Le changement climatique, la faim et la pauvreté nous obligent à revoir notre façon de faire l’agriculture. Au niveau des agriculteurs que nous sommes, traditionnellement, nous avons tous hérité d’une forme d’agriculture où l’agriculteur ne cherchait qu’à manger ; les terres étaient fertiles, il pleuvait assez bien. De nos jours, l’agriculteur a exactement les mêmes besoins que tout le monde. Ses besoins ne se limitent plus à la quête de la nourriture ; toute autre chose que l’Homme a besoin pour s’épanouir, l’agriculteur en a besoin aujourd’hui. Il faut donc commencer par corriger notre temps de travail.
Pendant qu’il arrive qu’un chinois travail 18h /jour, l’agriculteur africain travail souvent moins de 10h/jour et cela à des périodes ne dépassant pas souvent 3 mois. Au cours du reste du temps de l’année, un grand nombre d’agriculteurs africains s’asseyent sous l’ombre et bougent en suivant l’ombre de l’arbre qui bouge selon la position du soleil. Pendant ce temps ils sont obligés de consommer.
Moi François TRAORE, quand j’étais jeune, ma mère me disait : « si tu passes une journée sans travailler et que tu manges, tu as volé ». Alors il faut que nous utilisions au maximum le temps à tout moment ; il nous faut non seulement multiplier les activités agricoles mais aussi les activités connexes qui peuvent augmenter les revenus du producteur et cela dans les 12 mois. Ces activités existent belle et bien. Le mot d’ordre d’une famille doit donc être ceci: tout le monde en activité à tout moment. Les revenus d’une famille doivent servir à la satisfaction de tous les membres de la famille. Pour parfaire la suite de ce travail dans la famille, il faut assurer l’approvisionnement des intrants nécessaires à l’exploitation, faciliter le crédit, l’écoulement des produits et avoir le matériel agricole. Dans ce sens la coopérative est une nécessité.
En Afrique des organisations et des associations existent partout mais celles qui contribuent réellement à ces besoins ci-dessus cités sont rares alors que dans la coopérative ces besoins peuvent être résolus. Le partage d’expériences et la discipline dans la coopérative aident également la famille. Chaque agriculteur africain doit pouvoir se poser les questions suivantes : Est ce que je suis dans une structure ? Si je suis dans une structure, est ce qu’elle répond à mes besoins d’exploitation ? En retour il doit aussi se poser la question à savoir quel est son devoir vis-à-vis de cette structure?, Est ce qu’il l’assume bien ?
Les membres d’une coopérative sont constitués de plusieurs familles. Pour qu’une coopérative soit crédible vis-à-vis des membres et des partenaires, il faut qu’elle ait de bonnes règles pour une discipline interne. C’est la bonne application de ces règles de discipline interne qui peut donner la confiance à un partenaire, un banquier et même à l’Etat.
Dans mon expérience, les structures dans lesquelles je suis passé, ce sont les besoins de mon exploitation, de ma famille qui m’ont toujours poussé à être dans une coopérative pour rassurer et augmenter les revenus de mon exploitation. La structuration des coopératives au niveau du village et du village aux structures intermédiaires jusqu’au niveau national est également une nécessité avec un esprit de subsidiarité, de complémentarité mais dans l’autonomie de décision à chaque niveau. Chaque fois qu’un de ces maillons n’a pas bien fonctionné, cela se répercute sur l’exploitation.
La réussite de l’agriculture dans certaines zones du monde comme l’Europe et l’Amérique est liée au faite que les gouvernements aussi, ont décidé d’impulser économiquement, scientifiquement et techniquement ce domaine. Ce développement de l’agriculture dans ces zones n’est pas sur du simple papier ; il est perceptible. Même quand je voyage dans ces zones, à partir de l’avion j’arrive à constater ces réalisations en regardant à terre. Alors que, quand je survole l’Afrique et que je regarde la terre, on sent les arbres qui disparaissent mais aussi des grandes forêts qui existent; on ne sent pas beaucoup les plans d’action dont on parle souvent dans les medias.
Au village, nous constatons qu’il y a des paysans qui se contentent du minimum. En Afrique, pendant ces dernières années, nous avons senti une volonté de certains gouvernements à faire évoluer l’agriculture. Cette volonté doit être continue afin de favoriser un réel investissement dans l’agriculture. Mais je ne suis pas sûr si le quotidien de tous les acteurs techniques a changé positivement. Un chercheur brésilien m’a dit que la valeur d’un diplôme, c’est le service et le changement qu’on arrive à faire avec. Il m’arrive souvent d’entendre la jeunesse dire « je voudrais m’investir dans l’agriculture » surtout ceux qui ont été à l’école pendant que les jeunes dans les milieux ruraux viennent vers les villes pour fuir l’agriculture. Je pense que cette volonté de nos Etats d’accompagner l’agriculture avec une implication effective du corps technique, le financement de la recherche, tout cela en commun accord avec les agriculteurs bien organisés dans leurs coopératives, constitue la porte d’entrée pour faire de l’agriculture un outil de développement.
L’énergie, le désenclavement, les aménagements hydro-agricoles sont des axes sur lesquels l’Afrique n’a pas avancé. La bonne transformation et la commercialisation des produits agricoles passent par ces infrastructures. C’est pour cela que j’interpelle les partenaires financiers et les partenaires au développement pour appuyer nos gouvernements dans ce secteur. Je crois beaucoup à l’avenir de l’agriculture en Afrique car il y a les Hommes et la terre. Mais il faut aussi prendre conscience que le changement climatique nous oblige à aller plus vite.
Ouagadougou, le15 janvier 2012
TRAORE B. François,
http://www.francoistraore.blogspot.com/
Président d’honneur de l’AProCA,
Docteur honoris causa
de l’université de Gembloux
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