une part, et d’autre part, avec les autres familles,  la cohésion dans le village et le bon voisinage entre villages voisins. La parenté à plaisanterie a été adoptée pour aplanir les conflits entre villages voisins ou entre ethnies différentes.

Il y avait quand même des individus qui malgré l’éducation et leur initiation, violaient ces règles communautaires. Pour cela, des sanctions  étaient prévues. Ces sanctions pouvaient être par exemple d’ordre matériel (un poulet, une chèvre, du dolo), pour certaines religions ça pouvait être une suspension de la communauté. La sanction extrême de toutes ces entités étaient le bannissement. L’ensemble de ces sanctions étaient valables pour toutes les catégories de personnes vivantes dans la société.

L’analyse de la situation sociale actuelle au Burkina Faso me fait dire que la transition entre la tradition et la modernité n’a pas été bien faite ; nous devrions retenir les bonnes règles traditionnelles et les améliorer par rapport à l’évolution de notre civilisation.

La période de la modernisation de notre population que je peux citer a commencé avec la colonisation. À cette époque, des jeunes ont été choisis par le colon pour être des soldats sous le regard impuissant de leurs parents; ces jeunes ont été formés pour aller en guerre. Après cette phase de formation militaire des jeunes africains, il y a eu l’arrivée de l’école de « l’homme blanc ». Ces écoles étaient soit initiées par les colons, soit par les religieux. La plus part des soldats et des élèves burkinabés étaient initiés aux traditions avant de partir. Cette double expérience vécue par ces jeunes a forcément fait d’eux, une autre catégorie d’Hommes. Car ils sont à cheval entre la tradition et la modernité ; les règles de discipline nouvelles étant venues s’ajouter. Ces nouvelles règles étaient ignorées par l’autre couche de la population qui n’a eu accès à l’école.

Après l’indépendance, nous avons eu des régimes qui s’inspiraient de ces deux réalités pour créer une philosophie du développement de la nation burkinabé, et ce, jusqu'à l’avènement du 15 octobre 1987. Un avènement sur lequel, la population n’a pas eu la même compréhension et il fallait pourtant gouverner et la faire adhérer au processus. Selon le public cible, différentes méthodes ont été utilisées pour convaincre la population. Ce qui l’a poussé à adhérer. À partir de ce moment, une philosophie d’éducation de la population devait être mise en place pour mettre en confiance la population, encourager une bonne éducation, la sociabilité, l’intégrité, le patriotisme etc. Malheureusement, les stratégies utilisées telles que la violence, la corruption, les détournements des biens publics, la gabegie, le népotisme, le clientélisme, l’intimidation, l’installation de la psychose de la peur pour faire adhérer le peuple burkinabè au système n’ont pas facilement  permis de cultiver ces valeurs sociales du Burkina Faso d’autrefois et d’améliorer significativement la qualité de l’éducation.

Le résultat de ce système est l’incivisme croissant dans le pays. On a assisté à des détournements et à des crimes impunis par certains responsables. La justice est taxée de complice ou d’impuissante dans cette situation. Le phénomène récurent, c’est de se faire justice soit même. En effet, lorsqu’un accident causé par un véhicule survient, le véhicule est immédiatement brûlé. Dans les conflits agriculteurs/ éleveurs, on constate des pertes de vies humaines et de bien matériels. Les évènements de 2008 contre la vie chère, ceux de 2011 sont aussi illustratifs : feux tricolores cassés, véhicules et bâtiments incendiés etc.  

Depuis 1987, certaines personnalités burkinabés comme Joseph KI-ZERBO, Laurent BADO, Bénéwendé SANKARA, Etienne TRAORÉ, Hama Arba DIALLO, Norbert TIENDÉBRÉOGO… ont refusé de suivre le navire. D’autres tels que Zéphirin DIABRÉ, Ablassé OUÉDRAOGO… ont adhéré croyant influé à un moment donné positivement le système. Ils ont été débarqués ou ont quitté. Les plus patients qui ont résisté pensant toujours à un changement positif et qui finalement n’avaient plus d’espoir, ont fini par quitter. Ils se retrouvent aujourd’hui dans le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP).

Mon cri de cœur ! Hommes politiques, religieux et de la société civile, vous êtes sollicités à créer une philosophie nouvelle qui permet de conscientiser le peuple en commençant par les dirigeants pour que l’intégrité dont nous nous réclamons, soit une réalité. Nos ancêtres ne comprendrons pas qu’à leur temps, ils l’ont défendu et qu’à notre tour, femmes et hommes civilisés, nous n’y arrivons pas.

Lors du passage du président américain Barak OBAMA au Ghana, il a dit que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes. Ceux qu’il appelle à mon avis, hommes forts ne sont pas à confondre aux leaders. MOBUTU était un homme fort mais Nelson MANDELA, Martin Luther KING, Mahatma GANDHI étaient des leaders. Ce sont eux qui créent les institutions fortes. Ce type de leaders, nous en avons besoin au pays des Hommes intègres. Ils ont l’habitude de créer des institutions fortes et éclairent tout le monde afin que chacun soit à un niveau de compréhension pour la cause commune. Pour MANDELA, le bonheur est pour tout le monde, mais le malheur est à combattre si possible pacifiquement.

Ouagadougou, le 04 août 2014

TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
Skype:dadilotbf52                                                                                   
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 BURKINA FASO

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