vendredi 25 mai 2018

CE QUE JE PENSE DE LA SESSION D’INFORMATION AUX PARLEMENTAIRES BURKINABE SUR LA BIOTECHNOLOGIE ET LA BIOSECURITE


       Ce mercredi 23 mai 2018, j’ai été invité en tant qu’agriculteur à une session d’information et de sensibilisation d’un groupe de parlementaires sur la biotechnologie et la biosécurité. C’est l’occasion pour moi de féliciter et d’encourager notre recherche qui a été pionnière à s’investir pour que cette technologie soit mieux comprise pour être utilisée par les agriculteurs dont je fais partie et ce travail a commencé depuis les années 2003. Face à des problèmes de résistance du parasitisme dans la culture du coton, le Burkina, à l’époque a pris sa responsabilité en utilisant la biotechnologie dans le coton. La filière coton (sociétés cotonnières et producteurs) s’est sérieusement engagée et a effectivement prouvé que cela résolvait le problème. Quelques années après, les sociétés cotonnières ont trouvé que la fibre du coton génétiquement modifié était courte et c’est la raison qui a mis fin à la culture du coton génétiquement modifié. Je trouve qu’on aurait pu laisser les chercheurs continuer à travailler pour résoudre ce problème, car même les inventeurs de cette technologie sont passés par des étapes, c’est dommage que tous les travaux soient arrêtés au niveau de la recherche sur le coton génétiquement modifié. Pendant cette session, les chercheurs tour à tour, se sont investis à développer l’historique de la biotechnologie agricole, celle sur les moustiques génétiquement modifiés et les précautions prises en matière de sécurisation de la population et l’environnement.
Mon souvenir dans mon champ de coton génétiquement modifié que je regrette beaucoup

Pour ce qui est de la biotechnologie agricole, j’ai retenu à titre d’exemple que le maïs était à l’état sauvage dans la nature et n’avait même pas une forme d’épi comme c’est le cas aujourd’hui. Nos ancêtres dans la quête de nourriture l’ont prélevé et entretenu et cela a fini par donner un épi. Et c’est de l’épi de nos ancêtres que le maïs a été transformé en semence améliorée par les chercheurs. A partir de cette semence améliorée, il a été transformé en maïs génétiquement modifié et cela dans plusieurs pays développés ou en voie de développement parmi lesquels on peut citer les États-Unis d’Amérique, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Chine et l’Allemagne.Dans certains de ces pays, les agriculteurs ne représentent pas plus de 5% de la population. Mais en faisant confiance à leur recherche, ils ont nourri correctement les hommes, et nourrissent même les animaux avec des grains.Et comme en Afrique nous sommes souvent affamés, ils nous envoient leurs restants et nous mangeons sans poser de questions.

