J’ai
été invité le 04 mai 2013 à l’université de Ouagadougou par la première
promotion des étudiants en master en Economie
et politique agricole pour faire une conférence. Ils sont recrutés dans le cadre du Programme de
Troisième Cycle Interuniversitaire (PTCI) en économie. Ce programme regroupe 17 pays de l’Afrique. Ces étudiants
au nombre 30 bénéficient chacun d’une bourse de la Fondation Melinda et Bill Gates
(BMGF), qui a financé le programme. Les autres partenaires du PTCI sont
l’Alliance pour la Révolution Verte (AGRA), l’ONG de Koffi Annan et le
Programme Agriculture et Sécurité Alimentaire du CRDI (Institut de recherche
canadienne).
L’objectif
global de cette nouvelle filière de formation est de combler le déficit
d’expertise en matière d’élaboration et de mise en œuvre de politique agricole
en Afrique et d’améliorer la gestion économique de ces pays africains dans le
cadre du développement rural et de la lutte contre la pauvreté.
Les
étudiants sont formés pour pouvoir exercé dans les domaines de l’enseignement, les
Ministères, le secteur Privé, les Instituts
et Centres de recherche, les Institutions Internationales, les ONG, etc.
Selon
les étudiants, il est prévu dans leur programme des conférences données par des
acteurs du terrain. C’est dans ce sens qu’ils m’ont fait appel pour partager
mes expériences avec eux autour des thématiques « coton et sécurité alimentaire et la place
du coton génétiquement modifié dans la filière cotonnière burkinabè ». Pour moi, dans la production cotonnière au Burkina
Faso, la recherche a recommandé comme itinéraire technique la rotation entre le
coton et les céréales. Ce qui veut dire que chaque fois dans un champ, la
superficie occupée par le coton est utilisée pour les céréales l’année suivante.
L’essentiel de ces céréales au Burkina est devenu du maïs à près de 60 à 70%
dans la zone cotonnière.
Cela
a fait des producteurs de coton les meilleurs producteurs de céréales. Le rendement
en maïs de ces producteurs de coton est satisfaisant parce que non seulement ils
bénéficient de l’arrière effet de l’engrais mis dans le champ de coton ;
ils reçoivent également de l’engrais pour leur maïs. De plus mon expérience en tant
que agriculteur m’a donné la preuve que l’important feuillage de coton qui tombe
en fin de cycle constitue de la matière organique qui se décompose et devient
une source nutritionnelle pour la culture céréalière qui succède au coton. Tout
cela contribue à augmenter le rendement du maïs après le coton. Je vais même
dire que grâce à la rotation, les paysans ont perçu la rentabilité du maïs ; Car pour une famille qui produit
5 ha de sorgho pour subvenir à ses besoins alimentaires, deux ha de maïs suffisent
pour le faire.
Le
coton est un des rares cultures de rente que je connais et qui a un lien étroit avec les céréales. En
plus un kilogramme (kg) de coton graine contient environ 43% de fibres et 52%
de graines. La graine est très nutritive pour les animaux. Un kg de cette même
graine contient de l’huile consommable par l’homme qui est évaluée à 36%. On
peut donc dire que dans un kg de coton graine, hormis la fibre, il y a 52% de
graine qui contribue à la securité alimentaire. On sait également que dans sécurité
alimentaire il y a revenus; c’est pour dire que l’argent du coton contribue à
la securité alimentaire.
Quant
au Coton Génétiquement Modifié (CGM), le Burkina est parmi les premiers à le
produire en Afrique. Cela suite à un
certain nombre de problèmes de parasitisme que les producteurs ont vécu.
Le producteur de coton burkinabè qui avait découvert l’intérêt de l’argent du
coton et tout ce que le coton lui rapporte, ne voulait pas que ce soit le
parasitisme qui l’empêche de produire son coton. C’est dans cette inquiétude
que les producteurs, les sociétés cotonnière et l’Etat ont été obligés de se
donner la main pour introduire cette technologie au Burkina Faso.
Moi
particulièrement, cela fait cinq ans que je cultive le CGM. J’encourage la
recherche et les partenaires (sociétés cotonnières) à tout faire pour qu’on
continue à avoir cette semence qui est multipliée
sur place au Burkina par nous même les producteurs de coton car moi-même je
suis semencier.
Mon
appréciation pour cette promotion universitaire, est que l’initiative est salutaire.
Parce que pour moi en Afrique il n’y a pas pour le moment des politiques agricoles adéquates. Dans un
pays où il existe une politique
agricole, avec 80% de population agricole, on ne peut pas continuer à ne pas
atteindre une souveraineté alimentaire. Les céréales que nous cultivons en Afrique
pour nous nourrir, sont cultivées et destinées à la l’alimentation du bétail
dans d’autres pays comme le canada, les Etats-Unis et la France. Quand ces céréales manquent à ces
animaux, il y a un scandale et tout le monde entier est secoué.
Un
de mes amis Français m’a déjà dit que nous sommes « des manges mil »
parce que nous mangeons directement les céréales, alors que eux, ils ont dépassé
cela il y a longtemps. Dans ces pays, on ne peut plus avoir 5% d’agriculteurs.
Comment nous pouvons démontrer à des gens de ces pays que nous avons 80% de
notre population qui est agricole, que nous avons une politique agricole et que
nous n’arrivons pas à nous nourrir ?
A
la fin de ma conférence, j’ai encouragé ces jeunes à être endurant et persévérant.
Il faut qu’ils aient le courage à s’engager à fond et vouloir risquer
(entreprendre). Cela doit commencer depuis la phase estudiantine. Je leur ai
dit que j’entends souvent des manifestations dans les universités. Ces mouvements
de manifestation ont peut être leur raison, mais eux, je les encourage à
s’imposer par l’endurance et la volonté de bien faire. L’expérience m’a montré
qu’on change plus facilement les choses quand on travaille bien. Ce n’est pas
parce qu’on est jeune qu’on ne peut être responsable et compétent.
Moi,
j’ai été chef de famille à quinze ans. C’est dans mon endurance du travail bien
fait que je me suis fait respecter. Je ne pouvais pas imaginer un droit de revendiquer car mon père était
aveugle et ma mère âgée. Ma seule issue était de me battre honnêtement. J’ai
donc demandé aux jeunes de s’engager à bien faire dès leur vie estudiantine car
leurs pays et l’Afrique compte sur eux. C’est le temps de l’Afrique maintenant,
le temps de changement de mentalité. Quand quelqu’un s’engage à innover, le changement
doit se sentir dans son comportement quotidien ; même dans son sommeil
quand il se couche, il doit se dire « je
me suis engager à faire ça, est ce que je l’ai fait, je dois le faire » ;
car l’handicap de l’Afrique ce n’est pas qu’on ne s’engage pas ! On s’engage
mais cet engagement ne change pas le comportement et quand le comportement et
le mental ne changent pas, rien ne sera fait pour ce dont on s’est engagé.
Ce
que nous reprochons à nos devanciers, si nous ne changeons pas, nous ferons la même
chose, alors nous subirons, et nous... Je souhaite bonne chance et courage à
ces jeunes étudiants.
Ouagadougou, le 30
Avril 2013
TRAORE B. François,
www.francoistraore.blogspot.com
Président
d’honneur de l’AProCA,
Docteur honoris causa.
(+226) 70 95 34 45
(+226) 78 50 16 25
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