dimanche 6 mars 2011

Ce que je pense du lancement de formation en conseil de gestion à l’exploitation aux entrepreneurs agricoles à Matourkou.

J’ai été invité dans le centre agricole polyvalent de Matourkou (Bobo-Dioulasso) dans la province du Houet par le ministère de l’agriculture de l’hydraulique et des ressources halieutiques au lancement de formation en conseil de gestion à l’exploitation aux entrepreneurs agricoles. Une centaine de producteurs entrepreneurs agricoles était représente. La représentante du maire de BOBO a été la première à prendre la parole. Pour elle, la province du Houet est heureuse d’accueillir cette formation pour accompagner les producteurs vers la modernisation de leurs exploitations. Pour que le potentiel de la région soit bien valorisé par les agriculteurs, il faut qu’ils soient bien formés. Elle a souhaité que cette formation prenne en compte toutes les activités de l’agriculture.
 Le ministre de l’agriculture de l’hydraulique et des ressources halieutiques monsieur Laurent SEDGO était le président de la séance. Pour le ministre, sa vision de l’agriculture passe par les entrepreneurs agricoles. Il poursuit en disant que l’agriculture que nous avons héritée de nos parents sur la petite daba doit changer, car nos besoins ont augmenté. Nous voulons aujourd’hui envoyer nos enfants à l’école, dormir dans des maisons acceptables et chacun de nous veut avoir plusieurs habits. Nous voulons varier nos repas et nous soigner dans les dispensaires. Nous avons un métier qui est l’agriculture qui peut le faire. Pour que l’agriculture le fasse, il faut un changement de comportement. Ce comportement consiste à ce qu’après les récoltes nous ne passions plus le temps à l’ombre et à le suivre lorsqu’il bouge nous bougeons. Il demande également que nous n’attendions plus que la pluie tombe pour savoir ce que nous voulions semer et où le semer ? Toujours pour le ministre, l’entrepreneur agricole, c’est quelqu’un qui gère une terre, des hommes, des moyens pour un objectif et cela mérite une méthode appropriée. Avec cette entreprise où il y a des moyens, l’agriculteur doit savoir programmer. Ce n’est pas avec le résultat du travail de 4 mois mal orienté que l’agriculteur pourra avoir tous les besoins cités plus haut. Aussi pour l’exploitation elle-même, l’agriculteur doit savoir ce qu’il faut faire et pourquoi ? Un entrepreneur agricole doit avoir des bœufs de trait avant de s’acheter une moto Sanili. Les déchets de ces bœufs de trait peuvent l’aider à constituer sa fumure organique pour le champ. Cela suppose qu’il ait une capacité d’analyse. Sur sa surface cultivable, et selon l’adaptation de cette surface, s’interroger avec quoi veut-il nourrir sa famille ? Avec quelle proportion de surface dont il dispose, peut-il faire une production dont le rendement lui permet de nourrir sa famille et qui s’adapte à son terrain. Et comme il a d’autres besoins, se questionner sur ce qu’il doit cultiver sur le reste de sa surface pour qu’elle lui procure de l’argent afin de satisfaire ses besoins multiples et nécessaires. Selon le ministre, la femme du producteur doit paraître bien habillée lors du « Djandjoba ». Donc, ce qu’il appelle entrepreneur agricole, c’est celui qui est fière d’être agriculteur, qui s’assume en se disant qu’il est comme tous les autres même les salariés des autres métiers. Sa famille doit être bien à l’aise et cela est possible. C’est pour cela qu’il a voulu qu’il ait une méthode d’accompagnement à la gestion de l’exploitation. Pour le ministre, ces entrepreneurs agricoles doivent être la lumière et le sel du milieu rural. Ils doivent démontrer aux autres agriculteurs que l’agriculture n’est pas le métier  où quand tu n’as rien à faire tu viens faire. Si l’exploitation et ses revenus sont bien gérer, l’agriculteur peut se suffire comme tout le monde. Il veut qu’on bannisse le misérabilisme de l’agriculture. Il veut que ces entrepreneurs soient le pilier du professionnalisme, de la productivité et de la rentabilité. Selon l’information que le directeur régional lui à donné, les entrepreneurs agricoles repérés du Houet valent un millier pour le moment. Il dit, admettons que tout ce millier d’entrepreneurs choisissent de faire du maïs parce qu’il est rentable. A eux seuls à 5 ha de maïs, si chacun à une productivité de 5t/ha, leur production peut démontrer déjà que l’autosuffisance alimentaire peut être atteinte même par un groupe restreint de producteurs. Cela veut dire que le producteur doit choisir sa production selon la rentabilité qualitative, quantitative et par rapport au marché. Avec un tel rythme, sa préoccupation ne peut plus être que gagner juste à manger parce qu’il n’a plus besoin de grande surface pour nourrir sa famille. Avec 5t/ha pour une famille où chacun n’a besoin que de 200kg/an pour se nourrir, c’est très facile de satisfaire la famille en alimentation, en faire une spéculation et choisir d’autres productions parmi les autres qui lui semblent économiquement rentables. Par exemple, si tu sais que ta terre s’adapte au sésame, après s’être rassuré d’avoir de quoi manger sur ton ha, tu fais ton sésame. Dans le cas où c’est le coton qui s’adapte et qui est rentable, tu fais ton choix. Selon lui désormais voilà le genre d’agriculteur qu’il veut qu’il propulse l’agriculture Burkinabè.
Il voudrait que le gouvernement burkinabè qui soutient l’agriculture, puisse voir les résultats de ce qu’il lui à donné. Alors, il faudra qu’il présente au premier ministre des paysans à qui il s’adresse et qui sont capables avec une méthode qu’ils ont apprise, de démontrer leurs entreprises, de montrer les résultats de soutien. C’est ce qui va ouvrir la porte à d’autres soutiens pour d’autres agriculteurs. Cette influence positive donnera aux agriculteurs Burkinabè, une capacité de satisfaire le marché national, régional et international. Parce que dans un pays si vous attendez qu’on vienne vendre chez vous, et que vous vous ne vendez rien à l’extérieur, cela veut dire que vous faites sortir de l’argent pour les autres agriculteurs et vous vous ne faites rien rentrer. Les pays producteurs de riz qui font rentrer le riz au Burkina Faso, chaque année, eux ils continuent à prendre l’argent du Burkina au détriment des producteurs Burkinabè pourtant nombreux près de 80% pendant qu’il y a beaucoup de plaines favorables à la culture du riz au Burkina Faso. Le ministre pense qu’il manque un professionnalisme c’est-à-dire une capacité d’analyse et d’action. Il a terminé en encourageant les entrepreneurs agricoles et leurs formateurs à profiter de cette occasion pour propulser l’agriculture burkinabè. Il sait que s’il est aidé par les actions positives des agriculteurs qui démontrent la fiabilité de l’action gouvernementale vis-à vis des agriculteurs, en tant que ministre, il sera toujours écouté par ce gouvernement et les accompagnements vont continuer.
Après le ministre, c’est le directeur de l’économie rurale qui a présenté la démarche des différents formateurs qui n’attendaient que ces opportunités pour démontrer leurs capacités.
Par la suite, le porte des entrepreneurs agricoles en formation, profitant de la présence du ministre  à fait quelques suggestions. Parmi ces suggestions, il y a la poursuite des formations pour d’autres producteurs, l’accompagnement des producteurs dans l’approvisionnement en intrants (engrais, pesticide, semence) et en matériel agricole (tracteurs, motopompes). Le ministre les a écoutés avec attention. Dans sa réponse, il dit que la vision du gouvernement, c’est de continuer dans ce sens. Il y a un fond des intrants qui est créé pour accompagner toutes les filières (coton, maïs et d’autres cultures). Il est prévu également l’installation d’une usine de montage de tracteurs pour moderniser l’agriculture Burkinabè. Mais selon lui, il va falloir que ces entrepreneurs agricoles s’organisent dans les filières pour être crédibles. Il a ajouté que la première opération des tracteurs à démontrer que cette crédibilité est possible. Il a cité comme exemple l’UNPCB qui dans sa capacité à pu avoir beaucoup de tracteurs pour ses membres. Pour lui, ce qu’un producteur ne peut pas faire tout seul, il doit savoir qu’en se mettant ensemble dans les groupements, les unions, les chambres d’agricultures, ils peuvent le faire tout en se mettant dans les conditions dans lesquelles les banquiers et d’autres partenaires dont l’Etat peuvent leurs faire confiance. Les banquiers ne vendent que de l’argent, mais avec la simple parole et le simple visage, ils ne vont pas donner leur argent. Donc, il demande une fois de plus à ces entrepreneurs d’être le sel dans ces différentes organisations pour donner une crédibilité professionnelle à ce métier ; que là où un salarié peut avoir un crédit, que les agriculteurs organisés puissent y avoir le crédit et même en avoir plus. Il pense qu’un professionnel en matière d’intrants n’attend pas forcement que des cadeaux car sa première préoccupation, c’est la qualité et la disponibilité des intrants. S’il y a de l’aide pour amoindrir le coût, ce serait le souhait du professionnel. Mais, celui-ci ne veut pas être retardé parce qu’il ne sait pas où trouver des intrants ou être endommager par des intrants de qualité douteuses. A ce sujet, les professionnels bien organisés peuvent chaque fois susciter ces grandes préoccupations et ils seront toujours écoutés.