Nous avons aussi des enfants instruits parmi lesquels il y’ a des chercheurs. Quelqu’un a dit « Mamadou et Binéta sont devenus grands ». Certains de nos chercheurs auraient se monnayer dans les grands pays mais ils ont préféré travailler pour la patrie. En tant qu’agriculteur, je souhaite qu’on leur fasse confiance et qu’on les laisse travailler. Des pays qui étaient en voie de développement comme la Chine et l’Inde sont passés par là. Ils ont réussi à enrayer leur famine et être cités parmi les puissances du monde.
            Concernant l’expérimentation de la moustique génétiquement modifié, j’ai été édifié par ce que j’ai appris car ce sont des chercheurs conscients qui ont bien estimé les dégâts causés par les moustiques. Plusieurs sont moyens utilisés de nos jours pour les combattre. Parmi ces moyens, on peut citer les moustiquaires imprégnées dont on a vu la limite et le taux de mortalité de la population lié au paludisme qui est toujours assez élevé. La méthode en développement est de travailler à arrêter la multiplication des moustiques femelles qui non seulement pondent les œufs mais qui sont également les transmetteurs du paludisme aux humains. Je fais partie des 86% de la population du Burkina qui vivent dans le milieu rural et dans ce milieu, le taux de mortalité est extrêmement élevé. Si on veut doter toute cette population de moustiquaires imprégnées, non seulement ce n’est pas garanti mais en plus cela coûte très cher. Je souhaite donc que nous encouragions ces chercheurs à continuer leur travail en finançant conséquemment la recherche. Si nous ne le faisons pas, nous serons obligés de dépenser pour les moustiquaires et pour les soins aux malades, ce qui n’empêchera pas la mort.
            En matière de biosécurité, j’ai écouté toutes les méthodes mises en place pour sécuriser l’homme et la nature dans l’utilisation de la biotechnologie et je me suis rendu compte que la méthode utilisée pour élaborer cela a été participative. Ceux qui veulent la biotechnologie, ceux qui s’inquiètent et ceux qui ne la veulent pas du tout, y ont participé. Pour moi, cela constitue un outil solide. Ma préoccupation à ce niveau est qu’il ne faut pas instaurer des règles de sécurité qui empêchent les chercheurs de travailler car s’ils ne peuvent pas travailler nos problèmes resteront tels et quand nous aurons faim ou serons malades, nous fermerons les yeux sur l’importation.
Après les différentes présentations, les préoccupations des parlementaires ont été entendues et des explications leurs ont été fournies par les chercheurs. J’ai constaté que ce sont des parlementaires suffisamment responsables qui étaient à l’écoute. Ils ont même souhaité qu’il y ait une session d’information par les mêmes chercheurs avec tous les parlementaires. Ils ont également regretté que dans plusieurs domaines le Burkina soit souvent le premier à prendre des initiatives mais rarement nous persévérons. Je pense que ce pays qu’on appelle le pays des hommes intègres doit s’assumer pour sauver son peuple et cela en commençant par les décideurs parlementaires qui à l’assemblée doivent arrêter leurs guéguerres, contribuer à conscientiser la population pour une meilleure compréhension et prendre des décisions qui permettent l’épanouissement de la population car ce peuple burkinabé est un peuple laborieux. 
En tant que vétéran agricole
Ouagadougou, le 25 Mai 2018

TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com

mercredi 16 mai 2018

CE QUE JE PENSE DE LA FORMATION EN VIE COOPERATIVE ET DE LA GOUVERNANCE A L’USCCPA


            Dans le cadre du partenariat entre l’UPA-DI et l’USCCPA, il y a eu une formation sur la vie coopérative et la gouvernance du 14 au 15 mai 2018 à Dédougou. En rappel, l’UPA est une structure paysanne canadienne qui dans le cadre du partenariat paysan à paysan, accompagne depuis plusieurs années les agriculteurs et agricultrices de la boucle du Mouhoun dans la commercialisation des produits agricoles et dans l’approvisionnement en intrants et en matériel agricole. C’est l’occasion pour moi de dire un grand merci aux formateurs Louis Beauchemin, Daniel Morin et Bienvenu Zonou. La méthode utilisée était celle participative qui nous a permis de faire le diagnostic de notre société en tant qu’agriculteurs.
            Dans l’histoire au Burkina Faso, il y avait le village et la famille. Au sein du village, on travaillait à défendre l’intégrité commune et vivre ensemble était le mot d’ordre pour l’épanouissement de tous. Dans ce sens il y avait des coutumes et des initiations pour que tout le monde tienne le même langage. La famille était l’entité qui regroupait plusieurs progénitures de plusieurs frères travaillant tous dans les mêmes champs. La récolte servait à nourrir toute la famille et s’il y avait un surplus, une réserve était faite pour prévenir les mauvaises campagnes. La gouvernance était hiérarchisée. Les anciens constituaient un groupe à la tête duquel il y avait le patriarche. Les bras valides constitués par la jeunesse étaient le groupe d’action des travaux les plus dures. Les femmes jouaient des rôles très importants dans ces familles, malgré qu’elles venaient de familles différentes elles étaient vite intégrées. Le mariage constituait un lien social entre différentes familles et villages.
            Après les indépendances, il y a eu plusieurs formes d’organisations, groupements et associations. Mais depuis 2017, l’USCCPA a travaillé à transformer toutes ses structures en coopératives d’où l’intérêt de cette formation qui s’est d’abord déroulée dans les coopératives de base et le 14 et 15 mai étaient pour la formation des représentants des différentes structures de l’union des coopératives. Lors de cette formation, il fallait aussi faire la différence entre une coopérative et une société privée. J’ai compris que la différence se trouve essentiellement dans la forme de gouvernance, comment les décisions sont prises et comment le bénéfice est reparti. Selon les formateurs, dans une coopérative où les règles de gouvernance sont bien déterminées et pratiquées, le bénéfice se fera forcément sentir sur tous les membres de la coopérative et leur environnement et c’est ce qui fait que la vie de la coopérative est plus longue que celle d’une structure privée car le partage d’expérience facilite la relève. A la fin de la formation tous les participants ont exprimé leur satisfaction et se sont engagés à faire de cette formation une lumière pour l’USCCPA et ses coopératives.

