jeudi 30 juin 2011

Ce que je pense du voyage sur l’expérience du warrantage au Niger

Du 11 au 18 Juin j’ai pris part à une mission organisée par le ministère de l’agriculture au Niger pour nous imprégner de l’expérience du warrantage. Au Niger, le système  de warrantage exige que les producteurs d’une même localité se constituent en groupement et qu’ils décident de mettre leurs produits ensemble dans un magasin en inscrivant le nom de chacun sur le sac qui contient son produit. Une fois le produit stocké dans le magasin, ensemble avec  les caisses de crédit, on procède à l’estimation de la valeur du produit à ce jour. Ces caisses octroient aux membres du groupement de l’argent d’une valeur de 70 à 80% de la valeur des produits. Le magasin est ensuite fermé à deux cadenas. Une clé est remise au groupement et l’autre aux responsables de la caisse. Avec les 70 à 80% de leur produit en argent liquide les paysans font, soit du commerce, soit du maraîchage ou résolvent les problèmes d’ordre sociaux indispensables.
L’esprit du warrantage est d’éviter de brader les produits de la récolte et de leur permettre un prix rémunérateur en temps opportun. On sait qu’à la récolte tout le monde vend au marché au même moment et cela baisse les prix des produits. Il y a des commerçants qui profitent de cette situation pour les acheter à vil prix, les stocker et les revendre après aux mêmes producteurs ou les revendre ailleurs au double du prix d’achat et même souvent plus. Alors qu’avec le warrantage, le produit peut attendre jusqu’à six mois dans le magasin du groupement avant d’être revendu. Généralement, il est revendu à plus du double du prix d’achat. Ce qui permet au paysan d’avoir un double bénéfice : le producteur a eu non seulement de l’argent quand il en avait besoin sans perdre son produit, mais il peut aussi soit revendre son produit au double du prix de départ soit le consommer. Ce système a été bien accueilli par les producteurs au Niger, car ils ont compris qu’il permet de lutter contre la pauvreté, l’insécurité alimentaire et d’augmenter les rendements.
En fait, le warrantage a commencé au Niger après la création de boutiques d’intrants par l’Etat nigérien en 1999. Cela consiste à mettre dans ces boutiques, des intrants dans presque toutes les localités à un rayon d’environ 20Km pour faciliter leur accès (intrants) aux paysans. Comme ces intrants dans les boutiques sont toujours vendus au comptant, l’adoption du système de warrantage permet aux paysans d’avoir de l’argent liquide sans avoir bradé leurs produits. Ce système de warrantage a été initié par la FAO en partenariat avec l’Etat nigérien. Les producteurs nigériens qui avaient ces problèmes se sont engagés avec l’implication de quelques caisses de crédit qui se trouvaient dans leur localité. Ces caisses recrutent des agents de suivi qui partent discuter avec les producteurs et constatent les produits mis dans les magasins. C’est après ces visites que l’évaluation est faite et le prêt accordé aux producteurs. Les visites s’effectuent tous les 15 jours pour constater que le produit est intact et qu’il est toujours de bonne la qualité. Les groupements élisent aussi un comité de suivi qui prospecte tous les produits qui arrivent. Lorsqu’un produit n’est pas de bonne qualité, il est retourné aux producteurs pour l’assainissement et si le sac n’est pas bon on demande au producteur de le changer.
Le warrantage exige l’appartenance à un groupement. Ces groupements ont décidé de s’organiser en unions. C’est souvent ces unions qui font les démarches au nom des groupements pour avoir l’argent. Elles recrutent des animateurs qu’elles forment et qui font l’animation au sein des groupements. Ils sont généralement recrutés parmi les jeunes paysans instruits du village. Nous avons constaté que dans ce système de warrantage, les femmes sont majoritaires dans les groupements ou dans les unions. La raison est que l’exode rural existe dans la zone. Il est culturel. Beaucoup d’hommes vont en exode laissant les femmes au village mais ces dernières ne veulent pas brader leurs produits. Elles sont décidées à bien travailler.
Un magasin de warrantage au Niger peut contenir 20 tonnes de produits. La quantité autorisée par personne commence à partir de 5 kilogrammes. Ils mettent différents produits dans un même magasin : par exemple le mil, le maïs, le sésame, l’arachide, le pois de terre, leurs semences et même des feuilles de baobab. Le magasin doit être proche du producteur pour lui faciliter les dépôts et les retraits des produits. Un responsable d’une caisse de crédit nous a expliqué que même la fane d’arachide lui a été proposée. Il l’a acceptée au prix du jour de 1000f et six mois après ce sac a été vendu à 3000f. Cela veut dire que tout produit que le producteur juge important peut être mis dans le magasin pour lui permettre d’avoir du crédit. Les responsables des caisses nous ont dit que le crédit issu du warrantage est le crédit le plus sûr et il est toujours remboursé à 100%. Ceux du ministère de l’agriculture nigérienne disent que c’est ce système qui permet aux producteurs d’avoir accès aux intrants. Comme le warrantage permet aux producteurs d’avoir accès à l’engrais, la recherche les a conseillés la mini-dose qui recommande 20 à 30kg d’engrais/ha à mettre dans les poquets pendant les semis. Les producteurs à travers la chambre d’agriculture pensent également que le warrantage permet d’aller dans le professionnalisme de l’agriculture : » produire plus et vendre bien ».
Une structure de capitalisation est mise en place par l’Etat en collaboration avec la FAO. Elle permet de garder et de diffuser les bonnes pratiques dans le warrantage. Cette structure de capitalisation permet également de corriger les défaillances. Dans cette structure de capitalisation nous avons trouvé des agents qui étaient là depuis le début du warrantage et qui maîtrisent parfaitement le système. Nous avons vu en eux une vraie volonté de transférer ses expériences aux producteurs qui désirent le faire. Nous avons constaté que le warrantage a permis aux producteurs de comprendre l’intérêt d’être ensemble. C’est union les a permis aussi de résoudre d’autres problèmes sociaux en dehors du warrantage. Le warrantage a ainsi permis à ces producteurs d’être dans l’économie par la production et la commercialisation de leurs produits. Donc la gestion du warrantage demande l‘implication de tout le monde dans le groupement. Cette gestion ne doit pas être laissée à quelques individus pour ne pas être surpris six mois après par des dégâts importants. Le suivi de cette gestion demande une appropriation par tous les acteurs du système de warrantage.
Au Burkina nous avons un grand projet (PAPSA) au sein du ministère de l’agriculture et de l’hydraulique pour accompagner les producteurs burkinabè à faire du warrantage. Pour moi, cela est une bonne chose. Le Burkina a également adopté le système de filière qui consiste à travailler sur un seul produit : le maïs par exemple sera un produit, le sésame un autre produit. La petite différence que j’ai constatée est que si nous prenons le maïs, nous avons plusieurs producteurs qui peuvent vendre plus d’une tonne. Il va falloir donc faire la part des choses entre le warrantage et le système d’organisation par filière. Le projet de warrantage du Burkina Faso concerne la zone excédentaire et a pour cible les petits producteurs. Dans cette zone il y a un début de structuration de ces filières principales. C’est le cas de l’UGCPA-Dédougou qui travaille avec toutes les catégories de producteurs qui le désire sans distinction mais à partir d’un excédent (le surplus de la production restante après avoir soustrait celle réservée à l’alimentation) de cinq sacs de 100 kg et plus. Nous devons travailler pour que le warrantage soit un plus et pour que les expériences de ces structures qui font déjà la production et la commercialisation soient bien prises en compte. Toutes les catégories de producteurs au Burkina ont besoin d’un accompagnement. Nous avons même prévu au Burkina des interprofessions des filières. L’implication de la recherche à travers tous ces projets doit être aussi prise en compte parce que le producteur doit pouvoir soumettre le genre de semence du produit recherché sur le marché qu’il veut à la recherche et cette dernière doit travailler à le satisfaire. Tout cela constitue des avancées à la réflexion pour le Burkina même si la structuration des filières n’est pas encore effective. Il ne faut pas qu’on soit entrain de faire un pas en avant et un pas en arrière. La capacité d’initiative en développement d’un pays, c’est aussi d’avoir ses propres initiatives et d’ajouter l’expérience des autres. Nous avons plusieurs structures qui s’occupent de la production et de la commercialisation au ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’environnement : la direction des filières, le projet semence avec la FAO, le projet sur le warrantage…Ces différentes directions doivent travailler en synergie d’action pour ne pas avoir plusieurs langages vis-à-vis des producteurs sur le terrain.
                                                   Ouagadougou, le 25 juin 2011
                                                   TRAOE B. François,
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa.
           www.francoistraore.blogspot.com           
           (+226) 70 95 34 45
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lundi 13 juin 2011

