dimanche 14 octobre 2018

CE QUE JE PENSE DE LA SOCIETE SEMAFORT


La société SEMAFORT est une structure crée il y a environ un an à Bobo Dioulasso dont le projet est de faire produire des semences hybrides à haut rendement qu’elle va mettre à la disposition des agriculteurs burkinabés. Dans ce sens, elle collabore avec l’Université, toute la recherche et les paysans burkinabés pour avoir de la semence adaptée aux besoins de consommation divers pour les humains et l’élevage. Le 10 octobre 2018, j’ai participé dans ce sens à une journée de démonstration et d’information au profit des acteurs du monde paysan et de leurs accompagnateurs. Comme céréales, ils ont plusieurs variétés de maïs et de sorgho. Selon les variétés de maïs en expérimentation, le rendement peut aller de 5 à 13 tonnes par hectare en appliquant la fumure organique et l’engrais aux doses recommandées. Le suivi du parasitisme est aussi recommandé avec les produits adaptés. Le rendement du sorgho peut atteindre 6 tonnes à l’hectare dans les mêmes conditions. Les expérimentations sont faites par des agriculteurs. Nous avons été impressionnés par la satisfaction des producteurs qui avec eux ont fait le travail. C’était l’occasion pour nous de comprendre pourquoi nous continuons à importer des céréales pendant que 87% de la population sont des ruraux. Nos rendements ne sont toujours pas suffisants comparés à ceux des autres. Nous savons que la science dans l’histoire, a guidé nos parents dans l’agriculture et aujourd’hui la science moderne venant de l’instruction offre d’autres opportunités dont il faut profiter. Sinon nous n’aurons pas de raison d’avoir des chercheurs qui peuvent comprendre les sciences pointues et les mettre à notre disposition. Depuis le début des années 2000, j’ai effectué une mission au Canada et les agriculteurs étaient déjà à 14 tonnes à l’hectare pour le maïs. Un brésilien présent à la démonstration de SEMAFORT disait que chez eux, ils ont ce haut rendement avec une pluviométrie qui ne dépasse pas 300,0 mm par an dans certaines zones.
Un autre aspect à prendre en compte est qu’on peut avoir des céréales de haute qualité homogène qui facilitent la transformation. Si jusqu’à présent des céréales sont importés pour la bière au Burkina, cela est dû à la recherche de qualité qui n’est pas souvent présente dans notre système de production. Je soutien donc fortement cette société et ses collaborateurs pour une perfection et un rendement qui permet de bien valoriser ce métier rural.
En tant que vétéran agricole
Ouagadougou, le 14 Octobre 2018
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur Honoris Causa de l’Université de Gembloux


CE QUE JE PENSE DE LA PREMIERE SESSION STATUTAIRE DE L’ASSEMBLEE CONCILAIRE DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE NATIONALE



