dimanche 15 janvier 2012

Ce que je pense pour que l’agriculture prenne son envol en Afrique

Le changement climatique, la faim et la pauvreté nous obligent à revoir notre façon de faire l’agriculture. Au niveau des agriculteurs que nous sommes, traditionnellement, nous avons tous hérité d’une forme d’agriculture où l’agriculteur ne cherchait qu’à manger ; les terres étaient fertiles, il pleuvait assez bien. De nos jours, l’agriculteur a exactement les mêmes besoins que tout le monde. Ses besoins ne se limitent plus à la quête de la nourriture ; toute autre chose que l’Homme a besoin pour s’épanouir, l’agriculteur en a besoin aujourd’hui. Il faut donc commencer par corriger notre temps de travail.

Pendant qu’il arrive qu’un chinois travail 18h /jour, l’agriculteur africain travail souvent moins de 10h/jour et cela à des périodes ne dépassant pas souvent 3 mois. Au cours du reste du temps de l’année, un grand nombre d’agriculteurs africains s’asseyent sous l’ombre et bougent en suivant l’ombre de l’arbre qui bouge selon la position du soleil. Pendant ce temps ils sont obligés de consommer.

Moi François TRAORE, quand j’étais jeune, ma mère me disait : « si tu passes une journée sans travailler et que tu manges, tu as volé ». Alors il faut que nous utilisions au maximum le temps à tout moment ; il nous faut non seulement multiplier les activités agricoles mais aussi les activités connexes qui peuvent augmenter les revenus du producteur et cela dans les 12 mois. Ces activités existent belle et bien. Le mot d’ordre d’une famille doit donc être ceci: tout le monde en activité à tout moment. Les revenus d’une famille doivent servir à la satisfaction de tous les membres de la famille. Pour parfaire la suite de ce travail dans la famille, il faut assurer l’approvisionnement des intrants nécessaires à l’exploitation, faciliter le crédit, l’écoulement des produits et avoir le matériel agricole. Dans ce sens la coopérative est une nécessité.

En Afrique des organisations et des associations existent partout mais celles qui contribuent réellement à ces besoins ci-dessus cités sont rares alors que dans la coopérative ces besoins peuvent être résolus. Le partage d’expériences et la discipline dans la coopérative aident également la famille. Chaque agriculteur africain doit pouvoir se poser les questions suivantes : Est ce que je suis dans une structure ? Si je suis dans une structure, est ce qu’elle répond à mes besoins d’exploitation ? En retour il doit aussi se poser la question à savoir quel est son devoir vis-à-vis de cette structure?, Est ce qu’il l’assume bien ?

Les membres d’une coopérative sont constitués de plusieurs familles. Pour qu’une coopérative soit crédible vis-à-vis des membres et des partenaires, il faut qu’elle ait de bonnes règles pour une discipline interne. C’est la bonne application de ces règles de discipline interne qui peut donner la confiance à un partenaire, un banquier et même à l’Etat.

Dans mon expérience, les structures dans lesquelles je suis passé, ce sont les besoins de mon exploitation, de ma famille qui m’ont toujours poussé à être dans une coopérative pour rassurer et augmenter les revenus de mon exploitation. La structuration des coopératives au niveau du village et du village aux structures intermédiaires jusqu’au niveau national est également une nécessité avec un esprit de subsidiarité, de complémentarité mais dans l’autonomie de décision à chaque niveau. Chaque fois qu’un de ces maillons n’a pas bien fonctionné, cela se répercute sur l’exploitation.

La réussite de l’agriculture dans certaines zones du monde comme l’Europe et l’Amérique est liée au faite que les gouvernements aussi, ont décidé d’impulser économiquement, scientifiquement et techniquement ce domaine. Ce développement de l’agriculture dans ces zones n’est pas sur du simple papier ; il est perceptible. Même quand je voyage dans ces zones, à partir de l’avion j’arrive à constater ces réalisations en regardant à terre. Alors que, quand je survole l’Afrique et que je regarde la terre, on sent les arbres qui disparaissent mais aussi des grandes forêts qui existent; on ne sent pas beaucoup les plans d’action dont on parle souvent dans les medias.

Au village, nous constatons qu’il y a des paysans qui se contentent du minimum. En Afrique, pendant ces dernières années, nous avons senti une volonté de certains gouvernements à faire évoluer l’agriculture. Cette volonté doit être continue afin de favoriser un réel investissement dans l’agriculture. Mais je ne suis pas sûr si le quotidien de tous les acteurs techniques a changé positivement. Un chercheur brésilien m’a dit que la valeur d’un diplôme, c’est le service et le changement qu’on arrive à faire avec. Il m’arrive souvent d’entendre la jeunesse dire « je voudrais m’investir dans l’agriculture » surtout ceux qui ont été à l’école pendant que les jeunes dans les milieux ruraux viennent vers les villes pour fuir l’agriculture. Je pense que cette volonté de nos Etats d’accompagner l’agriculture avec une implication effective du corps technique, le financement de la recherche, tout cela en commun accord avec les agriculteurs bien organisés dans leurs coopératives, constitue la porte d’entrée pour faire de l’agriculture un outil de développement.

L’énergie, le désenclavement, les aménagements hydro-agricoles sont des axes sur lesquels l’Afrique n’a pas avancé. La bonne transformation et la commercialisation des produits agricoles passent par ces infrastructures. C’est pour cela que j’interpelle les partenaires financiers et les partenaires au développement pour appuyer nos gouvernements dans ce secteur. Je crois beaucoup à l’avenir de l’agriculture en Afrique car il y a les Hommes et la terre. Mais il faut aussi prendre conscience que le changement climatique nous oblige à aller plus vite.




