jeudi 5 février 2015

Ce que je pense du conflit agriculteur-éleveur



Plus de 80%  de la population burkinabé vit en milieu rural. Tous ces ruraux font un minimum d’élevage, de la volaille aux bovins mais l’essentiel des conflits est entre les champs et les bovins et plus particulièrement à cause de la terre qu’ils partagent. J’ai fait mon certificat d’étude primaire en 1969. On me disait à l’époque que la population burkinabé était d’environ 4 millions. Aujourd’hui cette population est à plus de 16 millions, plus ceux qui ont quitté le pays et dont certains pourraient revenir pour être agriculteurs, éleveurs ou pour faire les deux.
La superficie burkinabé n’est pas « élastique ». Je peux peut-être me tromper mais le nombre de têtes de bovins du Burkina dépasse le nombre de têtes de bovins au Pays-Bas. Mais près de 90% du lait du Burkina vient de ce pays ou d’ailleurs. Les éleveurs bovins du Burkina Faso ont de sérieux problèmes pour nourrir leurs animaux. Il y a 100 ans, c’est Dieu et la nature qui nourrissaient et soignaient ces animaux. Les animaux n’avaient pas forcement besoins d’être parqués. Ce qui fait qu’ils pouvaient manger à toute heure la nuit et le jour. Il y avait l’espace pour eux.
Pour se soigner, l’animal choisissait lui-même les herbes qu’il faut. Il pouvait également choisir un lieu qui avait la température que son corps voulait pour se coucher. Si un ou deux animaux mouraient dans une zone, le lendemain l’éleveur pliait bagage pour aller dans une autre zone qu’il pense favorable. Ceci est un des outils que les éleveurs utilisaient. En tant que bobo, un  adage bobo dit que si un éleveur est dans une localité, s’il perd un membre de sa famille, après l’enterrement, il quitte ce lieu.
De nos jours, le bovin est l’outil essentiel de traction utilisé en agriculture au Burkina Faso. Près de 50% des ruraux utilisent les bœufs pour faciliter et accélérer la mise œuvre du calendrier culturale à travers le labour, le sarclage et le buttage. Avec la baisse de la fertilité des terres, les agriculteurs ont également besoin des déchets des animaux pour fertiliser leur terre. Ce qui veut dire que les agriculteurs ont besoins des bœufs pour se développer. Pour cela, les résidus des récoltes sont utilisés pour nourrir les animaux en les stabilisants pendant que les éleveurs traditionnels, qui manquent d’espace, veulent également ces résidus pour nourrir leur troupeau.
Parmi les raisons qui créent les conflits, restent les pistes à bétail et les zones d’élevage. En tant qu’agriculteur et éleveur, je sais que souvent les couloirs sont occupés par les agriculteurs. Ce qui est aussi vrai, est qu’il n’y a plus d’herbe pour les animaux sur ces couloirs même lorsqu’ils ne sont pas occupés par les agriculteurs. Pour les éleveurs, l’alternative reste les zones d’élevage. Je suis moi-même dans la zone d’élevage de Marabagasso dans le Houet.
La zone de Marabagasso qui a été réservée pour l’élevage depuis longtemps est pleine d’arbres. Parmi les herbes qui étaient dans cette zone et qui étaient  beaucoup aimées par les animaux, il y’ avait l’Andropogon gayanus. Mais avec la densité à des moments donnés du cheptel dans la zone, l’Andropogon que la nature nous avait donné a totalement disparu. Les herbes secondaires que les animaux aimaient dans cette zone sont également en phase de  disparition. En effet, tellement les animaux broutent ces herbes qu’elles ne donnent plus de graines.
Il n’y a donc plus de renouvellement des herbes que les animaux aiment. Une question essentielle se pose donc : est-ce que nous allons continuer à avoir une nature où on confie les animaux à Dieu pour les nourrir et les soigner ? En tout cas la France, le Canada, les États-Unis et les Pays-Bas n’ont pas eu cette chance que ce soit Dieu et la nature qui nourrissent leurs animaux. Ils ont dû influencer la nature, les animaux dans leur capacité et le paysage, chaque pays à sa manière.
Nous qui n’avons pas développé notre élevage et notre agriculture, restons un marché de consommateur. Les conflits continuent à opposer les agriculteurs et les éleveurs alors que ce sont des acteurs qui doivent se compléter. Je pense que la solution existe dans une politique bien pensée pour un professionnalisme engagée.
Ouagadougou, le 05 février  2015
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
E-mail: dadilotbf52@yahoo.fr  
Skype:dadilotbf52   
 (+226) 70 95 34 45
 (+226) 78 50 16 25
 BURKINA FASO

Aucun commentaire: