Invité par le comité d’organisation, j’ai participé en
tant que vieux producteur de coton et ancien président de l’Union Nationale des
Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB), à la première édition du Salon International du Coton et du Textile
(SICOT) qui s’est déroulée à Koudougou du 27 au 29 septembre 2018 au
Burkina Faso. Ce grand événement est dédié à la production et à la
transformation du coton. En Afrique, le Burkina Faso occupe une place très
importante dans la culture du coton. Historiquement, toute la population du
Burkina Faso, toutes ethnies confondues, s’habillait en cotonnade. Cela veut
dire que nos devanciers avaient tous repéré cette plante dans la nature et
ingénieusement, ils l’ont cultivé, entretenu, filé et tissé pour s’habiller. La
graine était également utilisée pour faire de la sauce. Cela veut dire également
que nos ancêtres ont donné l’importance à cette plante bien avant la
colonisation. Mon père m’a même dit qu’il y avait une variété de cotonnier qui
ne produisait bien, qu’à partir de la deuxième année. Elle était donc pluriannuelle.
Cette variété, on l’appelait dans notre dialecte bobo « oumafonou » qui veut dire « coton blanc ». C’est vrai que tous les
cotons sont blanchâtres mais sûrement que celui-ci était plus blanc. Après la
colonisation, comme travail forcé, ils ont aussi cultivé le coton pour payer
l’impôt et ce coton était transporté sur la tête sur plusieurs kilomètres ou à
dos d’âne pour ceux qui en avaient, jusqu’au gouvernorat. Le Gouvernement du
Président Roch Marc Christian KABORE a décidé de relancer la transformation du
coton. Ceux qui me connaissent savent que j’ai chanté cette nécessité il y’a
longtemps pour que la transformation des produits que nous cultivons crée de l’emploi
pour nos enfants qui sont allés à l’école. De 1998 à 2010, période où j’étais
président de l’UNPCB, j’ai toujours préféré porter à toutes mes rencontres nationales
et internationales sur le coton, le coton tissé au Burkina Faso. C’est l’occasion
pour moi de féliciter ce Gouvernement, de l’encourager et demander aux partenaires
du Burkina Faso de l’accompagner dans cette vision. On voit bien que cette
transformation est historique et quelqu’un a dit au Burkina ici : « malheur
à celui qui fait moins que son père ».




J’ai participé à un panel lors de cette rencontre où
nous avons parlé des innovations dans les techniques de production face aux
séries de coton cultivées au Burkina Faso. En rappel, au Burkina, on cultive le
coton conventionnel, le coton équitable, le coton biologique et à un moment le
coton OGM. Dans ces différentes productions, les intrants diffèrent. Mais c’est
le coton conventionnel qui est actuellement cultivé par la majorité des
producteurs. Le coton équitable et celui biologique sont produits par quelques
petits producteurs et des femmes, cette production s’est toujours limitée
autour de 2000 tonnes sinon moins. Dans le coton conventionnel et OGM, les
différents matériaux utilisés sont la culture attelée animale, les tracteurs, la
fumure organique, les engrais, les pesticides et la biotechnologie. L’élément
nouveau qui a attiré mon attention à cette rencontre, c’est l’irrigation
complémentaire présentée par la société cotonnière. C’est vrai que nous avons
des difficultés de pluviométrie au début et à la fin des campagnes agricoles
humides, mais la solution proposée par la société cotonnière me laisse sur ma
faim. En effet, elle propose des trous qu’on creuse dans les champs qui doivent
retenir les eaux de pluies avec lesquelles on peut arroser les parcelles
confrontées au stress hydrique au cours de la campagne humide. Pour moi, au
début de la campagne, il n’y aura jamais assez d’eau dans les trous pour
arroser parce qu’à ce moment, il ne pleut pas suffisamment. Peut-être vers la
fin de la campagne, il peut y avoir de l’eau dans ces trous. Il y aura
forcément un ruissellement d’eau vers ces trous dans le champ. Même si c’est
dans un seul (01) hectare, tu n’as qu’à beau entourer cet hectare par des
cordons pierreux, il y aura toujours des ruissèlements d’eau vers ces trous
creusés dans cet hectare qui vont dégrader le sol. Le Directeur Général des
productions végétales du ministère de l’agriculture et des aménagements
hydrauliques du Burkina Faso dans sa réaction, a dit qu’il préfère dans ce
projet d’irrigation, qu’on aille vers la nappe phréatique par des forages ou
des puits à grand diamètre ou à défaut dans les barrages. Moi, je suis d’accord
avec option car elle est adaptée aux besoins et beaucoup plus utile aux
producteurs et à la nation entière. Avec ce projet, c’est près de six (6)
milliards de francs CFA que le Burkina Faso va payer et on ne doit pas
s’endetter pour venir dégrader nos sols, surtout que le paysan a une
contribution à faire dans laquelle il ne doit pas perdre. Je souhaite donc
qu’on revoit la conception de ce projet pour ne pas engager de l’argent que des
gens vont dealer sans résultat. Ma mère avait l’habitude de me dire que le
menteur est celui qui est bien placé pour savoir qu’il a menti et que les
conséquences ne doivent pas le surprendre. Sauf qu’ici les conséquences sont
subites par plusieurs acteurs de la vie socio-économique du pays. C’est pour
cela que je dis que ce projet d’irrigation de complément doit être revu.
Je terminerai sur le bilan de la campagne cotonnière
en cours qui a démarré difficilement par la rareté des pluies. Il y a aussi le
mécontentement dû aux endettements des paysans sur la campagne agricole
2017/2018. À cause de ces endettements, les paysans du Kénédougou où il y a
trois (03) usines d’égrainage du coton ont refusé de produire le coton cette
campagne agricole 2018/2019. Sur toute l’étendue du territoire, rares sont les
cotonculteurs qui n’ont pas diminué leurs surfaces cette année 2018 par rapport
à l’année passée. Et le parasitisme qui a été une des causes majeures des
difficultés de la campagne passée est encore là parce que les mêmes produits
ont été reconduits dans plusieurs localités. Le surendettement va donc
s’accroitre dans le milieu rural chez ces différents producteurs de coton à la
fin de la présente campagne. J’ai entendu parler d’une réunion qui serait faite
par les producteurs de coton du Kénédougou. Dans cette réunion, ils auraient
cité les conditions qui peuvent les ramener à produire du coton et parmi ces
conditions, il y a le retour au coton génétiquement modifié (OGM). Je conclus
en disant que dans les années 90, parmi les conditions qui ont permis la
relance du secteur coton, il faut citer le vrai partenariat avec un débat franc
qui a été entre les deux entités producteurs (UNPCB) et sociétés cotonnières. Cette
franchise devait prendre en compte les intérêts des producteurs et de la
filière. Cette volonté politique dans le bon sens que j’ai vue à cette première
édition du SICOT nous oblige à revenir aux bons sentiments car nous ne pouvons
pas transformer du coton si la production va en baissant.
En tant que vétéran de la filière cotonnière
au Burkina Faso
Ouagadougou,
le 03 Septembre 2018
TRAORE B. François,
Agriculteur Burkinabé
Docteur
Honoris Causa de l’Université de Gembloux