                                                   Ouagadougou, le15 janvier 2012

                                                   TRAORE B. François,

                                                  http://www.francoistraore.blogspot.com/

                                                 Président d’honneur de l’AProCA,
                                               
                                                 Docteur honoris causa
                                                 de l’université de Gembloux

jeudi 5 janvier 2012

Ce que je pense de la formation de l’Université du Coton de l’AProCA

Sur financement UEMOA accompagnée de l’Union Européenne, du 26 au 31 décembre 2011, des producteurs de coton membres de l’AProCA et leurs techniciens, se sont rendus à Kolda au Sénégal sur invitation de l’AProCA pour une formation université du coton (UdC). L’Université du coton est un outil de l’AProCA. Elle est crée pour assurer la formation continue (des producteurs de coton, des leaders, de leurs dirigeants, leurs techniciens, des cadres dirigeants et techniciens des sociétés cotonnières), la formation initiale, la communication, l’information et la capitalisation des expériences. La présente session concernait les leaders, les cadres dirigeants et les techniciens des organisations professionnelles agricoles. Cette idée émane du constat que l’AProCA a fait de l’écart que la filière cotonnière africaine avait pour se mettre au diapason des autres filières cotonnières du monde et pour se créer un professionnalisme propre au style africain. La majorité des producteurs de coton africains sont non seulement des petits producteurs familiaux de 2 à 10 ha mais aussi majoritairement non instruits. Toutes ces raisons ont poussé l’AProCA à choisir comme outil essentiel de développement, la formation pour un professionnalisme. C’est dans cette optique qu’un partenariat a donc été créé depuis 2008 entre l’université polytechnique de Bobo (UPB) et l’AProCA. A travers cette université, l’AProCA souhaite faire participer toutes les universités de ses pays membres. L’AProCA a déjà fait deux sessions de formation continue de l’université du coton à Bobo au Burkina et à Ségou au Mali auxquelles des professeurs d’universités africaines ont pris part. Mais ces deux sessions de formations ont été assurées par HEC, une université française. Cela à donner le ton à cet outil de l’AProCA.

Cette fois ci, l’université polytechnique de Bobo abritant l’UdC a assuré la présente session de formation. Pour cette formation, l’UPB s’est d’abord rendue dans des pays membres de l’AProCA pour connaître les vrais besoins actualisés des producteurs de coton et des sociétés cotonnières afin de formaliser des thèmes et élaborer les modules de formation. Dans la série de problèmes citée par les producteurs, le choix des thèmes de cette formation s’est porté sur l’esprit coopératif, le leader, la gestion des conflits, la négociation des prix et la communication.

Pour le premier thème qui est basé sur la coopérative, ma compréhension est que l’université polytechnique de Bobo pense que l’obligation de s’organiser est donnée aux producteurs de coton africains parce qu’ils sont de petits producteurs. Ce qu’ils étaient tous déjà. Mais, la formation devait se focaliser sur la façon de vivre en symbiose avec toutes ces structures. Il faut se dire que dans ces pays, que l’appellation de ces structures diffère d’un pays à un autre. Elles s’appellent groupements ou unions pour certains ou coopératives pour d’autres…Mais ce qui est important, c’est que tout le monde a décidé de travailler ensemble. Or, Travailler ensemble, c’est coopérer puisque dans le mot coopérative, il y a bien coopérer. Selon les professeurs de l’UPB, l’esprit coopératif est incontournable pour ce secteur mais cela ne va pas sans les règles. Les règles d’une coopérative doivent être comprises par les acteurs membres de la coopérative ; le fonctionnement doit être déterminé par eux. Mais on sait qu’il y a des éléments fondamentaux de la coopérative qui constituent la libre adhésion, l’autonomie de la structure, la vision commune pour l’intérêt de tout le monde. La vision d’une coopérative est différente de l’esprit capitaliste pur et dur c'est-à-dire gagner et toujours gagner pour toi seul. Dans la coopérative, il faut se dire que tout le monde n’a pas le même niveau de production mais tout le monde doit bénéficier du même traitement selon son niveau. Par exemple, ce n’est pas parce que quelqu’un est le plus grand producteur qu’il peut avoir deux voies de vote. Mais, l’accent est plutôt mis sur le partage d’expériences ; le savoir faire et le savoir être partager. Ce n’est non plus du social où on peut aller faire de l’aumône avec les revenus. Une coopérative doit être utile dans son terroir à travers son professionnalisme et sa vision de développement pour tout le monde.

Quant au sujet des dirigeants, selon ce que j’ai compris de la formation, une coopérative doit toujours avoir ses dirigeants élus par leurs pères. Le choix de ces dirigeants doit se faire sur la conduite propre à chacun, sur leur capacité de diriger. Les membres doivent chercher à vérifier l’effectivité de ces caractères en eux avant de les élire. Parmi ces élus, il doit y avoir un ou des leaders. Il faut se dire que tout responsable d’organisation n’est pas forcement leader. Parmi les responsables d’organisation, il y a des gens qui peuvent exécuter tout ce que l’assemblée décide, mais ils ne sont pas créateurs ni innovateurs. Lorsque l’assemblée se trompe aussi de choix de responsable, celui-ci peut donner l’apparence d’écouter l’assemblée et de respecter les textes, mais dans la pratique, il fait carrément le contraire en se servant et en se faisant servir.

A cause de l’analphabétisme, il arrive également que certains élus ne soient pas de mauvaise volonté mais seulement limités en connaissance. Tout cela montre que dans une coopérative il faut un leader, un visionnaire, quelqu’un qui a une capacité d’anticipation, qui se soucie de l’intérêt de tout le monde, qui ne dore pas quand un membre de la coopérative n’a pas ce qu’il voulait que la coopérative lui fasse. Une des questions sur le leader posée aux professeurs était, « est-ce qu’on nait leader ou on devient leader »? La réponse des professeurs était que tous ceux qui étaient venus à cette formation étaient des leaders ; il faut tout simplement chaque fois chercher à respecter et à appliquer les qualités d’un leader. Depuis le jeune âge, lorsque les enfants jouent ensemble, on sent chez certains une certaine capacité et un esprit d’éveil par rapport aux autres. Eux en tant que professeurs, ils voient aussi même qu’à l’école l’esprit de leader se fait sentir parmi les élèves et les étudiants. Donc être leader c’est avoir une qualité exceptionnelle apprécié par tout le monde.

Le complément que moi François je donne, en tant que personne âgée à la réponse à cette question, c’est que la base du leader c’est l’intelligence d’abord. Nous savons tous naturellement que tout homme nait avec sa capacité intellectuelle. Mais nous savons que certains hommes ont dix fois plus de capacité intellectuelle que d’autres. C’est comme un homme qui nait court de taille et un autre homme grand. Un homme peut être de teint noir et l’autre de teint clair. L’intelligence est également naturelle par rapport à un homme. Maintenant, selon que l’intelligence est forte ou moyenne, c’est l’éducation que l’homme reçoit dans sa famille, dans son environnement, dans son instruction qui donne l’orientation à cette intelligence. Si un homme intelligent vit dans un milieu où tout le monde est voleur, si l’éducation ne lui permet pas de prendre conscience, de lui montrer que c’est une mauvaise logique, son environnement de voleurs peut le transformer en champions de voleurs parce qu’il est super intelligent. Donc un leader, c’est quelqu’un naturellement doué d’intelligence, qui a vécu dans un environnement qui lui a donné des leçons et que l’éducation lui a permis de faire la part des choses.

