Du
20 au 23 juillet 2017, les parlementaires de la CEDEAO ont eu une rencontre à
Ouagadougou. Le sujet de la démographie dans la sous-région a été fortement discuté.
Il y a eu un engagement selon lequel on limiterait dans l’espace CEDEAO, le
taux de natalité. Chaque femme devra dans l’avenir mettre au monde 03 enfants
au maximum. Cela a suscité un débat entre les citoyens. Certains citoyens faisaient
allusion tout de suite à l’intervention du Président français Emmanuel MACRON
où il a relevé que la démographie serait un des freins au développement en
Afrique. Je trouve ce débat normal car c’est en débattant sur un sujet qu’il y
a l’appropriation. Pour certains, cette position de Emmanuel MACRON est de
l’impérialisme. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas soumis, par
contre je ne vois pas cette position du Président Emmanuel MACRON en
impérialisme. Selon moi, le Président MACRON intervient sur ce sujet comme un humaniste
et un économiste. Cette posture ne lui permet pas des illusions fatalistes. Nos
parlementaires que je trouve intellectuels sont élus pour analyser et avoir une
vision futuriste pour la sous-région, en prenant en compte la réalité de la
situation actuelle, les exigences des citoyens qui ont le droit de bénéficier tous
du même traitement pour qu’il y ait la paix et le développement.
Je
suis un agriculteur, fils d’un autre agriculteur. Je vais me contenter de
décrire ce que j’ai appris, ce que j’ai vécu et ce que je pressens dans le
milieu rural. Selon ce que j’ai entendu de mes parents, dans l’histoire de
notre société, c’était le nombre d’enfants dans une famille qui faisait la
fortune et la fierté. Comme tout le travail se faisait à la main, plus on était
nombreux, plus on gagnait et il faut voir ce gain dans plusieurs sens. Par
exemple, si vous étiez nombreux dans votre champ, on pouvait difficilement vous
attaquer. Mon père m’a même dit qu’à un moment, pendant le travail champêtre,
certains devaient s’armer et être perchés sur un arbre en sentinelle afin que
la famille ne soit pas surprise par des ennemis. Voilà pourquoi, ils priaient
leurs ancêtres pour qu’il leur donne beaucoup d’enfants. Quant à mon père, il en
a beaucoup eu. J’étais l’un des rares qu’il ait
pu mettre à l’école. Le fait que mon père n’ait pas pu scolariser tous ses
enfants a fortement retardé l’éveil de la famille. Moi également, j’ai beaucoup
d’enfants que j’ai tous pu scolariser. Mais les difficultés que j’ai senties et
qui pèsent toujours sur moi, ce sont celles de payer les frais de scolarités de
plusieurs enfants. Parmi mes garçons, certains ont choisi d’être agriculteurs.
Comme j’ai très tôt modernisé mon agriculture en passant de la charrue au
tracteur, le problème d’indisponibilité des terres s’est tout de suite posé. Au
Burkina Faso, tout le monde sait que le problème d’indisponibilité des terres
est l’objet de beaucoup de migrations entre les régions. Tout burkinabè conscient
sait que le problème foncier, s’il n’est pas réglé dans un esprit responsable,
patriote et humain, il sera toujours une source de conflits. Comme la terre
n’est pas élastique, comprenez alors que je donne raison aux parlementaires de
la CEDEAO.
Cependant,
la décision de nos parlementaires a des exigences. Ce ne sont pas des décisions
d’éclat qui ont manqué à nos structures africaines depuis les indépendances. C’est
la philosophie et le comportement qui doivent conduire à la concrétisation des
décisions prises, qui ont souvent fait défaut. La présente décision de limiter
le nombre d’enfants à trois par femmes, implique la modernisation des services
de santé. Elle ne peut aussi être effective que si toute la population a accès
aux mêmes informations et aux mêmes soins. Dans les pays pauvres enclavés, on
sait ce cela vaut. L’instruction et l’éducation doivent être réadaptées pour
l’éveil des consciences professionnelles et patriotes. Quant à l’agriculture
qui est mon métier et qui occupe près de 80% de la population de la CEDEAO, la
modernisation de celle-ci est obligatoire car nos ancêtres ne comprendront pas
que dans nos boutiques, il n’y ait que du riz importé. Nos chercheurs doivent
pouvoir occuper véritablement leur place. J’ai eu l’occasion de rencontrer des
chercheurs indiens, chinois et brésiliens ; c’est dans la créativité vraie
et appliquée qu’ils sont en train d’avancer. Si nous produisons des denrées
alimentaires de qualité adaptée à la consommation de la population, il n’y a
pas de raison qu’il y ait une aussi grande importation. La transformation de
ces produits pour les adapter est aussi une condition sin qua non et c’est cela
qui va créer l’emploi pour une bonne partie de la jeunesse. Cette
transformation doit être adossée à une véritable politique de commercialisation
pour augmenter les revenus et contribuer à l’amélioration des conditions de vie
des populations.
Quand
les producteurs de coton africains avaient soulevé le sujet du coton qui a été
par la suite débattu à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), il y a eu
beaucoup d’engagements et nous avons senti sur ce sujet du coton, une cohésion
possible entre les négociateurs africains. En rappel, un de mes amis français académiciens,
Erik ORSENNA, a fait un livre qui montre que la réflexion devait continuer. J’interpelle
alors les parlementaires qui ont pris cette décision à rentrer dans l’histoire
en suscitant des actions correspondant à la hauteur de leur décision.
En tant que
citoyen Burkinabé
Erik ORSENNA et François TRAORE
Ouagadougou, le 30 juillet 2017
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
www.francoistraore.blogspot.com
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