jeudi 10 mai 2018

CE QUE JE PENSE DE L’INSECURITE ALIMENTAIRE AU BURKINA FASO

En septembre j’avais fait le bilan de la campagne et ce bilan faisait ressortir un certain nombre de difficultés. Pour ce qui est des céréales, les difficultés étaient l’irrégularité des pluies et l’apparition des chenilles légionnaires. Les conséquences sont que le maïs a pris un grand coup, ainsi que les autres céréales. Ce sont ces conséquences qui aujourd’hui amènent l’insécurité alimentaire dans plusieurs familles burkinabè. J’encourage donc le gouvernement burkinabé pour ses initiatives en faveur de ces familles. En tant qu’agriculteur, cette situation m’amène à une réflexion professionnelle pour qu’un pays à plus de 80% agriculteur en finisse définitivement avec ce problème d’insécurité alimentaire. Dans les normes pour nourrir un homme pendant 365 jours il faut moins de 300 kg de céréales mais je ferai le calcul avec 300 kg. Au Burkina Faso, on dit qu’il y a 16 millions d’habitants, il faut donc environ 4 800 000 tonnes pour nourrir les 16 millions. Au Burkina, hors mis le coton, les autres cultures sont à plus de 4 000 000 d’hectares. Si nous prenons le maïs et que nous le produisons sur 1 million d’hectares, avec un rendement de 4 tonnes à l’hectare (à titre d’information, au Canada, ils ont plus de 10 tonnes par hectares et souvent ils vont à 14) nous serons à 4 millions de tonnes de maïs. Il reste toujours 3 millions d’hectares sur lesquels il y aura du riz, mil, du sorgho, des légumineuses etc. Nous savons aussi que rendement du riz est élevé. En améliorant les rendements de ceux-ci tout le monde sait qu’on peut y produire plus de 800 000 tonnes. Le Burkina peut donc être en excédent à chaque année et arrêter définitivement l’importation du riz, du maïs et autres produits alimentaires. Au Canada le maïs est produit pour l’élevage, ils ne peuvent pas comprendre qu’on puisse manquer de céréales pour nourrir les hommes. La différence entre eux et nous c’est l’utilisation de la technologie qui est aujourd’hui à la portée de tout le monde car nous avons aussi des chercheurs. Je me contente de citer quelques technologies qui peuvent faire changer l’agriculture au Burkina. Je commence par la vraie semence améliorée pour tout le monde et je sais de quoi je parle, des vrais fertilisants de qualité (engrais), des pesticides adaptés, de la fumure organique, continuer l’amélioration du matériel agricole. Il faut aussi mettre en place des coopératives crédibles. Tout cela bien respecté, le Burkina ne peut être qu’excédentaire. J’ai toujours été pour l’importation de la technologie et son adaptation et je serai toujours contre l’importation des excédents des autres qui nous envoient souvent ce qu’ils ne veulent pas. Je conclus en disant que nous devons tirer la leçon de cette année pour dire plus jamais l’insécurité alimentaire au Burkina. Les aléas ont toujours existé et continuent à exister mais l’humain est assez intelligent pour réagir, s’adapter et même prévo