L’assemblée d’une structure peut et doit repérer des hommes de cette capacité. Choisir des hommes de cette capacité, ce n’est pas un privilège qu’on leur accorde. On veut plutôt qu’ils réfléchissent pour tout le monde. C’est une charge en plus qu’ils aiment parce que leur intelligence leur permet de comprendre qu’ils ne peuvent pas réussir sans tout le monde avec eux. Ils ne peuvent être à l’aise que dans la satisfaction de tout le monde. On nait avec l’intelligence pour être bon leader mais on devient leader par son éducation de base, son environnement et sa formation.

Après les échanges sur le leader et le leadership, les formateurs m’ont demandé de relater l’historique de la création de l’AProCA et de l’université du coton.

En effet, c’est à travers un outil qu’on appelait « l’observatoire coton » dans les années 1990 que certains représentants de coton parmi lesquels j’étais, se sont découverts à travers les différentes rencontres. Nous avions des partenaires européens qui nous accompagnaient. Un moment, nous avons voulu avec ces partenaires transférer cet outil observatoire coton en Afrique. Le siège était prévu à Boekon au Benin. Cette première initiative n’est pas aller loin mais les producteurs des différents pays s’étaient découverts. Quand l’UNPCB a lancé l’appel contre les subventions sur le site du père Maurice Oudet à Koudougou au Burkina Faso, les producteurs des autres pays l’ont soutenue et cet appel a été relayé par nos gouvernements. Le sujet est allé à l’OMC et a été dans l’ordre du jour à Cancun en 2003. Ce sujet de nos Etats sur lequel l’OMC n’a pas trouvé de consensus a été un échec pour l’OMC. Nous producteurs de coton présents à Cancun, nous avons fait une forte médiatisation qui a permis qu’on sache que les producteurs de coton africain existent. J’ai eu l’occasion d’être filmer par une télévision française qui s’appelle canal+. Elle avait titré ce film « un homme intègre à Cancun » ; c’est par la suite que les producteurs de coton africains ont vu la nécessité de mettre une structure africaine de producteurs de coton. Nous avons donc créé l’AProCA en 2005 à Bamako après une première rencontre à Cotonou pendant laquelle les producteurs ont payé leurs transports pour venir jeter les bases de cette structure en fin 2004. Après Bamako, nous sommes allés pour les négociations de Hong-Kong et depuis lors l’AProCA s’efforce à être dans toutes les grandes instances où l’on parle de coton.

Quant à l’université du coton, l’idée est née à partir du plan d’action de l’AProCA dont l’essentiel était basé sur la formation. En accord avec nos partenaires FARM et HEC avec lesquels nous avons eu les premières formations, l’AProCA a décidé d’appeler cet outil « Université du Coton ». Nous avons décidé cela parce que nous sommes conscients que tous les peuples qui se sont développés ont toujours été accompagné par leurs universités. Une autre raison est qu’à l’université on pense, on forme et on crée pour des acteurs qui vont se mettre à l’action du développement. Nous, nous sommes déjà des acteurs à l’œuvre mais nous avons des insuffisances en savoir, savoir être et savoir faire. C’est dans ce sens que nous avons voulu travailler avec toutes les universités africaines dans tous les pays où nous sommes présents et même là où nous ne sommes pas présents pourvu que cette université accepte le partage entre AProCA et ses partenaires. Nous savons que travailler avec des acteurs de terrain permet à des professeurs d’université de bien tester leurs résultats. En Thailllande, les transformateurs du textile sont en collaboration directe avec les universitaires et c’est eux qui créent la mode pour les entrepreneurs. Nous savons également que c’est la créativité qui entretient une entreprise et qui la fait évoluer. Aux Etats-Unis, l’université de Lobok est située en plein milieu du coton au Texas et en bon terme avec les grands fermiers américains. Quelqu’un m’a même dit qu’il y a des « chasseurs de cerveau » aux Etats-Unis qui suivent les universités pour connaître les meilleurs élèves et les recommander aux grandes entreprises après leur formation universitaire. On me dit qu’à la soutenance de l’actuel président américain Barack Obama, plusieurs entreprises étaient présentes pour le récupérer dans leurs entreprises parce qu’ils avaient découvert qu’il était quelqu’un d’exceptionnel. Cela démontre tout l’intérêt qu’il peut y avoir entre une université et des acteurs. C’est pourquoi nous, nous avons dit : la roue n’existe pas, nous allons la créer. Aujourd’hui les producteurs membres de l’AProCA ont un contact direct avec l’université polytechnique de Bobo et ont également un contact avec toutes les universités de ses pays membres. Nous sommes sûrs que cela va porter fruit. Les professeurs de L’UPB ont appelé l’histoire de l’AProCA et de l’UdC « vision de leader ».

Le sujet de négociation était le troisième sujet que les professeurs ont choisit. Ce que j’ai compris des professeurs est que la négociation se fait entre deux acteurs ou deux structures. Dans le cas des structures de producteurs de coton, ils sont dans des groupements où le début de la production commence par le crédit des intrants souvent fourni par les sociétés cotonnières. Ce crédit est payé à la vente du coton. Le producteur veut qu’à la récolte, il puisse payer ses crédits et avoir de l’argent pour sa famille. Donc, que ce soit dans le prix des intrants ou dans le prix du coton, les deux entités sont amenées à discuter. Et là, il faut souvent que chaque acteur ait son outil et sa capacité de négociation. Pour les intrants, les difficultés se posent plutôt dans la manière, la méthode et la période utilisée pour payer les intrants. C’est à ce niveau qu’il peut y avoir les négociations entre les producteurs et la société cotonnière. Il y a eu un moment dans la filière cotonnière où le prix des intrants montait pendant que celui du coton baissait sur le marché mondial. Cet effet ciseau entre le prix de l’engrais qui monte et le prix du coton qui baisse, a créé de sérieux problèmes entre les producteurs et les sociétés cotonnières. Certains Etats étaient obligés de subventionner les intrants à la faveur des producteurs. Sur ces subventions, la question suivante a été posée : si nos gouvernements subventionnent l’engrais, cela ne contredit-il pas notre combat par rapport aux subventions américaine et européenne ? Nous avons répondu en disant qu’il n’y a pas d’agriculture prospère sans subvention. Mais ce n’est pas les mêmes subventions, parce que celles que nous décrions, sont des subventions à l’exportation du coton car dans ces grands pays, il y a plusieurs niveaux de subventions dont celui des intrants et même le matériel agricole. Si malgré toutes ces subventions les producteurs occidentaux vendent le coton à perte sur le marché mondial, leurs gouvernements leurs payent le manque à gagner alors que ces paysans ont dépassé le seuil de pauvreté.

