samedi 3 octobre 2015

Ce que je pense de la rencontre avec les parlementaires sénégalais et le Conseil économique et social sur la biotechnologie du coton burkinabé

Le coton est la principale culture de rente au Burkina Faso. Il est également l’une des filières la mieux organisée. C’est pour cela que tous les acteurs tels que l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina, les sociétés cotonnières et l’interprofession sont les principaux acteurs dans les prises de décisions.
Pour la culture du coton, un certain nombre d’intrants sont utilisés notamment les engrais organique et minérale (NPK et Urée) et les pesticides. Le Burkina était à 660 592 ha de coton cultivé pour la campagne 2014-2015. La production s’élevait à 707 012 tonnes. Les producteurs prennent des crédits bancaires pour produire. Leur souci est donc de faire une bonne récolte afin de pouvoir faire face aux crédits et avoir des recettes qui leur permettent de satisfaire leurs besoins. Mais un de leur gros souci est le parasitisme. Le cotonnier est une plante très prisée par les insectes et s’ils ne sont pas maîtrisés, le cotonculteur  peut perdre toute sa production.
Dans l’histoire du coton au Burkina Faso, à partir des années 90, les producteurs ont commencé à avoir de sérieux problèmes avec les parasites (chenilles surtout). Or,  au moins 06 traitements phytosanitaires étaient préconisés par la société cotonnière et la recherche. En 1991, certains cotonculteurs sont allés jusqu’à 18 traitements pour sauver leur coton. Malgré cela, la plupart des cotonculteurs avaient fait une très maigre récolte. A titre d’information, le il faut 01 litre de pesticide pour un traitement d’un hectare ; le litre coûte en moyenne 4000 FCFA. Ce qui revenait à 72 000 FCFA les 18 traitements d’insecticide par hectare contre 24000 FCFA de prévu. En plus de cette charge, il faut ajouter le coût de l’engrais utilisé pour le même hectare. En fin de compte, le cotonculteur n’a pas pu payer sa dette et est resté fortement endetté.
Un différend s’est ainsi déclenché entre producteurs, entre producteurs et banques et entre producteurs et sociétés cotonnières. Pour les cotonculteurs, c’est la société cotonnière (SOFITEX) qui ne leur a pas donné un produit insecticide efficace. La SOFITEX de son côté disait que c’est les cotonculteurs qui n’ont pas respecté les doses et les conditions d’application des produits phytosanitaires. Mais comme les producteurs n’étaient pas bien organisés à l’époque, le débat était difficile. La production cotonnière a chuté de 180 000 à 116 000 tonnes. L’économie du Burkina avait donc pris un coup. Ce qui a obligé l’assemblée nationale à en débattre dans ses instances. L’état burkinabé a été obligé de prendre en charge ce surendettement des producteurs de coton.
Pour relancer la filière, il fallait apporter des solutions à ces problèmes. Pour y arriver, il fallait écouter les producteurs. Comme les pesticides avait été mises en cause par les producteurs, un atelier international regroupant tous les acteurs de la filière a été organisé à Bobo-Dioulasso pour analyser la situation. On pouvait compter parmi les participants d’éminents chercheurs du monde scientifique de divers pays de la planète terre. Cet atelier, a révélé qu’il y avait une résistance des insectes ciblés aux produits utilisés (les pyréthrinoïdes). Les résultats de cet atelier ont obligé la société cotonnière burkinabé à utiliser l’endosulfan qui était interdit en Europe pour sauver le coton, grâce à une dérogation. Cette dérogation ne pouvant pas durer, le Burkina était donc dans l’obligation de continuer à explorer d’autres pistes de solutions. L’UNPCB a été créé en 1998 par les cotonculteurs. Une de ses missions était de collaborer avec les sociétés cotonnières afin de trouver une solution « pérenne » au parasitisme et sauver le coton Burkinabé.
La réflexion a commencé. Le Burkina a découvert MONSANTO et SYNGENTA. Il a fait des expériences avec les deux firmes et le choix a porté sur MONSANTO. Après l’expérimentation au niveau de la recherche, il était question d’introduire le gène dans une variété de semence coton burkinabé. C’est ce qui a été fait. Je fais parti des paysans avec lesquels les semences sont démultipliées.
Plus de 10 ans avant cette situation, j’avais été sélectionné comme producteur de semence coton conventionnel et quand j’ai commencé à cultiver le Coton Génétiquement Modifié (CGM), j’ai continué à être producteur de semence CGM. Cette multiplication de semence est faite par plusieurs producteurs au Burkina.
Au niveau des droits de propriété intellectuelle, il y a lieu de faire une distinction nette entre le droit de propriété du gène qui a été inséré et  le droit de propriété de la variété dans laquelle le gène est inséré. Depuis que nous avons commencé à travailler avec MONSANTO sur leur technologie, on utilise des semences qui sont la propriété du Burkina Faso. En juillet 2008, MONSANTO  et le Burkina ont signé un accord commercial selon lequel l’État burkinabé est copropriétaire avec MONSANTO des variétés génétiquement modifiées. Les royalties sont réparties à 72% pour le Burkina et à 28% pour MONSANTO.
Avec le coton génétiquement modifié, il est recommandé deux (2) traitements phytosanitaires contre les piqueurs suceurs à la fin du cycle du cotonnier. Dès lors, le producteur économise 04 traitements phytosanitaires. A partir de la campagne agricole 2007-2008 jusqu’à nos jours, je cultive effectivement le coton génétiquement modifié dans mes champs. Les 02 traitements ont toujours suffit et je fais de meilleurs rendements.
Les avantages du CGM pour moi producteur sont énormes : le gène Bt dans la semence de coton est comme un vaccin dans le corps humain, le cotonnier tout petit est déjà soigné et s’épanouit très rapidement. Il entame aussi sa productivité très tôt. Un autre avantage est que les quatre (04) traitements que j’ai pu éviter représentent plusieurs kilomètres de marches avec un poids de 20kg sur le dos. J’utilise le temps de ces quatre (04) traitements restants pour cultiver du sésame. Alors que les deux traitements utilisés sont faits au moment où les travaux culturaux sont presque achevés et j’en passe.
Vu ces nobles avantages du CGM, si un jour le coton OGM n’existe plus et qu’il n’y a pas d’alternative plus rentable, dans ma famille, nous allons arrêter de cultiver le coton d’abord pour notre santé, puis pour celle de la nature. Rappelons qu’avec les pesticides, on ne parle pas de risques potentiels pour la santé humaine ou animale et pour l’environnement ; ce sont plutôt des risques quotidiens et avérés. Tous les producteurs qui cultivent le coton transgénique Bt raisonnent de la même façon.
            Avant mon intervention devant les parlementaires sénégalais, plusieurs orateurs avaient intervenu sur la biotechnologie dans le monde ; parmi lesquels le professeur Chantal ZOUNGRANA, Directrice de l’Agence Nationale de Biosécurité au Burkina (ANB). Ce que j’ai retenu de ces orateurs est que depuis 1996, date de la mise en marché de la biotechnologie jusqu’à nos jours, près de 20 ans après, le nombre d’utilisateurs de cette technologie ne fait qu’augmenter et les inquiétudes sur sa consommation et son effet sur l’environnement ont été toujours vérifié sans conséquence. Il y’a toujours eu des rumeurs qui n’ont jamais été justifié.         
Après deux jours de discussion, les parlementaires ont dit qu’ils étaient sous informés sur la biotechnologie. Ils croyaient que la semence venait des États-Unis. Ils ne savaient pas que la technologie peut être insérée dans votre propre semence selon vos désirs. Car les variétés de semence américaines ne sont pas forcément adaptées à nos systèmes de production et aux réalités agro-climatiques. A titre d’exemple, le Nigeria a commencé des essais d’introduction du gène dans ses variétés de manioc et de niébé. Le Burkina essaie également en plus du coton le sorgho et le niébé. Ce que les sénégalais ont regretté est qu’après la signature de la convention de Cartagena, techniquement le Sénégal était un peu en avant par rapport au Burkina mais que le Burkina est en avance dans l’action. Les parlementaires sénégalais ont même répété l’adage qui dit que le Sénégal est plus fort dans la conception des projets mais c’est le Burkina qui va plus vite dans l’exécution. A la fin de l’atelier, les parlementaires sénégalais étaient pour l’adoption de la biotechnologie mais après une large communication et diffusion de l’information.

Ouagadougou, le 03 octobre 2015

TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
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 BURKINA FASO


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