Après ces différentes interventions, nous avons visité quelques parcelles de démonstration en chou de maraîchage où est appliquée la méthode GIPD face aux habitudes des agriculteurs. La méthode GIPD c’est avec des intrants naturels et l’application d’une formation. La méthode classique des agriculteurs utilise les intrants chimiques. La différence était nette, la méthode GIPD était la meilleure. Nous avons par la suite visité des agents d’encadrement en formation. Dans cette formation, les cours que nous avons vus portaient sur le comportement des agents dans les villages.  Un agent dans un milieu doit savoir que son premier objectif, c’est de se faire accepter par le milieu. Très souvent certains comportements inadaptés aux réalités de certaines localités peuvent dévier la mission parce que la population ne se retrouve pas en lui. Un agent ne doit pas avoir comme objectif, j’ai du boulot, je suis payé par mois, je peux faire ce que je veux. Alors que ce que tu veux, devait être l’application de ce que tu as appris en t’adaptant à leur réalité pour faire le changement positif. Ton mérite doit être expliqué par les paysans que tu conseilles parce qu’ils t’ont bien compris. C’est là où tu mérites ton salaire mais, ce n’est pas en menant des activités qui vont contre leur nature. 
Nous avons terminer les visites en faisant le tour du centre de formation de Matourkou qui a été un grand investissement qui valait le coût parce que c’est un centre où il est prévu de donner du savoir et du savoir faire à la population la plus nombreuse, les agriculteurs. L’état de certains outils et de certains locaux demande à ce que ce centre soit  réfectionné. Pour moi, Matourkou est le passage obligatoire pour les entrepreneurs agricoles et leurs techniciens si on veut la modernisation de l’agriculture.
Moi en tant que ancien responsable de plusieurs organisations, je pense que la vision de choisir des entrepreneurs agricoles et de les former est une bonne chose. Mais, j’espère bien que le choix de ces entrepreneurs a été fait sur des critères bien précis pour que l’on ne se trompe pas de cible. Chaque entrepreneur doit être exemplaire dans la production dans son milieu. Sa capacité d’entrepreneur ne doit pas souffrir de doute parce que pour moi la formation n’est qu’un outil pour leur facilité la tâche. Si quelqu’un a été choisi par son agent parce qu’il est seulement un ami, cet encadreur passera tout son temps à expliquer à son patron pourquoi ça n’a pas marché chez ce producteur. Alors que si le producteur est bien choisi,  c’est lui qui doit expliquer pourquoi ça marché chez lui. Au Burkina, nous avons tous été heureux de recevoir les étalons cadets avec la coupe venant du Rwanda. Je ne pense pas que ce soit au Rwanda qu’ils ont fabriqué leur victoire, cette victoire a été tout une démarche : le choix des joueurs, du gardien, de l’entraineur et des moyens. En 90 mn le jour de la finale, les résultats sont sortis. Cela a été le résultat de la conjugaison de tous les efforts. Il suffisait de se tromper de gardien, d’entraineur, de joueurs ou de moyens pour qu’on ait la défaite au Rwanda et revenir la tête baissée avec beaucoup d’explications. Mais là au retour des étalons cadets, on n’avait pas besoins d’expliquer. C’est avec des cris de joie qu’ils ont été accueillis ; tous les Burkinabè savaient qu’ils sont revenus. Le Burkinabè, moi je pense que c’est ça. Il faut des hommes de qualité pour tirer tout le Burkina vers la prospérité. Pour moi choisir les hommes de qualité veut dire les mettre en action au service des autres et les soutenir parce que leur réussite montre aux autres que c’est possible. Un producteur entrepreneur bien formé, dans son quotidien forme plusieurs producteurs. C’est ainsi que se construit la société africaine. Les grands accompagnent ou forment les petits ; ce n’est pas l’inverse. Un jour, je suivais sur une chaîne de télévision régionale « Africable » basée à Bamako un entrepreneur sénégalais de grand moulin qui expliquait sa réussite, qui démontrait que l’Africain est capable. Mais il faut avoir la volonté et les outils. Chez nous dans le langage courant, un entrepreneur, c’est quelqu’un qui fait des bâtiments. Le ministre de l’agriculture du Burkina a démontré qu’un entrepreneur, c’est quelqu’un qui gère des hommes et des biens, travaille pour atteindre sa prospérité. Donc, pour moi désormais, mon souhait serait qu’avec ces entrepreneurs agricoles, qu’on sache que dans tous les métiers on peut et on doit être entrepreneur et être uni. Le développement passe par là.                                                                                                                 


                                               Ouagadougou, le 04 mars 2011
                                                           TRAORE B. François,
                                                             Docteur honoris causa


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