Par rapport aux intrants, Les professeurs proposent une commande groupée des pays producteurs de coton, chose qui pourrait amoindrir leur coût. La fabrication de certains intrants en Afrique pourrait aussi réduire le coût des intrants car leur transport occupe une partie importante des coûts. L’AProCA devrait travailler à tout cela.

Quant à la négociation sur le prix du coton, chaque pays a créé un système de fixation de prix. Ce prix peut être décomposé en un prix planché au début de la campagne agricole pour permettre aux producteurs de décider et en un prix d’achat complémentaire après la vente du coton. Dans ce système décomposé de fixation de prix, le système burkinabè a été cité comme exemple avec un fond de lissage qu’on peut mettre de côté lors des bonnes années du marché mondial et lui faire appel lors des mauvaises années du marché mondial. Cela peut permettre aux producteurs de ne pas subir en plein fouet une brusque baisse du prix du coton sur le marché mondial. Ce système burkinabè selon les professeurs, peut permettre d’éviter beaucoup de négociations si tout le monde est au même niveau d’information, de compréhension et en appliquant toutes les règles prévues dans un professionnalisme éclairé.

Dans les cas où les systèmes sont négociants, les professeurs recommandent aux agriculteurs au niveau national, qu’il y ait une cohésion, qu’ils sachent à quel niveau il faut durcir sa position et à quel niveau il faut céder. Pour réussir une négociation, il faut maitriser son sujet.

En négociation, si on s’y connaît, on peut gagner mais il n’est pas évident à tout moment de tout gagner et un bon négociateur doit savoir cet équilibre. Et les négociateurs qui ne tiennent pas compte de cet équilibre, peuvent créer des conflits. D’où la nécessité d’apprendre à gérer les conflits. Cela peut être valable non seulement entre les producteurs et leurs sociétés cotonnières mais entre les sociétés cotonnières et les grands négociants du coton dans le monde. La négociation, c’est un art ; c’est pour les hommes éclairés, c’est également pour les hommes courageux pour prendre des décisions au bon moment.

Sur le 5e sujet concernant la communication, ma compréhension des échanges de la formation me permettent de dire que les professeurs ont trouvé que c’était le plus grand outil qui permet la cohésion d’un groupe. Ils pensent que nous sommes tous de bons communicateurs parce qu’ils savent que nous sommes tous mariés et pour se marier il faut savoir communiquer. Si on sait que la communication c’est pour se faire mieux comprendre avec celui qui en face, avec celui avec lequel on vit ou on veut vivre, il y a néanmoins des dispositions à respecter pour mieux communiquer. La communication a également besoin d’un meilleur comportement pour faire passer le message. Communiquer c’est avoir aussi la capacité et la disponibilité d’écoute de l’autre. La communication, ce n’est pas convaincre les autres, en d’autres termes la communication, ce n’est pas de la politique mais plutôt communiquer, c’est un partage d’informations pour que tout le monde soit au même niveau de compréhension et d’information. Quand, dans une structure tout le monde n’a pas l’information ou lorsqu’on cache ou politise l’information, cela ne permet pas une décision juste et collégiale d’une structure. Une information mal donnée est une bombe à retardement. Selon les professeurs, beaucoup d’outils de communication existent aujourd’hui pour faciliter la communication. On peut citer la radio, le téléphone, le mail et aussi même les moyens de déplacement. Pour eux, communiquer et bien communiquer, c’est vraiment la vie d’une structure.

A la fin de cette formation à Kolda, le président Sabaly Moussa de l’AProCA était heureux de la disponibilité des professeurs de l’université polytechnique de Bobo et également pour les autres professeurs venues des universités différentes de Bobo. Il les a félicités d’avoir accepté de se rabaisser au niveau du petit producteur africain. Pour lui, ce n’était pas évident que des professeurs acceptent cela. Le président Sabaly a dit qu’il sait que l’Afrique va les reconnaitre dans cette œuvre. Il dit qu’ils sont des professeurs africains pionniers à montrer cette disponibilité. Il souhaite que le coton africain prospère avec leur contribution à travers ces formations. Selon le président de l’AProCA cette formation est un précieux outil de lutte contre la pauvreté car le savoir c’est le pouvoir.

                                                                Ouagadougou, le 03 janvier 2012

                                                               TRAORE B. François,

                                                                http://www.francoistraore.blogspot.com/

                                                                 Président d’honneur de l’AProCA,

                                                                  Docteur honoris causa de l’université

                                                                  de GEMBLOUX.

