Du 16 au 17 novembre
2019, j’ai participé au forum régional des autorités coutumières, religieuses
et leaders d’opinion sur la consolidation de la cohésion sociale dans la Boucle
du Mouhoun, une des 13 régions du Burkina Faso dont je suis originaire. Cela a
été l’occasion pour moi d’apprendre beaucoup avec ces illustres représentants
de la société qui ne souhaitent tous que de vivre ensemble et en paix et
surtout le développement en mettant en valeur toutes les potentialités que la
boucle du Mouhoun a pour l’épanouissement de toute la population qui y vit et
contribuer au développement du Burkina Faso.
Ici je me contenterai de
rappeler tout ce qu’on m’a appris dans ma famille, dans mon village et dans
plusieurs villages de cette région. Dans notre village, ce que mon père m’a
dit, c’est que chaque famille mettait ses ancêtres comme intermédiaires entre
elle et l’être suprême. L’objectif était à chaque fois la santé, la paix, de
bonnes récoltes, la procréation et le bon voisinage. Et les hommes d’un certain
âge de la famille suivaient cela scrupuleusement. La jeunesse était formée au
fur et à mesure sur ces principes.
Après la famille, il y a
le village, dans chaque village, il existait un chef de village qui venait
souvent de la première famille qui s’y était installée ou était désigné sur un
principe déterminé par le village. Au tour de ce chef de village étaient regroupés
les représentants de chaque famille. Il y avait donc une collaboration qui
permettait de donner une vision d’éducation et d’épanouissement dans ce
village. A ce niveau, chaque village avait ses règles, ce qu’on avait le devoir
de faire dans le village et ce dont on n’avait pas le droit. La préservation de
l’environnement faisait partie de ces règles. Entre les villages, le mariage
était un lien qui permettait de lier les villages, certaines coutumes
également. C’est dans ce sens qu’il y avait la parenté à plaisanterie d’un
village à l’autre ou d’une ethnie à l’autre. C’est ce qui fait que malgré quelques
querelles qui existaient ils arrivaient à se faire la paix entre eux.
Il y a aussi eu les chefs
de cantons, ceux-ci étaient installés par le colon pour se faire un relais dans
la société et il est souvent arrivé que certains des désirs du colon ne soient
pas ce que la société voulait. Mais ce qu’il y a de positif dans l’installation
des chefs de cantons c’est que cela a regroupé plusieurs villages et au fur et
à mesure la sagesse a pris le dessus et ces chefs de cantons sont devenus des
repères qui résolvaient beaucoup de problèmes sociaux entre les villages.
Pour ce qui est des
religions, musulmane et chrétienne, elles sont arrivées à des époques
différentes et chaque communauté a pu constituer des groupes qui dépassaient le
village, le canton et a permis d’avoir un lien international dans cette
société. Chacune de ces religions prônaient la cohésion, la paix et le vivre
ensemble. La particularité à ce niveau était que le mal ou le bien que l’on
faisait sur terre, la grande récompense de ces actions se faisait après la
mort. Si on fait le bien sur terre, on va au paradis et si on fait le mal, on
va en enfer.
Je peux donc dire que la Boucle
du Mouhoun a une richesse suffisante dans son passé qu’elle doit utiliser pour
le bon vivre ensemble, la paix et le développement. Il y avait des terres et
elles étaient fertiles, c’est pour cela qu’elle a été une région très accueillante
de populations venant d’autres régions. Des cultures comme le sorgho, le mil, le
coton, le maïs, l’arachide, le fonio… et l’élevage également y étaient
développées. Ce qui a manqué, c’est la transformation industrielle au niveau
local de ces produits, ce qui pourrait donner du travail à une bonne partie de
la jeunesse scolarisée. Cela nécessite des coopératives viables pour ne pas que
les agriculteurs soient trompés, ce qui faciliterait leur accompagnement. Pour
cette transformation, le désenclavement serait également une nécessité incontournable.
Pour ce qui est de l’environnement,
les terres qu’on pensait inépuisables sont finies. Et comme il n’y a plus de
place pour faire de nouvelles défriches, nous sommes obligés de rester plusieurs
années sur les mêmes terres, ce qui appauvrit les terres. La persistance des
feux de brousse contribue aussi à cet appauvrissement. Il y a donc un devoir de
réhabilitation de cette fertilité. Et des techniques existent aujourd’hui dans
ce sens. Cela nécessite seulement une prise de conscience avant qu’il ne soit
trop tard. Si les japonais cultivent sur des montagnes et mettent de la terre
sur leurs toits pour faire du maraichage, ils ne peuvent pas comprendre que
nous ayons des terres et de l’eau et que nous n’utilisions pas les techniques
qui existent pour augmenter nos rendements. On sait que l’augmentation des
rendements, c’est l’augmentation des revenus. Je terminerai en disant que dans
la Boucle du Mouhoun il y a des potentialités humaines et sociales pour le bon
vivre ensemble et nous avons l’obligation de laisser cette région à nos enfants
et nos petits-enfants, ce serait honteux que ce soit de la merde qu’on leur
laisse. Alors que nos ancêtres selon la tradition, même après la mort se
préoccupaient de nous. Les religions aussi nous obligent à éduquer nos enfants
et à être utiles pour la société. J’en profite pour féliciter tous ceux ont
initié l’organisation du cinquantenaire du décès de Nazi BONI sous le thème « Nazi
BONI, héros national : Le défi de la pérennisation de ses œuvres ».
Cet homme a montré l’exemple de fils intègre, nationaliste dont les actions ne
font pas honte à sa famille. Car cela faisaient partie de notre tradition que
ce grand homme exigeait. Bon vent à Boucle du Mouhoun, que Dieu bénisse le
Burkina Faso.
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