Le Burkina Faso vient de mettre en place
une Commission de Réconciliation Nationale et des Reformes (CRNR) dans l’optique d’asseoir un renouveau
politique dans le pays. Des hommes capables de faire une réconciliation
ne font pas défaut au Burkina Faso. Le problème, c’est qui est-ce qui on réconcilie
avec qui ? Qu’est-ce que cette réconciliation doit changer ?
Après
l’avènement du 15 octobre 1987, le peuple burkinabè s’était indigné de ce qui
s’était passé entre les militaires. Blaise COMPAORÉ qui venait de prendre le
pouvoir, savait qu’il n’était pas connu dans la société civile. Il savait
également que ce qui venait de se passer n’avait pas plu au peuple burkinabè.
Il fallait donc que des gens contribuent à réconcilier le pouvoir et le peuple.
Parmi ceux-ci, il y’a les ténors actuels du Mouvement du Peuple pour le Progrès
(MPP). Ils ont beaucoup contribué dans
cette réconciliation dans l’esprit de faire la paix au Burkina Faso. Ce qu’ils
n’ont pas pu contrôler de l’armée burkinabè, c’est la violence. Les tueries ont
continué, on peut citer Henri ZONGO ; Jean Baptiste LENGANI et autres.
Le 13 décembre 1998, une autre tragédie s’est produite au Burkina
Faso notamment l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO, un journaliste que le
même peuple burkinabè appréciait et supportait. En 2014, les ténors du MPP se
sont dits : « nous avons cru pouvoir aider à faire la paix et
le changement mais les idées de départ de Blaise COMPAORÉ n’ont jamais changé. Tout
devait être pour lui ». Ils ont alors quitté le navire COMPAORÉ.
Au Burkina Faso, l’armée burkinabé est
reconnue comme une armée solide et vaillante mais divisée par la façon dont
elle est gouvernée. Si l’esprit de réconciliation était dans le cœur des ténors
de cette armée, le travail que devrait faire les généraux de l’armée serait de
travailler à reconstituer cette armée en une armée républicaine unie et soudée
pour la défense de toute la nation sauf s’ils ne méritent pas ce grade de
général. Ils auraient fait leur tâche dans le processus de réconciliation et de
recherche de justice engagé dans le pays. La meilleure façon pour ces généraux
de rendre service au Burkina n’est pas de quitter l’armée pour faire la
politique pendant que ça ne va pas au sein de l’armée. En Guinée Conakry, Sékouba
KONATÉ a été utile pour la transition et est resté utile en Afrique en matière de sécurité.
Les états généraux de la justice
viennent de se tenir au Burkina Faso. J’ai suivi un débat contradictoire de
quatre juristes burkinabé à la Télévision Nationale du Burkina (TNB). Dans ce
débat, le Secrétaire général du syndicat de la justice, monsieur TRAORÉ, a
justifié l’utilité de ces états généraux. Pour la rémunération des juristes, il
dit que si nous ne voulons pas des juristes corrompus, il faut qu’on revoie leur
rémunération à la hausse.
Mais pour maître FARAMA, ces états
généraux ne valaient pas la peine d’être tenus parce que tout ce qu’il faut
changer était connu avant ces états généraux. Pour lui, être juriste, c’est un sacerdoce
et le juriste doit avoir un bon comportement. Pour étayer sa conviction, il a
pris l’exemple d’un monseigneur ou d’un imam. Ces personnalités savent que leur
comportement doit refléter leur titre. La valeur d’un homme n’est pas forcement
liée à sa rémunération.
Cependant, là où les deux se sont
accordés, c’est quand ils soutiennent tous qu’une bonne politique appliquée est
celle qui peut mettre la justice à l’aise. À la lumière de ce que j’ai vécu, je
trouve que cela est vrai. En effet, je vis dans le milieu rural où les démembrements
de la justice, c’est la gendarmerie et la police… Dans ce milieu, nous nous disons
que quand vous avez un problème qui doit se résoudre auprès de la justice et ses
démembrements, vous devez « mettre
un caillou sur le papier » (corruption) sinon le vent va l’emporter. Et
lorsque vous êtes capable de mettre un caillou sur le papier, ils sont capables
de maltraiter à mort votre adversaire pour vous récompenser. Souvent, il suffit
d’avoir un bras long qui passe un coup de fil pour qu’on te fabrique une vérité.
Ces bras longs, ce sont les démembrements de la politique.
Quand le garant de la loi devient le
destructeur de cette loi sans être inquiété, le droit est bafoué. Or, dans
notre société africaine, une erreur commise par un garant des lois
traditionnelles lui coutait la vie immédiatement. À titre d’exemple, dans les
1990, un préfet et un commerçant complice ont pris quatre cent (400) sacs de
maïs dans ma production. Le préfet a utilisé les cachets de la préfecture sur
les correspondances qu’il m’adressait, pour me montrer que c’est l’administration
qui s’en occupait. Deux mois après, ils ne m’ont pas payé. Le dossier est allé
en justice mais les deux avaient de bras longs. La justice n’a jamais pu me
mettre dans mes droits. Beaucoup de producteurs vivent cette situation.
J’ai hâte donc de savoir qu’est-ce qu’on
fait tout de suite avec les résultats des états généraux ? Quelle sera la
place du politique ? Qu’est-ce que ces états généraux disent de la
politique actuelle ? Je reste convaincu que le changement est possible. Le
peuple burkinabé peut se réconcilier mais avec une politique qui respecte le
droit. Le droit ne doit pas être la propriété du politique ou d’un individu car
dans ce cas, on lui donne la possibilité
de le manipuler comme il veut.
Ouagadougou,
le 02 avril 2015
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de
l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr
(+226) 70 95 34 45
(+226) 78 50 16
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BURKINA FASO
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