                                                                   (+226) 70 95 34 45

                                                                    (+226) 78 50 16 25



Ce que je pense de la première rencontre du comité d’orientation du coton bioéquitable et équitable de l’AProCA

Du 22 au 23 décembre 2011, j’étais à une rencontre dénommée « première rencontre du comité d’orientation du coton bioéquitatable et équitable » organisée par l’AProCA. C’est un grand projet financé par l’agence française de développement (AFD) sur la demande de l’AProCA. L’AProCA dans sa mission, veut accompagner toutes les initiatives dans le domaine du coton. Pour l’AProCA, même si le coton bioéquitable et équitable sont des niches, il y a des producteurs qui les produisent et qui y gagnent. Comme la mission de l’AProCA n’est pas d’orienter mais d’accompagner, elle a été heureuse de bénéficier de cette volonté de l’AFD dans ce projet. Ce projet a été signé depuis 2008 mais avec les problèmes sur du marché du coton et notamment ceux du coton bio-équitable et équitable qui ont perturbé l’engagement des producteurs, nous venons enfin avec les chercheurs et les représentants des sociétés cotonnière de tenir ce comité d’orientation. Ce comité est essentiellement basé sur la recherche de solutions aux problèmes qui minent ce mode de production. Les participants acteurs ont tenu à relever la lenteur du démarrage de ce projet et se demandent si le projet n’était pas seulement pour des réunions. Nous leurs avons fait savoir que la crise était un des facteurs qui influencent sa réalisation. Comme sur le marché mondial, le marché du coton en général se porte mieux maintenant, et que de nos jours les conditions suspensives de l’AFD dues à ses procédures sont levées, la réalisation de ce projet sera accélérée. Il se trouve même que certaines activités du projet étaient déjà menées sur le terrain par ELVETAS et certains de ses partenaires. L’absence des partenaires MAXHAAVELAR et FLO a été regrettable car dans ce projet ils constituent le maillon qui doit éclairer les acteurs dans la commercialisation depuis l’Europe. A la fin de la rencontre une recommandation spéciale a été faite à leur encontre pour qu’ils jouent bien leur rôle d’éclaireurs sur le marché.

Par la suite, le projet a été de long en large examiné pour comprendre tous les problèmes au niveau du producteur et de la recherche. Ces problèmes sont entre autre celui du rendement, l’insuffisance de la fumure organique, les alternatives limitées de produire des traitements biologique, le problème foncier, celui de la variété de semence adaptée au coton biologique. Pour ce qui est de la recherche, c’est essentiellement le problème de financement, d’insuffisance de matériel et de la coordination entre les différentes recherches. Des propositions de solutions ont été faites sur tous ces axes. Ce projet sur le coton bio-équitable et équitable va bientôt prendre sa forme. L’AProCA remercie l’agence française de développement pour cet appui et cette compréhension en suivant l’allure des acteurs et en appuyant leurs travaux.

                                                               Ouagadougou, le 02 janvier 2012

                                                                TRAORE B. François,

                                                                 http://www.francoistraore.blogspot.com/

                                                                 Président d’honneur de l’AProCA,

                                                                  Docteur honoris causa de l’université

                                                                  de GEMBLOUX.
      
                                                                   (+226) 70 95 34 45

                                                                   (+226) 78 50 16 25

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mardi 3 janvier 2012

Ce que je pense sur le colloque de FARM parlant de la rencontre du G 20

J’ai été invité du 19 au 20 décembre 2011 par FARM qui a organisé avec l’appui de ses partenaires, un colloque pour parler de la rencontre du G20 et de sa suite sur l’agriculture et l’alimentation. FARM, ne voulant pas dérober à sa mission, a invité plusieurs représentants d’organisations des producteurs africains, des producteurs européens et quelques autorités du continent américain. Mais avant la rencontre sur la suite du G20, FARM a organisé pour nous producteurs africains des rencontres avec nos homologues français, les coopératives membres de l’AFDI. Les responsables de ces coopératives nous ont reçus et ont partagé avec nous leurs expériences. Dans l’historique de ces coopératives, l’idée des coopératives est née du besoin des producteurs de s’assembler pour faire face à des problèmes qu’individuellement ils ne pouvaient pas résoudre.

La première coopérative rencontrée s’est engagée à faire de la carotte à la suite d’une crise. Pour réussir, il fallait avoir un esprit de créativité et de détermination. Aujourd’hui, cette coopérative a une grande usine d’entretien et de conditionnement de la carotte. Cette carotte est l’une des meilleurs en France. La coopérative a du personnel technique à qui elle confie des tâches précises. Pour eux, un des grands principes d’une coopérative, c’est l’autonomie dans la pensée, la détermination et l’intérêt collectif à travers lequel tout le monde fini par trouver son compte. Selon cette coopérative, la population citadine et le politique ne comprennent pas souvent les agriculteurs français dans leur manière de produire. Un des agriculteurs de maïs et du blé nous a dit que le gouvernement français a pris une décision de faire baisser l’utilisation de l’herbicide et des insecticides dans l’agriculture à hauteur de 50%. Pour lui, il s’agit d’une décision de bureaucrates sinon on ne peut pas se permettre de baisser à 50% l’utilisation des insecticides et de l’herbicide sans alternative et penser qu’on va continuer à avoir à manger. Quand nous lui avons posé une question sur les produits biologiques, il a dit que tous ceux qui produisent les produits biologiques ne vivent pas des revenus de leur production car la rentabilité ne leur permet pas de gagner suffisamment. Ils ont d’autres choses qui leur permettent de vivre et ils font la production de mode. Pour lui, ils vont continuer à se battre contre cette décision du gouvernement par rapport à la mise cause des pesticides.

Nous avons rencontré une autre coopérative qui travaille sur la production bovine pour la viande. Le producteur cultive pour nourrir ses animaux. Il est accompagné financièrement et techniquement par la coopérative. Lorsque les animaux atteignent le poids souhaité, la coopérative les prend et les vend à la boucherie. La coopérative se rassure de l’homogénéité de la qualité de son produit pour garder sa crédibilité.

Nous avons rencontré une troisième coopérative qui produit du haricot « Gro grain » en voie de disparition. Alors, des agriculteurs se sont mis ensemble pour relancer cette filière. Aujourd’hui, la filière est entrain de prendre sa place dans la région et ce sont les producteurs eux mêmes qui commercialisent leurs produits. Nous avons trouvé en ces agriculteurs et leurs coopératives, une sincérité (des agriculteurs). Des agriculteurs africains devant leurs homologues français, nous avons cru être chez nous. Les agriculteurs français n’ont rien à caché parce qu’ils savaient qu’ils étaient en face d’autres agriculteurs.

Je me suis dis que si le monde était gouverné dans le style des agriculteurs, il n'y aurait que la paix et la cohésion dans le monde car ils sont fiers de leur métier et ils sont heureux de partager avec leurs homologues de n’importe quel bord qu’ils soient. Ils sont également heureux d’être utile en nourrissant le monde. On se rend compte que les problèmes de l’agriculture sont créés par des intermédiaires qui influencent le politique. Nous pouvons les appeler les « gros bras » car souvent l’avis des agriculteurs ne compte pas devant eux. Nous avons donc fait une journée très bénéfique ; nous nous sommes dit que si FARM n’existait pas, il fallait la créer.

