mardi 17 mai 2011

Ce que je pense sur la rencontre de Cotonou sur le lancement du coton équitable et bio équitable

Du 19 au 29 Avril 2011, j’étais à une rencontre organisée par l’AProCA sur le coton équitable et bio équitable. L’AProCA dans sa vision d’encourager et de défendre le coton africain, a depuis un certain temps décidé de soutenir toutes les initiatives de niche dans le coton, dont le coton équitable et bio équitable. Certains membres de l’AProCA avaient déjà l’expérience dans ces différentes productions. C’est ainsi qu’un projet a été financé à l’AProCA par l’Agence Française de Développement (AFD) pour accompagner cette production au Burkina Faso, au Benin, au Cameroun, au Mali, et au Sénégal. Dans cette rencontre, il fallait travailler sur le plan d’action et lancer ce projet du financement de l’AFD. Dans cette expérience, ces pays ont tous eu dans le passé des difficultés de commercialisation ; soit dans le coton équitable ou soit dans le coton bio équitable. Mais de nos jours, comme le prix du coton conventionnel sur le marché mondial est à un  prix jamais égalé, c’est l’effet contraire que nous vivons ; tout s’achète dans le coton. Ces niches de coton n’ont pas de prix officiel international. Cela est donc forcement lié au prix du coton conventionnel. Il a ainsi été recommandé de connaître le prix de ces produits sur le marché international pour faciliter les fixations des prochains prix aux producteurs. Le coton fibre bio équitable qui coûtait 1 200 f le kg sur le marché mondial était payé au producteur 270 f le kg de coton graine, pendant que le kg de coton fibre du conventionnel était à 600f sur le marché mondial. De nos jours, le kg du coton fibre conventionnel est à plus de 2 000f. Si le coton bio équitable  peut se vendre à plus de 2 000f, ou vendu plus cher que le coton conventionnel, à combien devrait-on payer désormais le kg du coton bio équitable chez le producteur ? Quant au coton équitable, le problème de marché ne se pose plus, car il peut être vendu au prix du marché du coton conventionnel. Les difficultés se trouveront dans la répartition du prix au producteur et au niveau des avantages que le coton équitable donnait au producteur. L’AProCA et ses partenaires se sont engagés à travailler à clarifier tout cela.

Le coton, l’or blanc est devenu du diamant
Dans cette rencontre de Cotonou, les producteurs Camerounais et Béninois étaient présents. Ils  ont fait ressortir leurs difficultés avec les trafiquants de coton qui venaient acheter leur coton et allaient le vendre au Nigeria très cher. C’est ainsi que le Cameroun a vu environ 30 000 tonnes de coton de sa production envoyée au Nigeria par les trafiquants. Une partie du coton Béninois y est également rentrée. Dans les explications, il ressort que les trafiquants viennent payer le kg de coton graine autour de 200f chez le producteur et s’en vont le vendre au Nigeria entre 600 à 700f le kg de coton graine. Ces pays étaient obligés de prendre des dispositions très rigoureuses et surement couteuses pour que les trafiquants n’arrivent plus à ramasser le coton. Quand les agriculteurs vendent le coton aux trafiquants, ils ne viennent plus payer le crédit des intrants à leurs groupements. L’encadrement des producteurs fait par le Benin et le Cameroun a été donc au profit de ces trafiquants.
Moi en tant que producteur de coton, cela m’a poussé à analyser le phénomène: ces trafiquants qui achètent le coton graine des producteurs de ces pays, autour 200f, en le revendant à 600f aux égreneurs nigérians, gagnent finalement beaucoup plus que le producteur. En continuant la réflexion de paysan, je ne pense pas que c’est une barrière qui peut résoudre le problème ; c’est comment le Nigeria arrive à payer le kg du coton graine à 600f ou 700f qu’il faut chercher à comprendre. Quelqu’un me dira que c’est parce que le Nigeria ne paye pas l’encadrement qu’il peut le payer à 600 f. Alors qu’en prenant 100 f par kg sur les 30 000 tonnes du Cameroun qui sont rentrées, cela fait 3 milliards. Je pense que 3 milliards peuvent bien payer l’encadrement de 30 000 tonnes. Il va rester 500f à 600f. Le point d’interrogation se trouve à ce niveau. Le producteur paierait très bien ses intrants sans se rendre compte ! Je trouve que ça, c’est une affaire à suivre.

                                                               Ouagadougou, le 14 Mai 2011
                                                               TRAOE B. François,
                                                                http://www.francoistraore.blogspot.com/                           
                                                                Président d’honneur de l’AProCA,
                                                                Docteur honoris causa.

Aucun commentaire: