Le coton est la
principale culture de rente au Burkina Faso. Il est également l’une des
filières la mieux organisée. C’est pour cela que tous les acteurs tels que
l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina, les sociétés cotonnières
et l’interprofession sont les principaux acteurs dans les prises de décisions.
Pour la culture du
coton, un certain nombre d’intrants sont utilisés notamment les engrais organique
et minérale (NPK et Urée) et les pesticides. Le Burkina était à 660 592 ha
de coton cultivé pour la campagne 2014-2015. La production s’élevait à
707 012 tonnes. Les producteurs prennent des crédits bancaires pour
produire. Leur souci est donc de faire une bonne récolte afin de pouvoir faire
face aux crédits et avoir des recettes qui leur permettent de satisfaire leurs
besoins. Mais un de leur gros souci est le parasitisme. Le cotonnier est une
plante très prisée par les insectes et s’ils ne sont pas maîtrisés, le
cotonculteur peut perdre toute sa
production.
Dans l’histoire du
coton au Burkina Faso, à partir des années 90, les producteurs ont commencé à avoir
de sérieux problèmes avec les parasites (chenilles surtout). Or, au moins 06 traitements phytosanitaires
étaient préconisés par la société cotonnière et la recherche. En 1991, certains
cotonculteurs sont allés jusqu’à 18 traitements pour sauver leur coton. Malgré
cela, la plupart des cotonculteurs avaient fait une très maigre récolte. A titre
d’information, le il faut 01 litre de pesticide pour un traitement d’un
hectare ; le litre coûte en moyenne 4000 FCFA. Ce qui revenait à
72 000 FCFA les 18 traitements d’insecticide par hectare contre 24000 FCFA
de prévu. En plus de cette charge, il faut ajouter le coût de l’engrais utilisé
pour le même hectare. En fin de compte, le cotonculteur n’a pas pu payer sa
dette et est resté fortement endetté.
Un différend s’est
ainsi déclenché entre producteurs, entre producteurs et banques et entre
producteurs et sociétés cotonnières. Pour les cotonculteurs, c’est la société
cotonnière (SOFITEX) qui ne leur a pas donné un produit insecticide efficace. La
SOFITEX de son côté disait que c’est les cotonculteurs qui n’ont pas respecté
les doses et les conditions d’application des produits phytosanitaires. Mais
comme les producteurs n’étaient pas bien organisés à l’époque, le débat était
difficile. La production cotonnière a chuté de 180 000 à 116 000
tonnes. L’économie du Burkina avait donc pris un coup. Ce qui a obligé
l’assemblée nationale à en débattre dans ses instances. L’état burkinabé a été
obligé de prendre en charge ce surendettement des producteurs de coton.
Pour relancer la
filière, il fallait apporter des solutions à ces problèmes. Pour y arriver, il
fallait écouter les producteurs. Comme les pesticides avait été mises en cause
par les producteurs, un atelier international regroupant tous les acteurs de la
filière a été organisé à Bobo-Dioulasso pour analyser la situation. On pouvait
compter parmi les participants d’éminents chercheurs du monde scientifique de
divers pays de la planète terre. Cet atelier, a révélé qu’il y avait une résistance
des insectes ciblés aux produits utilisés (les pyréthrinoïdes). Les résultats
de cet atelier ont obligé la société cotonnière burkinabé à utiliser l’endosulfan
qui était interdit en Europe pour sauver le coton, grâce à une dérogation.
Cette dérogation ne pouvant pas durer, le Burkina était donc dans l’obligation
de continuer à explorer d’autres pistes de solutions. L’UNPCB a été créé en 1998
par les cotonculteurs. Une de ses missions était de collaborer avec les
sociétés cotonnières afin de trouver une solution « pérenne » au
parasitisme et sauver le coton Burkinabé.
La réflexion a
commencé. Le Burkina a découvert MONSANTO et SYNGENTA. Il a fait des
expériences avec les deux firmes et le choix a porté sur MONSANTO. Après
l’expérimentation au niveau de la recherche, il était question d’introduire le
gène dans une variété de semence coton burkinabé. C’est ce qui a été fait. Je fais
parti des paysans avec lesquels les semences sont démultipliées.
Plus de 10 ans avant
cette situation, j’avais été sélectionné comme producteur de semence coton
conventionnel et quand j’ai commencé à cultiver le Coton Génétiquement Modifié
(CGM), j’ai continué à être producteur de semence CGM. Cette multiplication de
semence est faite par plusieurs producteurs au Burkina.
Au niveau des droits de
propriété intellectuelle, il y a lieu de faire une distinction nette entre le
droit de propriété du gène qui a été inséré et le droit de propriété de
la variété dans laquelle le gène est inséré. Depuis que nous avons commencé à
travailler avec MONSANTO sur leur technologie, on utilise des semences qui
sont la propriété du Burkina Faso. En juillet 2008, MONSANTO et le
Burkina ont signé un accord commercial selon lequel l’État burkinabé est
copropriétaire avec MONSANTO des variétés génétiquement modifiées. Les
royalties sont réparties à 72% pour le Burkina et à 28% pour MONSANTO.
Avec le coton
génétiquement modifié, il est recommandé deux (2) traitements phytosanitaires
contre les piqueurs suceurs à la fin du cycle du cotonnier. Dès lors, le
producteur économise 04 traitements phytosanitaires. A partir de la campagne
agricole 2007-2008 jusqu’à nos jours, je cultive effectivement le coton
génétiquement modifié dans mes champs. Les 02 traitements ont toujours suffit
et je fais de meilleurs rendements.
Les avantages du CGM
pour moi producteur sont énormes : le gène Bt dans la semence de coton est
comme un vaccin dans le corps humain, le cotonnier tout petit est déjà soigné
et s’épanouit très rapidement. Il entame aussi sa productivité très tôt. Un
autre avantage est que les quatre (04) traitements que j’ai pu éviter
représentent plusieurs kilomètres de marches avec un poids de 20kg sur le dos.
J’utilise le temps de ces quatre (04) traitements restants pour cultiver du
sésame. Alors que les deux traitements utilisés sont faits au moment où les
travaux culturaux sont presque achevés et j’en passe.
Vu ces nobles avantages du CGM, si un
jour le coton OGM n’existe plus et qu’il n’y a pas d’alternative plus rentable,
dans ma famille, nous allons arrêter de cultiver le coton d’abord pour notre
santé, puis pour celle de la nature. Rappelons qu’avec les pesticides, on ne
parle pas de risques potentiels pour la santé humaine ou animale et pour
l’environnement ; ce sont plutôt des risques quotidiens et avérés. Tous
les producteurs qui cultivent le coton transgénique Bt raisonnent de la même
façon.
Avant
mon intervention devant les parlementaires sénégalais, plusieurs orateurs
avaient intervenu sur la biotechnologie dans le monde ; parmi lesquels le
professeur Chantal ZOUNGRANA, Directrice de l’Agence Nationale de Biosécurité
au Burkina (ANB). Ce que j’ai retenu de ces orateurs est que depuis 1996, date
de la mise en marché de la biotechnologie jusqu’à nos jours, près de 20 ans
après, le nombre d’utilisateurs de cette technologie ne fait qu’augmenter et
les inquiétudes sur sa consommation et son effet sur l’environnement ont été
toujours vérifié sans conséquence. Il y’a toujours eu des rumeurs qui n’ont
jamais été justifié.
Après deux jours de
discussion, les parlementaires ont dit qu’ils étaient sous informés sur la
biotechnologie. Ils croyaient que la semence venait des États-Unis. Ils ne savaient
pas que la technologie peut être insérée dans votre propre semence selon vos
désirs. Car les variétés de semence américaines ne sont pas forcément adaptées
à nos systèmes de production et aux réalités agro-climatiques. A titre
d’exemple, le Nigeria a commencé des essais d’introduction du gène dans ses
variétés de manioc et de niébé. Le Burkina essaie également en plus du coton le
sorgho et le niébé. Ce que les sénégalais ont regretté est qu’après la
signature de la convention de Cartagena, techniquement le Sénégal était un peu
en avant par rapport au Burkina mais que le Burkina est en avance dans
l’action. Les parlementaires sénégalais ont même répété l’adage qui dit que le
Sénégal est plus fort dans la conception des projets mais c’est le Burkina qui
va plus vite dans l’exécution. A la fin de l’atelier, les parlementaires
sénégalais étaient pour l’adoption de la biotechnologie mais après une large
communication et diffusion de l’information.
Ouagadougou, le 03 octobre 2015
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa
de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr
(+226) 70 95 34 45
(+226) 78 50 16
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BURKINA FASO
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