Le lendemain a eu lieu le colloque sur la décision du G20. Reconnaissance a été faite à la France parce que pendant sa présidence du G20 en 2011, elle a travaillé à faire prendre en compte par le G20, l’agriculture et l’alimentation. Ces dernières années, nous vivons non seulement une crise financière qui persiste, mais également une crise alimentaire. Et, comme pour le moment aucune machine n’a pu fabriquer une graine qu’un homme peut manger, il faut quelle soit cultivée par quelqu’un. La France a donc raison de lever le lièvre pour la cause de l’agriculture. La faim reste une honte de l’humanité.

Le changement climatique a été également un sujet qui n’a pas été occulté car il perturbe la pluviométrie et endommage les récoltes. Pour cela, le commerce des produits agricoles et alimentaires nécessite une grande réflexion. Des réflexions sont entrain d’être mener pour trouver des moyens de faire des réserves de stocks alimentaires. Ces réserves doivent être bien réfléchies pour permettre la disponibilité et l’accessibilité. Selon l’assistance, l’agriculture familiale doit être préconisée et soutenue pour sa rentabilité économique et sociale.

Selon la vice-présidente de la FNCA, pour que l’agriculture familiale soit bien défendue, le devoir sine qua non de cette agriculture familiale, c’est de se mettre en coopératives. Sinon personne ne pourra soutenir des agriculteurs individuellement.

Le Mexique qui a remplacé la France à la tête du G20 était représenté par son ministre de l’agriculture. Celui-ci a dit que le gouvernement mexicain s’est engagé à emboiter le pas à la France pour la forme familiale de l’agriculture donc pour les petits agriculteurs. Le ministre de l’agriculture français à son tour a dit que la vision de la France pour l’agriculture telle que vue lors de sa présidence du G20, ne changera pas. Ensuite, en tant que membre du G20, elle travaillera toujours avec ses pères pour que le monde trouve une agriculture efficace pour l’Homme et pour la cause de l’Homme. Il a félicité l’initiative de l’ex président français Jacques Chirac pour la création de cette fondation FARM qui donne une bonne image de la France qui partage.

Nous avons clos la soirée par le pot de remerciement du conseil d’administration de FARM à son ancien directeur. Selon le président du conseil d’administration, Bernard Bachelier avant de partir pour une retraite méritée, a donné une image en matière de collaboration entre la France et les agriculteurs du monde et particulièrement ceux africains. Nous africains présents, nous avons trouvé que Bernard Bachelier mérite ces félicitations. Il est un homme humble et rigoureux mais visionnaire. Il laisse sa place à Jean Christophe qui, lui, souhaite poursuivre l’œuvre de FARM et donner un éclat à ce partenariat fluctueux.





                                                                Ouagadougou, le 01 janvier 2012

                                                               TRAORE B. François,

                                                               http://www.francoistraore.blogspot.com/

                                                               Président d’honneur de l’AProCA,

                                                               Docteur honoris causa

                                                              de l’université de Gembloux

Ce que je pense de la rencontre sur le partage d’expériences sur la culture du coton génétiquement modifié

En collaboration avec nos partenaires de I'ABNE, Africa Harvest, AfricaBio et African Biotechnology Stakeholders Forom (ABSF) et de l'lNERA, nous avons organisé le 15 décembre 2011 à Bobo Dioulasso une rencontre entre les producteurs maliens, béninois, togolais et burkinabè pour un partage d’expériences sur la culture du coton génétiquement modifié(CGM) au Burkina Faso. Nos partenaires veulent faire partager l’expérience du CGM au Burkina Faso avec les autres pays. La recherche burkinabè était représentée par l’INERA et son programme coton.


La parole a été donnée à l’INERA qui a donné l’historique de cette technologie au Burkina Faso depuis 2003, la démarche participative de la recherche, des sociétés cotonnières, des producteurs et de la société civile et a expliqué aux participants les problèmes qui ont poussé le Burkina à aller vers la biotechnologie. Le Burkina Faso s’est engagé dans cette biotechnologie à cause des problèmes que vivaient les producteurs à savoir les difficultés des traitements et la résistance des chenilles au pesticide utilisé sur le coton conventionnel. La recherche qui a pour mission d’éclairer les acteurs et de mener des recherches pour la solution de leur problème, s’y est investie. C’est ainsi qu’après avoir essayé en 2003 le coton génétiquement modifié avec la variété américaine, le gène a été finalement introduit dans les variétés qui sont adaptées à l’environnement burkinabé. Tous ces essaies ont donné satisfaction à la recherche et aux acteurs. Ainsi, voilà 4 ans que le CGM est cultivé de façon commerciale par les producteurs burkinabés.

Après la recherche, les producteurs de coton du Burkina présents dans la salle ont également relaté la manière dont ils ont suivi cette expérimentation jusqu’à la production. Les producteurs ont remarqué que même quand ils sèment du CGM en retard, période à laquelle le parasitisme est développé, contenant déjà le gène et contrairement au coton conventionnel qui doit attendre des semaines pour être traité, le CGM produit toujours bien. L’explication que la recherche et les producteurs ont donné par rapport à une même variété conventionnelle et CGM était que l’OGM était soigné dès qu’il pousse ; le cotonnier poussait bien tant qu’il est bien nourrit parce qu’il contient le gène qui est toxique pour les chenilles. Lorsque les chenilles mangent le CGM, il y a arrêt de fonctionnement de leur appareil digestif. Elles ne peuvent plus alors manger et finissent par mourir.

