mercredi 24 décembre 2014

Ce que je pense de la création du Syndicat Agricole du Burkina (SY-A-B)

Le 17 décembre 2014, les représentants des Agriculteurs des 13 régions du Burkina Faso se sont retrouvés à Dédougou pour créer un syndicat. Ce syndicat, nous l’avons nommé SY-A-B. La devise du SY-A-B est solidarité-professionnalisme-équité. La nécessité de cette structure de défense a été sentie par les acteurs qui ont évolué dans les organisations professionnelles et qui se sont rendus compte à un moment donné que quelque chose leur manquait. Parmi ces choses qui manquaient, figurait la défense par tous les acteurs du monde rural réunis, des intérêts sociaux, moraux et économiques.
La population burkinabé est très majoritairement rurale mais nous assistons à une grande influence de l’exode rural dû d’une part, à la pauvreté et à la famine et d’autre part, à l’analphabétisme et l’obscurantisme. Ces difficultés ont souvent fait de ces ruraux des outils d’élections surtout dans une situation burkinabé où la politique n’était plus basée sur une vraie vision de développement pour les ruraux mais plutôt sur l’influence financière, l’intimidation,  souvent même l’éthnicisme. Les mêmes politiciens assistaient à l’accaparement des terres des paysans. Ces terres accaparées ne sont généralement pas exploitées et sont même louées aujourd’hui à des agricultures vivant dans la localité.
Dans le syndicat agricole, nous voulons que le problème d’un agriculteur, d’une agricultrice, d’un éleveur, d’un exploitant forestier, d’un pécheur … soit partagé avec tous les ruraux. Ce partage permettra à ce qu’ils décident de comment gérer le problème pour l’intérêt du producteur en question et pour le Burkina Faso.
Je suis parmi ceux qui dans les années 70 - 80, se sont opposés au syndicalisme. En  ce moment, la proportion des structures professionnelles était très réduite. De nos jours, des structures professionnelles organisées en filières existent. Au lieu d’être une force de réclamation et de proposition, malgré l’existence d’organisations de plus d’une dizaine de filières, l’influence de cette structuration ne donne pas totalement satisfaction à tous les membres de ces filières. Je pense que cela est dû en partie au système de mauvaise gouvernance politique au niveau central et au niveau des collectivités locales, qui influence ou qui récupère ces structures. Les derniers pensent que le développement, c’est le financement que l’État leur envoie, l’argent des différends projets qu’ils peuvent avoir avec les partenaires et la vente des terres urbaines ou rurales. 
C’est par les structures professionnelles que le développement local peut venir. Pour cela, lors des élections de tous les niveaux, c’est plutôt mieux d’écouter les professionnelles par rapport à leurs différents problèmes que de distribuer que l’argent et les tee-shirts. Il est même arrivé que nous nous rendions compte que le politique avait peur d’une structure bien organisée et qui n’écoute que ses acteurs. C’est pour cela que je pense que le syndicat de nos jours peut être un complément, un support aux structures professionnelles et aux ruraux individuellement.
Le SY-A-B  a été d’abord constitué par des individus qui sont tous membres de structures professionnelles. La porte a été ensuite ouverte aux structures filières. C’est dans ce sens que le représentant de la filière coton, l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB) et les semenciers ont adhéré et sont membres fondateurs. Toute autre filière organisée pourrait adhérer ; l’adhésion étant libre pour le producteur individuel et pour la structure professionnelle.
Le bureau de ce syndicat est constitué de 17 membres. Toutes les 13 régions sont représentées dans le bureau. Les trois premiers dirigeants de cette structure sont messieurs Abou OUATTARA, producteur de coton qui est aussi semencier de céréales et éleveur ; Adama G. OUÉDRAOGO qui fait principalement de l’embouche et l’agriculture. Le troisième responsable est une femme : madame Chantal Marie OUÉDRAOGO. Elle  transforme les noix karité en beurre de karité et en d’autres produits dérivés. Ces trois premiers dirigeants ont été choisis par l’assemblée du syndicat.
Aucun d’eux n’a 50 ans mais ils ont chacun plus de 30 ans. C’est donc des entrepreneurs dont leur entreprise n’est pas à leur début ni à leur fin. Ils ont l’obligation de se faire entendre et de se faire comprendre. Ils ont également l’obligation de l’écoute et de l’analyse car c’est tous les secteurs du monde rural qui sont derrière eux.
À la fin de cette rencontre, j’ai été choisi comme président d’honneur du syndicat. À 62 ans, je suis à la limite de mes capacités  physiques mais selon les membres du SY-A-B, ils ont besoins de puiser dans mon passé. Je ne suis pas membre du bureau. Ils me consulteront donc que quand ils auront besoins de moi. Dans l’écriture sainte de la Bible, quand Siméon a vu le petit Jésus, il a dit qu’il pouvait mourir maintenant parce qu’il ne voulait pas mourir sans voir le sauveur.
Je demande à Dieu de leur donné courage, persévérance et la cohésion. Dans cela mes enfants qui sont agriculteurs vont non seulement trouver leur compte dans ma famille et dans mes champs et pourront garantir la vie de nous qui les avons mis au monde. Car chez nous les agriculteurs, pour le moment nous n’avons pas de retraite. Bon vent à ce syndicat dans lequel je souhaite le bonheur des ruraux, la souveraineté alimentaire du Burkina Faso et le développement de celui-ci.
Ouagadougou, le 24 décembre 2014
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
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