A l’occasion du 70ème anniversaire de la mort de Vavilov, j’ai été
invité le 17 septembre 2013 par FARM et la Mission
Agrobiosciences pour participer à un colloque qu’elle a organisé à
Toulouse en collaboration avec ses partenaires (GNIS, ENFA et l’ENSAT). En
rappel, Nikolaï Vavilov est l’un des premiers scientifiques à établir un lien essentiel
entre la diversité biologique des ressources végétales et la sécurité
alimentaire des sociétés (FARM, 2013). Afin de concilier augmentation de la
production et protection de l’environnement, les débats menés pendant ce colloque
ont porté sur les enjeux de la diversité agricole. Il s’agissait essentiellement
d’échanger sur les nouvelles stratégies de conservation des ressources
génétiques à mettre en place, de s’interroger sur le droit international sur le
partage de ces ressources et de discuter de comment accroître la
diversité dans les systèmes de production agricole.
J’étais le seul agriculteur africain à ce colloque parmi des
chercheurs, des professeurs d’université et des étudiants. J’ai participé à une table ronde pour apporter ma vision en
tant qu’agriculteur africain sur tous ces sujets. Des développements ont été
faits sur l’évolution des cultures en Occident et en Afrique par les chercheurs
et sur les différentes règles et méthodes
s’appliquant au processus de création et d’utilisation des semences
naturelles, semences améliorées, hybrides et aux OGM depuis les années 1800 jusqu’à
nos jours. Les lois qui autorisent le chercheur à breveter sa trouvaille ont
été critiquées. Une des lois dit que si
le chercheur investit et trouve quelque chose sur lequel il met son brevet, il
a vingt ans pour rentabiliser son investissement. Pendant cette période
personne d’autre n’a le droit de se lancer dans la reproduction et la
commercialisation de cette trouvaille.
Dans ma présentation à la table ronde, j’ai dis qu’historiquement
dans tous les continents, il y a eu des chercheurs car dans chaque continent,
les hommes ont trouvé quelque chose qu’ils ont isolé pour l’entretenir et se
nourrir avec. En Afrique on peut citer le mil, le sorgho, le fonio, le poids de
terre et l’arachide. Dans la forêt on peut citer le néré et le karité. Leur
distribution entre producteurs était presque gratuite et selon des relations
sociales. Mais cela a évolué avec la période de la colonisation quand nous avons
vu introduire des cultures comme le café, le cacao, arachide, coton dans leurs
formes industrielles. Nous avons par la suite eu des chercheurs qui ont
commencé à mettre des semences adaptées à nos besoins au point. Mais le principal
problème se trouve entre le résultat obtenu par la recherche et son utilisation
par l’agriculteur. Il y a toujours des problèmes attribuables à la méthode de
vulgarisation qui prend sa source dans l’inadaptation des différents programmes
agricoles en Afrique.
J’ai profité donné ma préoccupation par rapport à une des questions
que le directeur de FARM avait posé aux chercheurs à savoir « est-ce que
ce n’était pas mieux pour la sécurité alimentaire en Afrique, qu’on accompagne
les petits producteurs pour que ce soit eux qui nourrissent les populations de
leurs villes ? ». Un des participants à rétorqué en disant que
« les petits producteurs africains sont les plus affamés ». Ma
position par rapport à cette question était que le développement en Afrique
passait seulement que par là. Que les ruraux qui représentent 80 % de la
population burkinabé soient accompagner pour se nourrir et nourrissent les 20 % de la ville. Pour
atteindre la sécurité alimentaire, chaque producteur doit avoir à la fois de
quoi se nourrir et de quoi vendre à un prix rémunérateur pour subvenir aux
autres besoins.
En effet, ce qui
affame le rural, c’est quand il a des céréales juste pour sa nourriture et est
obligé de vendre une partie pour subvenir aux besoins de scolarisation de ses
enfants, aux problèmes sanitaires et à leur habillement. Du coût le reste des
céréales n’est plus suffisant pour sa famille. Comme ce qu’il a vendu n’est pas
beaucoup, ça ne suffit pas également pour la ville. Cette insuffisance à
changer l’habitude alimentaire des citadins qui consomment aujourd’hui essentiellement
que des aliments importés : dans la ville les gens mangent le pain le
matin, le riz à midi et le soir avec de l’huile très souvent importée également.
Tant que les ruraux et les citadins africains seront si dépendants
de l’importation, ceux qui exportent en Afrique vont avoir l’argent et l’Afrique
va rester toujours pauvre. Quelqu’un m’a dis « est-ce que cette situation
n’est liée au fait que certains africains produisent beaucoup de cultures de
rente (le coton, le café…) pour l’exportation ? ». J’ai trouvé que
cela était normal et que ces produits sont mêmes insuffisants sur le marché
mondial. Ces cultures sont adaptées à notre environnement agro-écosystème. Nous
savons qu’il y a même des problèmes dans la commercialisation de ces produits. Pour avoir de la valeur
ajouté, il faut qu’ils soient nécessairement transformés en Afrique.
C’est ce déséquilibre commercial qui entraine l’exode rural et
la migration des jeunes vers l’Occident. Nous avons même vu au Mali que Al-Qaïda
a recruté certains de ces jeunes ruraux. Ce serait désormais mieux que l’Occident
investisse en Afrique pour maintenir les ruraux que d’investir pour calmer une
guerre.
Par rapport à la culture du coton OGM au Burkina Faso, ma
position est que les producteurs de coton avaient un problème de résistance des
insectes aux insecticides qu’ils utilisaient. Après cinq ans de culture du coton
Bt (OGM), nous avons vu que les OGM ont solutionné le problème. En attendant
les producteurs de coton du Burkina sont contents d’avoir utilisé les OGM.
Toujours est-il que les autres cotons sont toujours cultivés au Burkina
notamment le coton conventionnel et le coton biologique.
Pour la conclusion de ce colloque, une professeure de
l’université d’Amsterdam a trouvé que pour la sécurité alimentaire, il était possible
que le monde continue à se nourrir pourvu qu’il sache que c’est un devoir
social. Des technologies existent, des semences existent, il faut tout
simplement que l’homme soit prudent dans leur utilisation et dans la
conservation. Comme exemple de technologie, elle a dis qu’il y a douze ans que les
OGM sont produits dans le monde et que leur
consommation n’a pas encore causé un problème à quelqu’un. Elle a terminé
en saluant les idées de Vavilov.
TRAORE B.
François,
www.francoistraore.blogspot.com
Docteur
honoris causa de l’Université de Gembloux
Président
d’honneur de l’AProCA
E-mail :dadilotbf52@yahoo.fr
(+226) 70 95 34 45
(+226) 78 50 16
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BURKINA FASO
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