samedi 11 mai 2013

Ce que je pense de la première promotion des étudiants en master en économie et politique agricole.


J’ai été invité le 04 mai 2013 à l’université de Ouagadougou par la première promotion des étudiants en master en Economie et politique agricole pour faire une conférence. Ils  sont recrutés dans le cadre du Programme de Troisième Cycle Interuniversitaire (PTCI) en économie. Ce programme  regroupe 17 pays de l’Afrique. Ces étudiants au nombre 30 bénéficient chacun d’une bourse de la Fondation Melinda et Bill Gates (BMGF), qui a financé le programme. Les autres partenaires du PTCI sont l’Alliance pour la Révolution Verte (AGRA), l’ONG de Koffi Annan et le Programme Agriculture et Sécurité Alimentaire du CRDI (Institut de recherche canadienne).
L’objectif global de cette nouvelle filière de formation est de combler le déficit d’expertise en matière d’élaboration et de mise en œuvre de politique agricole en Afrique et d’améliorer la gestion économique de ces pays africains dans le cadre du développement rural et de la lutte contre la pauvreté.
Les étudiants sont formés pour pouvoir exercé dans les domaines de l’enseignement, les Ministères,  le secteur Privé, les Instituts et Centres de recherche, les Institutions Internationales, les ONG, etc.
Selon les étudiants, il est prévu dans leur programme des conférences données par des acteurs du terrain. C’est dans ce sens qu’ils m’ont fait appel pour partager mes expériences avec eux autour des thématiques « coton et sécurité alimentaire et la place du coton génétiquement modifié dans la filière cotonnière burkinabè ».  Pour moi, dans la production cotonnière au Burkina Faso, la recherche a recommandé comme itinéraire technique la rotation entre le coton et les céréales. Ce qui veut dire que chaque fois dans un champ, la superficie occupée par le coton est utilisée pour les céréales l’année suivante. L’essentiel de ces céréales au Burkina est devenu du maïs à près de 60 à 70% dans la zone cotonnière.
Cela a fait des producteurs de coton les meilleurs producteurs de céréales. Le rendement en maïs de ces producteurs de coton est satisfaisant parce que non seulement ils bénéficient de l’arrière effet de l’engrais mis dans le champ de coton ; ils reçoivent également de l’engrais pour leur maïs. De plus mon expérience en tant que agriculteur m’a donné la preuve que l’important feuillage de coton qui tombe en fin de cycle constitue de la matière organique qui se décompose et devient une source nutritionnelle pour la culture céréalière qui succède au coton. Tout cela contribue à augmenter le rendement du maïs après le coton. Je vais même dire que grâce à la rotation, les paysans ont perçu la rentabilité  du maïs ; Car pour une famille qui produit 5 ha de sorgho pour subvenir à ses besoins alimentaires, deux ha de maïs suffisent pour le faire.
Le coton est un des rares cultures de rente que je connais  et qui a un lien étroit avec les céréales. En plus un kilogramme (kg) de coton graine contient environ 43% de fibres et 52% de graines. La graine est très nutritive pour les animaux. Un kg de cette même graine contient de l’huile consommable par l’homme qui est évaluée à 36%. On peut donc dire que dans un kg de coton graine, hormis la fibre, il y a 52% de graine qui contribue à la securité alimentaire. On sait également que dans sécurité alimentaire il y a revenus; c’est pour dire que l’argent du coton contribue à la securité alimentaire.
Quant au Coton Génétiquement Modifié (CGM), le Burkina est parmi les premiers à le produire en Afrique. Cela suite à un  certain nombre de problèmes de parasitisme que les producteurs ont vécu. Le producteur de coton burkinabè qui avait découvert l’intérêt de l’argent du coton et tout ce que le coton lui rapporte, ne voulait pas que ce soit le parasitisme qui l’empêche de produire son coton. C’est dans cette inquiétude que les producteurs, les sociétés cotonnière et l’Etat ont été obligés de se donner la main pour introduire cette technologie au Burkina Faso.
Moi particulièrement, cela fait cinq ans que je cultive le CGM. J’encourage la recherche et les partenaires (sociétés cotonnières) à tout faire pour qu’on continue  à avoir cette semence qui est multipliée sur place au Burkina par nous même les producteurs de coton car moi-même je suis semencier.
Mon appréciation pour cette promotion universitaire, est que l’initiative est salutaire. Parce que pour moi en Afrique il n’y a pas pour le moment  des politiques agricoles adéquates. Dans un pays où  il existe une politique agricole, avec 80% de population agricole, on ne peut pas continuer à ne pas atteindre une souveraineté alimentaire. Les céréales que nous cultivons en Afrique pour nous nourrir, sont cultivées et destinées à la l’alimentation du bétail dans d’autres pays comme le canada, les Etats-Unis et la  France. Quand ces céréales manquent à ces animaux, il y a un scandale et tout le monde entier est secoué.
Un de mes amis Français m’a déjà dit que nous sommes « des manges mil » parce que nous mangeons directement les céréales, alors que eux, ils ont dépassé cela il y a longtemps. Dans ces pays, on ne peut plus avoir 5% d’agriculteurs. Comment nous pouvons démontrer à des gens de ces pays que nous avons 80% de notre population qui est agricole, que nous avons une politique agricole et que nous n’arrivons pas à nous nourrir ?
A la fin de ma conférence, j’ai encouragé ces jeunes à être endurant et persévérant. Il faut qu’ils aient le courage à s’engager à fond et vouloir risquer (entreprendre). Cela doit commencer depuis la phase estudiantine. Je leur ai dit que j’entends souvent des manifestations dans les universités. Ces mouvements de manifestation ont peut être leur raison, mais eux, je les encourage à s’imposer par l’endurance et la volonté de bien faire. L’expérience m’a montré qu’on change plus facilement les choses quand on travaille bien. Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on ne peut être responsable et compétent.
Moi, j’ai été chef de famille à quinze ans. C’est dans mon endurance du travail bien fait que je me suis fait respecter. Je ne pouvais pas imaginer un  droit de revendiquer car mon père était aveugle et ma mère âgée. Ma seule issue était de me battre honnêtement. J’ai donc demandé aux jeunes de s’engager à bien faire dès leur vie estudiantine car leurs pays et l’Afrique compte sur eux. C’est le temps de l’Afrique maintenant, le temps de changement de mentalité. Quand quelqu’un s’engage à innover, le changement doit se sentir dans son comportement quotidien ; même dans son sommeil quand  il se couche, il doit se dire « je me suis engager à faire ça, est ce que je l’ai fait, je dois le faire » ; car l’handicap de l’Afrique ce n’est pas qu’on ne s’engage pas ! On s’engage mais cet engagement ne change pas le comportement et quand le comportement et le mental ne changent pas, rien ne sera fait pour ce dont on s’est engagé.
Ce que nous reprochons à nos devanciers, si nous ne changeons pas, nous ferons la même chose, alors nous subirons, et nous... Je souhaite bonne chance et courage à ces jeunes étudiants.
Ouagadougou, le 30 Avril 2013
TRAORE B. François,
 www.francoistraore.blogspot.com                                                                                          
 Président d’honneur de l’AProCA,
Docteur honoris causa.
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