Cependant, deux traitements sont recommandés à la fin du cycle du CGM contre les piqueurs-suceurs. L’intérêt de ces deux derniers traitements est capital car le coton en fin de cycle attire beaucoup de piqueurs-suceurs. Comme la biotechnologie n’est pas contre ceux-ci, il faut forcement faire les deux traitements en pesticide. Monsanto détenteur de la technologie, a également recommandé à la société cotonnière et aux producteurs, de réserver 5 à 20% de coton conventionnel en zone refuse. Cela peut être fait par le producteur dans un GPC (Groupement de Producteurs de Coton) ou dans un village ; on doit travailler à ce qu’il y ait des producteurs dont le coton sert de zone refuse aux chenilles. L’existence de cette zone refuse est très importante parce que ne cultiver seulement que du CGM finira par créer une résistance des chenilles au CGM. En effet, si les chenilles ne mangent que dans les champs de coton génétiquement modifié, après plusieurs multiplications au cours de quelques années, elles peuvent avoir des générations qui s’adaptent à ce coton GM. Mais s’il y a une zone refuse en coton conventionnel, les chenilles se rabattent sur cette zone refuse et cela aidera les producteurs pour que les chenilles ne deviennent pas résistantes parce qu’elles mangent dans les deux champs de coton. La recherche continue son travail pour voir s’il y a des alternatives d’autres cultures qui peuvent servir de zone refuse. Les producteurs semenciers sont également suivis par les agents techniques des sociétés cotonnières et la recherche pour se rassurer de la teneur de la biotechnologie dans la semence. Une des questions qui ont été posées, était que si toutes les semences burkinabè étaient devenues des semences OGM, au cas où les burkinabè voudraient un jour autre chose, est-ce qu’ils auront d’autres variétés ? La recherche a répondit qu’elle a plusieurs variétés qui sont entretenues pour plusieurs années et quand ils en auront besoin ils pourront les faire sortir. Ces variétés sont leur propriété. C’est la partie burkinabè qui décide de mettre le gène OGM dans les variétés.

Dr SAWADOGO de l’ABNE quant à lui, a exposé sur les différentes règles et lois qu’un pays doit respecter pour commencer les essaies de la biotechnologie. Il a dit que la population africaine doit ouvrir les yeux car le monde ne l’attend pas. Pour lui, la science est universelle et il faut simplement se donner l’obligation de chercher à la comprendre et de bien l’utiliser. Il a aussi dit que l’Afrique est en retard par rapport à l’utilisation des différents résultats de la science en agriculture. C’est cela qui fait que la pauvreté et la misère sévissent dans le milieu rural africain. Une décision de ne pas aller vers la science (la technologie) est en quelque sorte un crime parce que se contenter de ce que nous sommes nés trouver ne peut nous nourrir. Pour lui, les décideurs et les acteurs ont un devoir responsable à appliquer la science dans l’agriculture pour faire prospérer les agriculteurs africains.

Dr Doulaye TRAORE qui est l’ancien chef du programme coton du Burkina, aujourd’hui représentant de MONSANTO pour la sous région, donc personne ressource en matière de coton, est revenu sur la manière dont il a vécu la résistance des chenilles quand il était directeur du programme coton. Il ne savait pas où mettre la tête en tant que responsable, il y avait sur lui autant la pression des producteurs que celle du politique pour une solution rapide au parasitisme. Des chercheurs professionnels, des acteurs déterminés et un gouvernement responsable ne pouvaient que décider d’aller vers la biotechnologie.

En tant qu’ancien président de l’UNPCB, producteur de coton et ayant suivi le processus de la biotechnologie depuis son début, j’ai fait l’historique du coton depuis les années 1990, années où nous avons traité le coton plus de 20 fois au lieu de 6 fois. Cela avait soulevé une forte tension entre la société cotonnière et les producteurs. Nous les producteurs, nous disions que c’est la société cotonnière qui ne nous avait pas donné de bons pesticides. Nous leur avions même dit qu’il y a des parasites que nous trempons dans les pesticides et qui ne mouraient pas. C’est lors d’une grande rencontre des chercheurs de la sous région et de certains grands chercheurs du monde qu’on nous a fait savoir que cette manifestation des parasites était une résistance à nos produits (pesticides), parce que cela faisait plusieurs années qu’on utilisait ces molécules et que les chenilles avaient fini par s’habituer. Ce débat du mécontentement des producteurs par rapport aux pesticides est monté jusqu’à l’assemblée nationale.

Si les autorités burkinabè ont admis la biotechnologie, c’était pour répondre aux difficultés des producteurs par rapport à la forte pression des chenilles à l’époque. Bien sûr au moment de l’expérimentation de la biotechnologie, il y a eu des citoyens de la société civile qui s’inquiétaient ; certains même s’opposaient. Mais, comme nous les producteurs de coton, nous sommes à la fois acteurs et société civile, composant plus de 3 millions de la population, nous avons montré notre intérêt à cette biotechnologie. Si les pays producteurs de coton du monde comme les Etats-Unis, la Chine et l’Inde qui font la majorité de la production mondiale, utilisent cette technologie, pourquoi pas nous ?

Nous avons terminé cette rencontre de Bobo Dioulasso par une visite effectuée dans un champ de CGM avec les producteurs présents à cette rencontre. Ce champ de coton GM semé le 25 juillet 2011, était vraiment selon les recommandations de la recherche, en retard. Pour la recherche, le bon coton se sème en mai-juin. Ce producteur savait le comportement du CGM c’est pourquoi il a osé semer à cette date. Quand les producteurs étrangers ont vu la physionomie de ce champ de coton semé en retard, ils se sont fait l’idée réelle que le CGM, même semé en retard, peut rattraper le coton conventionnel semé bien avant. Certains ont même dit que leur coton conventionnel semé en juin ne valait pas celui-ci. Les producteurs étrangers en quittant ce champ posaient plutôt des questions à la recherche burkinabé sur « comment faire pour avoir vite ce coton génétiquement modifié dans nos pays ». La recherche leurs a dit que cela dépendrait des acteurs de leurs pays, mais qu’il y a des règles à respecter et qu’on ne peut pas contourner. La recherche a réaffirmé sa disponibilité pour toute collaboration pour le bien être des paysans.



                                                               Dimanche, 01 janvier 2012

                                                               TRAORE B. François,

                                                               http://www.francoistraore.blogspot.com/

                                                               Président d’honneur de l’AProCA,

                                                               Docteur honoris causa.

                                                               (+226) 70 95 34 45
                                                               (+226) 78 50 16 25



Ce que je pense des OXFAM du Mali

Les OXFAM au Mali à la demande des producteurs, se sont mis ensemble pour faire un programme de 5 ans. Dans ce programme, ils ont prévus appuyés l’AProCA, l’AOPP, et le MOBIUM. Ce programme a débuté pendant mon mandat en tant que président de l’AProCA.


Les 08 et 09 décembre, une rencontre du comité d’orientation de ce programme s’est tenue à Bamako. L’actuel président de l’AProCA, Moussa SABALY m’a délégué parce que je maîtrise bien ce dossier pour représenter l’AProCA à cette rencontre du comité d’orientation lors duquel on devrait faire le bilan, tirer les leçons et donner la vision prochaine. La particularité de ce programme est que plusieurs OXFAM ont financé l’appui de plusieurs structures paysannes. Les structures paysannes qu’ils devraient appuyer étaient également de niveaux différentes : l’AProCA qui est une structure africaine des producteurs de coton, l’AOPP, une structure nationale professionnelle de tous les producteurs du Mali au sein de laquelle est représentée toutes les filières de production dont le coton représenté par l’union nationale des sociétés coopératives du Mali et enfin le MOBIUM, structure des producteurs de coton biologique. Les structures accompagnatrices, INDA qui accompagnait l’AProCA dans des axes précis, le SNV qui accompagnait l’AOPP. Au début de ce programme, OXFAM et ces techniciens étaient sérieusement armés de courage pour accompagner les projets des producteurs. Cette coopération de plusieurs partenaires avec différentes structures de producteurs a permis de croire à l’aboutissement d’un esprit de professionnalisme au niveau des producteurs. Mais, lors de la première rencontre, on sentait des difficultés par rapport aux tendances qui se dégageaient. Ces difficultés étaient liées à la différence de niveau des structures des producteurs.

Quand les différents résultats ont été présentés à ce comité, nous avons vu un système et une complémentarité à travers ces structures et ces partenaires. Une des leçons que je tire, est que quand on veut réellement le développement pour les producteurs et si on accepte que les producteurs décident de leur sort, il y a de la place pour tout le monde. Au niveau de l’AProCA, les résultats étaient que l’AProCA et INDA avaient éclairé les plateformes sur leur partenariat vis-à-vis de tous les partenaires dont l’Etat. L’AProCA avait également travaillé à se faire connaître par les grandes institutions au niveau régional et international. L’AProCA, en collaboration par INDA, a commandité une étude sur les OGM au niveau international et a publié les résultats à ses membres. Cela a contribué à les éclairer. Différents systèmes de fixation du prix du coton ont été examinés et mis à la disposition des pays membres de l’AProCA.

Quant à l’AOPP qui est la structure professionnelle de tous les producteurs du Mali, elle a accompagné l’union nationale des sociétés coopératives des producteurs de coton du Mali dès sa naissance. Elle a également accompagné certaines coopératives de l’union pour mener des activités génératrices de revenues particulièrement pour les femmes. Le président de l’AOPP a dit que les femmes des producteurs de coton ont montré que même dans leur situation difficile, elles peuvent être crédibles. Selon lui, quand la femme prend un crédit, elle reste toujours sur place, elle ne bouge pas et fait tout pour rembourser son crédit parce qu’elle est toujours avec ses enfants. Mais lorsque c’est homme, il peut quitter la localité sans avoir payer le crédit. L’AOPP est donc entrain de faire un travail pour que les femmes prennent des postes de décision au sein des coopératives pour permettre d’influencer positivement les hommes pour que ceux-ci profitent de l’expérience des femmes en matière de crédibilité, car leur agriculture est une agriculture familiale, ce qui veut dire l’homme, sa femme et ses enfants. Nous savons que même dans notre histoire malienne, les femmes ont toujours influencé les hommes. Il faut donc nécessairement passer par là pour rendre crédibles les coopératives.

En ce qui concerne MOBIUM, elle a beaucoup travaillé sur la production du coton biologique et également sur d’autres productions biologiques qu’on peut exploiter après le coton biologique comme les céréales, le sésame et le beurre de karité. Nous avons senti une grande complémentarité entre ces structures maliennes qui n’avaient pas forcement la même vision au début du montage du programme mais, qui ont compris à la fin du programme, que c’est dans leur harmonisation que les agriculteurs et agricultrices du Mali pourront se développer. C’est un programme qui a permis également à l’AProCA de suivre et de comprendre au niveau national les activités possibles à mener au niveau des producteurs à la base. Des insuffisances ont cependant été constatées. A titre d’exemple, les changements climatiques étaient un sujet qu’on devrait prendre en compte et sur lequel nous n’avions pas eu suffisamment d’actions.

La vision qui s’est dégagée à la fin de ce comité est de travailler à amener les coopératives dans une vision d’entreprise ; cela veut dire que toutes les structures professionnelles (AProCA), AOPP, UNSCC et MOBIUM) et leurs démembrements doivent comprendre les exigences d’une entreprise depuis leurs exploitations et leur crédibilité dans la coopérative. C’est à ce prix qu’une coopérative peut être viable et entreprenante. Dans cette vision, il est prévu d’attirer le privé à investir et à collaborer avec les coopératives. Cette condition a besoin de vraies coopératives soudées qui peuvent faire des négociations en se basant sur leur crédibilité. Le privé ne fait que du business et a besoin de coopératives qui peuvent lui faciliter ce business. Les coopératives qui ont une vision d’entreprise veulent gagner également parce qu’elles sont ensemble. Le fait qu’elles soient ensemble facilite aussi la tâche au privé. Donc, entre la coopérative et le privé, ça doit être du gagnant-gagnant.

L’Etat doit jouer son rôle qui est de s’assurer que dans les coopératives, l’esprit d’entreprise y est et qu’on ne glisse pas dans les escroqueries de certains groupements ; que les règles de coopératives et d’entreprise soient bien respectés et bannir le mot escroquerie. L’Etat doit également s’assumer en facilitant la tâche au privé. Cela permet au privé sincère de se sentir en sécurité. Il doit aussi éviter la politisation négative du privé, mener à bien les tâches qui lui sont assignées : le désenclavement, l’énergie et la communication. C’est à ce prix que les agriculteurs peuvent gagner leur vie, qu’on pourra limiter l’exode rural et que l’Afrique pourra émerger. Ce programme dans ma tête reste « un programme école ».

Enfin, mon souhait est que de telles initiatives continuent. En effet, à travers ce programme nous avons tracé un itinéraire qui doit être suivi.



                                         Ouagadougou, le 17 décembre 2012

                                         TRAORE B. François,

                                         http://www.francoistraore.blogspot.com/

                                         Président d’honneur de l’AProCA,

                                         Docteur honoris causa de l’université
                                         de GEMBLOUX.

                                          (+226) 70 95 34 45