dimanche 30 novembre 2014

Ce que je pense de la révolution populaire et de la transition au Burkina Faso

Le Burkina Faso vient de vivre une troisième révolution après celle contre le régime du président Maurice YAMÉOGO et celle de la période du CNR. Je ne m’attarderais pas sur celle contre le régime YAMÉOGO mais je me permets de faire une analyse de celle du CNR et cette dernière. Selon ma compréhension, la révolution sous le CNR avait été initiée par des idéologues militaires et civils, appuyés par la population. Elle a donc eu une adhésion de la masse populaire. Le porteur de cette révolution qui était le capitaine Thomas SANKARA, était un homme qui avait acquis la confiance de la population par son comportement et son verbe.
Une des premières difficultés de cette révolution était que ce que l’engagement à une révolution exige, n’était pas compris par tout le monde. On peut citer les Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) dont l’esprit était de lutter contre la corruption, les travaux d’intérêt collectifs, le pouvoir décentralisé au peuple, l’amour du travail bien fait, la rigueur au travail, la reconnaissance du mérite, l’esprit de consommer burkinabè, la souveraineté alimentaire et économique et compter sur nous même pour le développement dans une cohésion sociale. Il y’a donc eu un évènement malheureux qui a couté la vie au capitaine Thomas SANKARA et à ses collègues.
27 ans 16 jours après, c’est le peuple burkinabè y compris les hommes politiques et la société civile, qui prend ses responsabilités pour une nouvelle révolution. Cela a abouti à la démission du président Blaise COMPAORÉ. Ce peuple a été rejoint par des militaires patriotes qui se sont dits que leur mission de défense et de sécurité était pour le peuple et non contre le peuple. Heureusement pour le peuple burkinabè, que des militaires qui raisonnent de cette manière existent toujours au Burkina.
Par la suite, un gouvernement de transition a été formé avec comme président son Excellence Monsieur Michel KAFANDO, un civile et son Excellence Monsieur Yacouba Isaac ZIDA comme premier ministre militaire qui, avec l’aval du président, a formé un gouvernement. Dans les discours des deux personnalités, on retient ceci : pour le président, rien de sera plus comme avant. Il faut qu’il ait justice. Pour le premier ministre, il faut la rigueur au travail et pas d’impunités. Cette rigueur commence par eux qui sont les premiers responsables de ce pays car selon lui, le poisson pourrit par la tête.
Je m’attends à ce que la révolution soit comprise cette fois-ci par l’ensemble du peuple. Un adage dit qu’un jour l’hyène a décidé d’être bouché, chose qui constitue une révolution. Elle a acheté un bœuf qu’elle a tué, dépecé en six morceaux, le septième morceau étant la tête. Le premier client qui s’est présenté voulait les deux cuisses. Elle a dit à ce premier client que les deux cuisses n’étaient pas vendables. Le deuxième client voulait les deux bras, l’hyène a dit que ça également, elle ne vend pas. Le troisième client voulait choisir parmi les autres morceaux mais l’hyène a eu la même réaction. Pour l’hyène, c’est la tête seulement qu’elle pouvait vendre. Lui que nous savons qu’elle aime la viande, voulait être bouché mais en ne vendant que la tête. Cet adage, je le dédie au peuple burkinabè. Si nous avons voulu la révolution, il faut que nous acceptions changer nos mauvaises habitudes. Pour cela, nous devons tous contribuer à rééduquer le peuple. Le peuple doit savoir que le pouvoir l’appartient et que c’est sur lui également que le pouvoir doit être exercé.
Après les interventions du président et du premier ministre du Burkina Faso, j’ai entendu des gens dire qu’ils étaient trop durs ; qu’ils devraient se contenter de gérer la transition et d’organiser les élections. Moi je dis non ! Le changement doit se sentir dès la transition que nous avons l’occasion d’avoir. Nous devons dès maintenant sentir la justice sociale et économique. Les résultats positifs que nous avons eus dans l’ex-régime ont été obtenus par le dévouement de certains patriotes burkinabés. Les erreurs qui ont amené la révolution ont été possibles grâce à la complicité de certains burkinabés.
Dans ses nominations, le régime passé nommait souvent que des hommes fidèles plutôt que des hommes capables de dire non. Même les décorations étaient politisées. Tous les secteurs financiers étaient contrôlés par « leurs hommes ». À titre d’exemple, les membres de la  chambre de commerce viennent de se plaindre de leur structure parce qu’elle a été manipulée par le régime passé. Cet influence est allée jusqu’au secteur agricole notamment à l’Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPCB) à travers son président. Ce dernier qui a été imposé aux producteurs de coton, a opté de gérer comme le régime COMPAORÉ en manipulant tout avec l’argent de l’UNPCB. Du coup, il politisait l’organisation qui est apolitique, en faveur du régime. C’est ainsi que même les cotisations des cotonculteurs étaient utilisées pour faire des campagnes du CDP. Tout cela est également en train d’être dénoncé par les producteurs.
J’encourage le gouvernement à persévérer dans la justice et interpelle les hommes politiques et la société civile à éduquer le peuple pour qu’il accepte le changement.
Ouagadougou, le 30 novembre 2014
TRAORÉ B. François,
Agriculteur Burkinabé,
Docteur honoris causa de l’Université de Gembloux,
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