lundi 12 janvier 2015

Ce que je pense de l’exode rural des jeunes

La population burkinabé est majoritairement jeune. Les paysans occupent près de 80% de la population et nous assistons en tant que pères de familles, impuissamment, à la fuite de cette jeunesse vers les villes du Burkina et vers d’autres pays. En tant qu’agriculteur, je vais m’intéresser à quelques causes et conséquences de cet exode rural.
Pour les  causes, dans le milieu rural, la limitation du nombre d’enfants n’est pas bien comprise. Il n’est pas rare de voir une femme qui fasse 10 enfants ; la moyenne étant 5 enfants/femme selon mon propre analyse. Dans le milieu rural, la polygamie est également très courante. Un homme peut se retrouver facilement avec 04 femmes avec plus de 20 enfants. Pour ne citer que celles-ci qui sont des causes sociales.
En ce qui concerne les causes éducatives, les initiations ne sont plus au niveau où elles étaient avant la colonisation. L’école a remplacé dans beaucoup de cas ces initiations dans l’éducation des enfants. Cette école n’a pas tiré suffisamment de leçons qu’à la formation à l’initiation. Ce qui fait que les enfants sont souvent instruits mais pas bien éduqués. Par le fait du nombre élevé d’enfants qu’une famille peut avoir, souvent tous ses enfants ne vont pas à l’école sans oublier qu’il y a parfois des orphelins puisque des parents meurent laisser leurs enfants.
 Nous avons l’éducation coranique qui interne les enfants chez un marabout. Ces enfants sont souvent près d’une centaine. Ils sont parfois obligés de mendier pour se nourrir et pour nourrir leur maître. Ce qui fait que les enfants qui sont passés par là sont en contact directe avec la société. Comme au niveau de l’initiation que pratiquaient nos ancêtres, il y’a certains faits positifs que nous n’avons pas su tirer de cette école coranique pour améliorer l’école moderne.  En effet, grâce au mode de vie à l’école coranique, les jeunes se familiarisent aux bonnes techniques d’approche vers autrui dès leur bas âge, sont initiés à la combativité etc. 
Au titre de l’éducation par la famille, selon le métier qu’exerce le père ou la mère, chaque enfant est initié très tôt à ce travail. Ce métier peut être l’agriculture, l’élevage, la pèche etc. Mais souvent cette initiation au métier se fait avec une pression inadaptée. Il y’ a 100 ans, on pouvait exercer cette pression sans qu’un enfant ou un jeune ne décide de quitter la famille. De nos jours, nous constatons que dès 7 ans, des enfants quittent leur famille. Très souvent, c’est parce qu’ils ne mangent pas assez. Les divorces dans les foyers polygames créent également une autre couche d’enfants dans la même famille parce que la maman n’est plus là.
La mauvaise gestion et répartition des revenus dans la famille est aussi une des difficultés qui contraint les jeunes à aller en ville. Pourtant à l’âge de l’adolescence, l’énergie du jeune est fortement utilisée. Dans certains milieux, les jeunes se marient très tôt, souvent à moins de 20 ans. Ils se trouvent dans l’obligation de créer une exploitation agricole. Or il peut se poser un problème d’équipement agricole ou de terre. Pour toutes ces difficultés qui ne sont pas exhaustives, il y’a des conséquences.
Parmi ces conséquences, il y a le fait que l’enfant est souvent malnutrie et mal formé. De nos jours, la jeunesse a le contact facile avec l’extérieur par le biais des radios, des télévisions, des cinémas, de l’internet etc. Comme l’éducation qui lui est donnée n’est pas très bien orientée, le jeune ne comprend pas pourquoi ceux qu’ils voient à travers ces canaux d’informations sont bien dotés en matériel et sont heureux, et lui, il ne l’est pas. Cela peut le pousser à s’approcher de là où il y a les gens qui possèdent les choses qu’il n’a pas sur place. Pour ceux qui se sont mariés tôt, c’est la femme ou l’homme qui part laissé les enfants. Très souvent, il n’y a pas a mangé suffisamment pour ces enfants. Et il arrive que les parents ne reviennent plus.
Nous avons des familles dans lesquelles tous les bras valides sont partis laissés les plus petits et les vielles personnes qui ne peuvent pas souvent travailler pour se nourrir. Le jeune qui est parti, s’il n’a pas eu gain de cause, ne revient pas parce qu’il connait les difficultés qui l’attendent derrière. Même pour ceux qui reviennent, souvent ils arrivent trouver que leurs terres sont occupées. Et cela fait des conflits dans la famille et dans le village. Les causes et les conséquences de l’exode rural de ces jeunes sont donc nombreuses.
Cela fait que les jeunes qui constituent la majorité de la population Burkinabè ne profitent pas suffisamment de leur jeunesse pour travailler et gagner. Cette situation fait qu’un chef de famille qui a beaucoup de jeunes est plutôt souvent inquiet parce qu’il ne sait pas si ses enfants ne vont pas partir le laisser. Le fait que les jeunes se déplacent sans avoir maîtriser une profession, ils deviennent une charge là où ils vont. Le pays ne profite pas de cette jeunesse chassée par la pauvreté dans le milieu rural et qui vient remplir les villes.
De nos jours, nous avons des gouverneurs, du chef de village au Président du Faso, des hommes politiques aux intellectuels. Le problème de cette jeunesse doit nous préoccuper tous. Beaucoup de pays ont trouvé une solution à ce problème. Je pense que le burkinabè également peut trouver une solution mais en reconnaissant le problème, en faisant un vrai diagnostique et en cherchant des solutions adaptées. Ces solutions existent.
Ouagadougou, le 12 janvier 2015
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
Skype:dadilotbf52   
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 BURKINA FASO

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