vendredi 27 septembre 2013

Ce que je pense du colloque sur la « Biodiversité agricole et sécurité alimentaire»


A l’occasion du 70ème  anniversaire de la mort de Vavilov, j’ai été invité le 17 septembre 2013 par FARM et la Mission Agrobiosciences pour participer à un colloque qu’elle a organisé à Toulouse en collaboration avec ses partenaires (GNIS, ENFA et l’ENSAT). En rappel, Nikolaï Vavilov est l’un des premiers scientifiques à établir un lien essentiel entre la diversité biologique des ressources végétales et la sécurité alimentaire des sociétés (FARM, 2013). Afin de concilier augmentation de la production et protection de l’environnement, les débats menés pendant ce colloque ont porté sur les enjeux de la diversité agricole. Il s’agissait essentiellement d’échanger sur les nouvelles stratégies de conservation des ressources génétiques à mettre en place, de s’interroger sur le droit international sur le partage de ces ressources et de discuter de comment accroître la diversité dans les systèmes de production agricole.

J’étais le seul agriculteur africain à ce colloque parmi des chercheurs, des professeurs d’université et des étudiants. J’ai participé à  une table ronde pour apporter ma vision en tant qu’agriculteur africain sur tous ces sujets. Des développements ont été faits sur l’évolution des cultures en Occident et en Afrique par les chercheurs et sur les différentes règles et méthodes  s’appliquant au processus de création et d’utilisation des semences naturelles,  semences améliorées,  hybrides et aux OGM depuis les années 1800 jusqu’à nos jours. Les lois qui autorisent le chercheur à breveter sa trouvaille ont été critiquées.  Une des lois dit que si le chercheur investit et trouve quelque chose sur lequel il met son brevet, il a vingt ans pour rentabiliser son investissement. Pendant cette période personne d’autre n’a le droit de se lancer dans la reproduction et la commercialisation de cette trouvaille.

Dans ma présentation à la table ronde, j’ai dis qu’historiquement dans tous les continents, il y a eu des chercheurs car dans chaque continent, les hommes ont trouvé quelque chose qu’ils ont isolé pour l’entretenir et se nourrir avec. En Afrique on peut citer le mil, le sorgho, le fonio, le poids de terre et l’arachide. Dans la forêt on peut citer le néré et le karité. Leur distribution entre producteurs était presque gratuite et selon des relations sociales. Mais cela a évolué avec la période de la colonisation quand nous avons vu introduire des cultures comme le café, le cacao, arachide, coton dans leurs formes industrielles. Nous avons par la suite eu des chercheurs qui ont commencé à mettre des semences adaptées à nos besoins au point. Mais le principal problème se trouve entre le résultat obtenu par la recherche et son utilisation par l’agriculteur. Il y a toujours des problèmes attribuables à la méthode de vulgarisation qui prend sa source dans l’inadaptation des différents programmes agricoles en Afrique.

J’ai profité donné ma préoccupation par rapport à une des questions que le directeur de FARM avait posé aux chercheurs à savoir « est-ce que ce n’était pas mieux pour la sécurité alimentaire en Afrique, qu’on accompagne les petits producteurs pour que ce soit eux qui nourrissent les populations de leurs villes ? ». Un des participants à rétorqué en disant que « les petits producteurs africains sont les plus affamés ». Ma position par rapport à cette question était que le développement en Afrique passait seulement que par là. Que les ruraux qui représentent 80 % de la population burkinabé soient accompagner pour se nourrir et  nourrissent les 20 % de la ville. Pour atteindre la sécurité alimentaire, chaque producteur doit avoir à la fois de quoi se nourrir et de quoi vendre à un prix rémunérateur pour subvenir aux autres besoins.

En effet,  ce qui affame le rural, c’est quand il a des céréales juste pour sa nourriture et est obligé de vendre une partie pour subvenir aux besoins de scolarisation de ses enfants, aux problèmes sanitaires et à leur habillement. Du coût le reste des céréales n’est plus suffisant pour sa famille. Comme ce qu’il a vendu n’est pas beaucoup, ça ne suffit pas également pour la ville. Cette insuffisance à changer l’habitude alimentaire des citadins qui consomment aujourd’hui essentiellement que des aliments importés : dans la ville les gens mangent le pain le matin, le riz à midi et le soir avec de l’huile très souvent importée également. 

Tant que les ruraux et les citadins africains seront si dépendants de l’importation, ceux qui exportent en Afrique vont avoir l’argent et l’Afrique va rester toujours pauvre. Quelqu’un m’a dis « est-ce que cette situation n’est liée au fait que certains africains produisent beaucoup de cultures de rente (le coton, le café…) pour l’exportation ? ». J’ai trouvé que cela était normal et que ces produits sont mêmes insuffisants sur le marché mondial. Ces cultures sont adaptées à notre environnement agro-écosystème. Nous savons qu’il y a même des problèmes dans la commercialisation  de ces produits. Pour avoir de la valeur ajouté, il faut qu’ils soient nécessairement transformés en Afrique. 

C’est ce déséquilibre commercial qui entraine l’exode rural et la migration des jeunes vers l’Occident. Nous avons même vu au Mali que Al-Qaïda a recruté certains de ces jeunes ruraux. Ce serait désormais mieux que l’Occident investisse en Afrique pour maintenir les ruraux que d’investir pour calmer une guerre.
Par rapport à la culture du coton OGM au Burkina Faso, ma position est que les producteurs de coton avaient un problème de résistance des insectes aux insecticides qu’ils utilisaient. Après cinq ans de culture du coton Bt (OGM), nous avons vu que les OGM ont solutionné le problème. En attendant les producteurs de coton du Burkina sont contents d’avoir utilisé les OGM. Toujours est-il que les autres cotons sont toujours cultivés au Burkina notamment le coton conventionnel et le coton biologique.

Pour la conclusion de ce colloque, une professeure de l’université d’Amsterdam a trouvé que pour la sécurité alimentaire, il était possible que le monde continue à se nourrir pourvu qu’il sache que c’est un devoir social. Des technologies existent, des semences existent, il faut tout simplement que l’homme soit prudent dans leur utilisation et dans la conservation. Comme exemple de technologie, elle a dis qu’il y a douze ans que les OGM sont produits dans le monde et que leur  consommation n’a pas encore causé un problème à quelqu’un. Elle a terminé en saluant les idées de Vavilov.

TRAORE B. François,
www.francoistraore.blogspot.com                        
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux
Président d’honneur de l’AProCA
 E-mail :dadilotbf52@yahoo.fr                                                                                         
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BURKINA FASO

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