samedi 8 décembre 2012

Ce que je pense du Forum africain 2012 à Tunis


Du 12 au 16 novembre 2012, nous avons participé madame Coulibaly technicienne et moi président d’honneur au nom de l’association des producteurs de coton africains (AProCA) sur invitation de CompACI au Forum africain 2012 du PDDAA (Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine) à Tunis en Tunisie. Quarante six pays africains et l’Allemagne ont pris part à ce forum. Le Forum africain est une structure du PDDAA détenue et dirigée par les organisations de producteurs agricoles en Afrique.
Dans un contexte de crise alimentaire et financière, les regards sont désormais tournés vers les organisations de producteurs agricoles en tant que lien vital entre les agriculteurs et les pouvoirs décisionnaires, ou entre les producteurs et le marché. C’est dans cette perspective que ce forum a été placé sous le thème : « les Organisations de Producteurs Agricoles : le lien vital pour une croissance agricole équitable et durable en Afrique ».
A travers ce thème, les objectifs visés étaient essentiellement la sensibilisation sur le rôle critique des organisations de producteurs agricoles dans le développement de l’agriculture en Afrique ; la diffusion et le partage d’expériences entres les différents acteurs et encourager l’avancement des meilleures pratiques en Afrique afin de concourir au développement de l’agriculture piloté par les pays africains.
         
Parmi ces meilleures pratiques présentées, les expériences d’un certain nombre de pays ont attiré mon attention. Par exemple la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. Ces expériences étaient basées sur l’organisation des filières comme l’olive, l’élevage, le blé, le maïs. Nous avons retenu que la maitrise d’une filière, commence par la bonne maitrise des phases suivantes : la multiplication des semences de bonne qualité pour la production ; de la production à la transformation ; de la transformation au marché. Il ressort également de ces expériences, que la collaboration entre l’Etat et le privé a été essentiel pour la bonne marche de ces filières.
 
La réussite de ces pays maghrébins de l’Afrique montre qu’avec la volonté on peut bien faire l’agriculture moderne en Afrique. L’exemple du Rwanda a aussi attiré mon attention. Un Rwandais m’a dit qu’au Rwanda, tout responsable dans l’administration publique comme dans le privé, doit signer un contrat de performance. Ce contrat de performance est fixé par lui même au départ en public. Si le rapport de l’évaluation des activités révèle que la performance prévue n’est pas atteinte, le responsable en question cède sa place à un autre car les compétences ne manquent pas. Au Rwanda même un chef de famille doit s’engager à atteindre un objectif qu’il se fixe et doit s’assumer par rapport à cet engagement. Par exemple, un autre Rwandais dit que le Rwanda est autosuffisant en pomme de terre aujourd’hui à tel point qu’il en d’exporte dans les pays voisins. S’il exporte, c’est qu’il produit de la pomme de terre de bonne qualité.
L’AProCA a eu l’occasion de présenter son expérience en tant que filière coton organisée. Aujourd’hui, il est présent dans 15 pays africains. Son objectif est de s’étendre à tous les pays producteurs de coton africain. L’AProCA veut que ses producteurs de coton vivent décemment de leur production. Il souhaite également que ce coton soit transformé un jour en Afrique. Dans mon intervention, j’ai démontré que l’AProCA contribue énormément à la sécurité alimentaire. En plus des revenus que les producteurs gagnent dans la vente du coton, les graines de coton profites à la population. Dans 100 kg de coton graine, il y a 52 kg de graine qui en sorte après égrainage. Cette graine peut être consommée directement par les animaux (bovins, caprins). Les graines peuvent être également transformées en tourteau, aliment bétail, après extraction de l’huile. Sur 100 kg de graine de coton, il peut y avoir 36 litres d’huile consommable par l’homme. Cela veut donc dire que les 52% rentrent dans l’alimentation. Dans nos zones cotonnières, tout bon producteur de coton est bon producteur de céréales, essentiellement le maïs et le mil.
L’AProCA a aussi parlé de son université coton basée à l’université polytechnique de Bobo. Les professeurs de Bobo en collaboration avec les autres professeurs d’universités des pays membres forment les membres de l’AProCA et ses partenaires. Ce qui permet une bonne collaboration entre les penseurs, les chercheurs et les acteurs du terrain.
De ce forum, ce que je retiens en tant que ambassadeur des Nations-Unis pour l’année 2012, année des coopératives et au regard de mes expériences, c’est que le salut de l’Afrique est dans les coopératives engagées dans les filières. Il y a quelques années l’organisation des filières était difficilement comprise dans certaines grandes rencontres des agriculteurs en Afrique. La compréhension que certains avaient, était que l’organisation par filière obligeait les producteurs à faire la monoculture (faire un seul produit) ; alors que s’organiser par filière n’est que professionnel ! En effet, dans une filière organisée, l’obtention des intrants est facilitée, (semence, engrais, produits…); de même que la commercialisation parce que vous pouvez facilement tissez un partenariat avec les acquéreurs nationaux ou internationaux.
 Il n’est pas interdit qu’un producteur soit dans plusieurs filières. Par exemple j’ai vu un tunisien qui avait un champ d’olive et qui faisait en plus l’aviculture. Or, on sait que les règles de production, de commerce des olives et des poulets ne sont pas identiques. Le partenaire qui cherche les olives, quand il envoie un camion pour chercher les olives, il ne voudrait pas qu’on y mette des poulets. Donc ce producteur peut être dans une coopérative d’olives et une coopérative de poulets.
Dans ce forum, il y avait suffisamment d’exemples qui montrent que le développement est possible en Afrique. En Tunisie, le désenclavement est un grand atout pour les agriculteurs : les routes bien faites existent partout, ce qui facilite l’accessibilité et l’évacuation des produits agricoles. Presque toutes les familles ont l’électricité. De même, les producteurs sont rassurés dans leurs fermes car le problème foncier est réglé. Cette réussite est tributaire au gouvernement tunisien. Il faut que le développement soit mesuré désormais par le développement du milieu rural et non pas par la beauté des villes. Prenant l’exemple de la Tunisie, nos gouvernements doivent donc investir dans le milieu rural et faciliter également la capacité des privées à collaborer avec les agriculteurs. Nous avons vu que l’arrivée du téléphone portable en Afrique a été un salut. Mais pour cela, il a fallu le privé. Certaines entreprises téléphoniques étatiques ont failli même être en retard.
C’est l’occasion pour moi de remercier la coopération allemande GIZ, tous ses partenaires, nos hôtes tunisiens  et tous ceux qui ont aidé à l’organisation et à la réussite de ce forum.

                                                   Ouagadougou, le 27 novembre 2012
                                                   TRAORE B. François,
                                                  www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa.
           (+226) 70 95 34 45
                                                   (+226) 78 50 16 25

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