J’ai été invité par le Président de la Chambre Nationale d’Agriculture  (CNA) en tant qu’ancien président de la Confédération Paysanne du Faso (CPF) qui a contribué à la mise en place de la chambre d’agriculture et qui a collaboré avec l’initiateur qui était à l’époque le Ministre Salifou DIALLO, pour prendre part à la première session statutaire de l’Assemblée conciliaire de la CNA tenue à Ouahigouya du 10 au 12 Octobre 2018. Salifou DIALLO à l’époque ministre en charge de l’agriculture, avait une vision de développement rural qui selon lui ne passait que par l’organisation de tous les ruraux en n’occultant personne et ce n’est que par la chambre d’agriculture qu’on pouvait arriver à cela. Quelques structures professionnelles existaient autour de certaines filières qui ne prenaient pas en compte les agriculteurs dans la généralité. La chambre d’agriculture dans sa mission doit aider à la structuration professionnelle en étant l’interlocuteur du ministère de l’agriculture car elle est la seule structure qui est représentée dans tous les villages. C’est l’occasion pour moi de saluer la mémoire de ce grand homme Salifou DIALLO que le monde paysan n’oubliera jamais et souhaiter que son âme repose en paix. Pendant les deux jours que j’ai passés avec eu, j’ai été impressionné par la volonté de la chambre nationale d’agriculture de rendre le service qu’il faut à l’ensemble des acteurs du monde rural. Le Ministre de l’agriculture actuel, monsieur Jacob OUEDRAOGO a salué la collaboration qui existe entre son ministère et ce bureau. Pour cette session de l’assemblée conciliaire de la CNA,  le parrain choisi était le Président de l’Assemblée Nationale du Burkina Faso qui s’est fait représenter par le 4ème vice-président de l’Assemblée nationale, monsieur Salif KIEMTORE. Lui, dans son intervention, s’est appesanti sur la volonté de l’Assemblée nationale à rester à l’écoute de ces acteurs ruraux sans l’épanouissement desquels il n’y a pas de développement. Pour lui, l’Assemblée Nationale sera toujours réceptive aux préoccupations des ruraux et s’engage à éclairer et proposer des voies et moyens pour leur satisfaction. Sur le bilan de leur collaboration avec les différents ministères œuvrant avec le monde rural, les différentes interventions de l’Etat comme l’approvisionnement en intrants et en matériel agricole ont été appréciées à leur juste valeur par la chambre d’agriculture. Ils ont aussi souhaité l’augmentation de ces différents soutiens selon le besoin existant des agriculteurs. Ils ont également souligné le fait que certains intrants et matériaux n’étaient pas adaptés aux besoins. Quelques difficultés pratiques sont parues sur le terrain dans ces distributions. Ces difficultés, selon la chambre d’agriculture, sont dues à la mauvaise façon de faire de certains préfets et de certains agents de l’agriculture. Ils souhaitent que cela s’améliore. A cette rencontre les mémoires de Salifou DIALLO et de Bernard Lédia OUEDRAOGO, grands développeurs du milieu rural, reconnus au niveau national ont été salués. Le bureau actuel de la CNA s’est engagé à perpétuer la vision de ces grands hommes de Ouahigouya pour rendre effectif la vision de développement qu’ils avaient de ce monde rural. Ils ont également souhaité mon accompagnement avec l’expérience qu’ils ont connue de moi à la tête du mouvement paysan.
En tant que vétéran agricole
Ouagadougou, le 14 Octobre 2018
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur Honoris Causa de l’Université de Gembloux

mercredi 3 octobre 2018

CE QUE JE PENSE DU SALON INTERNATIONAL DU COTON ET DU TEXTILE (SICOT)


Invité par le comité d’organisation, j’ai participé en tant que vieux producteur de coton et ancien président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB), à la première édition du Salon International du Coton et du Textile (SICOT) qui s’est déroulée à Koudougou du 27 au 29 septembre 2018 au Burkina Faso. Ce grand événement est dédié à la production et à la transformation du coton. En Afrique, le Burkina Faso occupe une place très importante dans la culture du coton. Historiquement, toute la population du Burkina Faso, toutes ethnies confondues, s’habillait en cotonnade. Cela veut dire que nos devanciers avaient tous repéré cette plante dans la nature et ingénieusement, ils l’ont cultivé, entretenu, filé et tissé pour s’habiller. La graine était également utilisée pour faire de la sauce. Cela veut dire également que nos ancêtres ont donné l’importance à cette plante bien avant la colonisation. Mon père m’a même dit qu’il y avait une variété de cotonnier qui ne produisait bien, qu’à partir de la deuxième année. Elle était donc pluriannuelle. Cette variété, on l’appelait dans notre dialecte bobo « oumafonou » qui veut dire « coton blanc ». C’est vrai que tous les cotons sont blanchâtres mais sûrement que celui-ci était plus blanc. Après la colonisation, comme travail forcé, ils ont aussi cultivé le coton pour payer l’impôt et ce coton était transporté sur la tête sur plusieurs kilomètres ou à dos d’âne pour ceux qui en avaient, jusqu’au gouvernorat. Le Gouvernement du Président Roch Marc Christian KABORE a décidé de relancer la transformation du coton. Ceux qui me connaissent savent que j’ai chanté cette nécessité il y’a longtemps pour que la transformation des produits que nous cultivons crée de l’emploi pour nos enfants qui sont allés à l’école. De 1998 à 2010, période où j’étais président de l’UNPCB, j’ai toujours préféré porter à toutes mes rencontres nationales et internationales sur le coton, le coton tissé au Burkina Faso. C’est l’occasion pour moi de féliciter ce Gouvernement, de l’encourager et demander aux partenaires du Burkina Faso de l’accompagner dans cette vision. On voit bien que cette transformation est historique et quelqu’un a dit au Burkina ici : « malheur à celui qui fait moins que son père ».
 



J’ai participé à un panel lors de cette rencontre où nous avons parlé des innovations dans les techniques de production face aux séries de coton cultivées au Burkina Faso. En rappel, au Burkina, on cultive le coton conventionnel, le coton équitable, le coton biologique et à un moment le coton OGM. Dans ces différentes productions, les intrants diffèrent. Mais c’est le coton conventionnel qui est actuellement cultivé par la majorité des producteurs. Le coton équitable et celui biologique sont produits par quelques petits producteurs et des femmes, cette production s’est toujours limitée autour de 2000 tonnes sinon moins. Dans le coton conventionnel et OGM, les différents matériaux utilisés sont la culture attelée animale, les tracteurs, la fumure organique, les engrais, les pesticides et la biotechnologie. L’élément nouveau qui a attiré mon attention à cette rencontre, c’est l’irrigation complémentaire présentée par la société cotonnière. C’est vrai que nous avons des difficultés de pluviométrie au début et à la fin des campagnes agricoles humides, mais la solution proposée par la société cotonnière me laisse sur ma faim. En effet, elle propose des trous qu’on creuse dans les champs qui doivent retenir les eaux de pluies avec lesquelles on peut arroser les parcelles confrontées au stress hydrique au cours de la campagne humide. Pour moi, au début de la campagne, il n’y aura jamais assez d’eau dans les trous pour arroser parce qu’à ce moment, il ne pleut pas suffisamment. Peut-être vers la fin de la campagne, il peut y avoir de l’eau dans ces trous. Il y aura forcément un ruissellement d’eau vers ces trous dans le champ. Même si c’est dans un seul (01) hectare, tu n’as qu’à beau entourer cet hectare par des cordons pierreux, il y aura toujours des ruissèlements d’eau vers ces trous creusés dans cet hectare qui vont dégrader le sol. Le Directeur Général des productions végétales du ministère de l’agriculture et des aménagements hydrauliques du Burkina Faso dans sa réaction, a dit qu’il préfère dans ce projet d’irrigation, qu’on aille vers la nappe phréatique par des forages ou des puits à grand diamètre ou à défaut dans les barrages. Moi, je suis d’accord avec option car elle est adaptée aux besoins et beaucoup plus utile aux producteurs et à la nation entière. Avec ce projet, c’est près de six (6) milliards de francs CFA que le Burkina Faso va payer et on ne doit pas s’endetter pour venir dégrader nos sols, surtout que le paysan a une contribution à faire dans laquelle il ne doit pas perdre. Je souhaite donc qu’on revoit la conception de ce projet pour ne pas engager de l’argent que des gens vont dealer sans résultat. Ma mère avait l’habitude de me dire que le menteur est celui qui est bien placé pour savoir qu’il a menti et que les conséquences ne doivent pas le surprendre. Sauf qu’ici les conséquences sont subites par plusieurs acteurs de la vie socio-économique du pays. C’est pour cela que je dis que ce projet d’irrigation de complément doit être revu.
Je terminerai sur le bilan de la campagne cotonnière en cours qui a démarré difficilement par la rareté des pluies. Il y a aussi le mécontentement dû aux endettements des paysans sur la campagne agricole 2017/2018. À cause de ces endettements, les paysans du Kénédougou où il y a trois (03) usines d’égrainage du coton ont refusé de produire le coton cette campagne agricole 2018/2019. Sur toute l’étendue du territoire, rares sont les cotonculteurs qui n’ont pas diminué leurs surfaces cette année 2018 par rapport à l’année passée. Et le parasitisme qui a été une des causes majeures des difficultés de la campagne passée est encore là parce que les mêmes produits ont été reconduits dans plusieurs localités. Le surendettement va donc s’accroitre dans le milieu rural chez ces différents producteurs de coton à la fin de la présente campagne. J’ai entendu parler d’une réunion qui serait faite par les producteurs de coton du Kénédougou. Dans cette réunion, ils auraient cité les conditions qui peuvent les ramener à produire du coton et parmi ces conditions, il y a le retour au coton génétiquement modifié (OGM). Je conclus en disant que dans les années 90, parmi les conditions qui ont permis la relance du secteur coton, il faut citer le vrai partenariat avec un débat franc qui a été entre les deux entités producteurs (UNPCB) et sociétés cotonnières. Cette franchise devait prendre en compte les intérêts des producteurs et de la filière. Cette volonté politique dans le bon sens que j’ai vue à cette première édition du SICOT nous oblige à revenir aux bons sentiments car nous ne pouvons pas transformer du coton si la production va en baissant.

En tant que vétéran de la filière cotonnière au Burkina Faso
Ouagadougou, le 03 Septembre 2018
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur Honoris Causa de l’Université de Gembloux