Ce que je pense de l’initiative de Oxfam pour la campagne contre la faim.

Oxfam vient de lancer une campagne mondiale contre la faim.  Je pense que c’est une très bonne initiative en tant qu’agriculteur africain, car lorsqu’on parle de faim dans le monde et particulièrement en Afrique, la majorité de ceux qui en souffre sont des ruraux.  En ville, c’est encore ceux qui ont fui la faim en campagne, qui sont frappé par la faim.  Pourtant, la civilisation est née lorsque l’homme a entrepris de planter ou de cultiver pour se nourrir, parce qu’il a compris que la cueillette ne le satisfaisait plus. Depuis lors, les peuples se sont engagés dans l’agriculture si bien que de nos jours en occident, l’agriculture a atteint un seuil auquel on cultive pour nourrir les animaux dont les produits permettent à leur tour d’améliorer la nourriture de l’homme. Pendant ce temps en Afrique, les produits agricoles ne suffisent pas pour nourrir les populations humaines. Ce n’est pas un miracle pour l’occident, mais seulement parce qu’il a compris qu’il faut investir dans l’agriculture.
 Le développement de l’agriculture en occident a été d’abord de rassurer la nourriture, mieux il a permis la naissance et la croissance de l’industrie. Du coup, on a assisté à la création de nouveaux emplois surtout pour ceux qui n’y avaient plus leur place ou ceux qui ne voulaient pas pratiquer l’agriculture. Ainsi, on sent une contribution à la lutte contre la pauvreté. En Afrique, une parabole dit qu’un jour lorsqu’il faisait beaucoup froid, l’hyène,  qui en sortant de sa grotte a senti que le vent soufflait fort, déclare que le vent est complice du froid, car plus il souffle, plus il fait froid. Cela signifie que plus on est pauvre, plus on a faim.
En 1971 dans ma famille, on avait une quantité de céréales juste pour l’année. Pour avoir un âne pour cultiver, j’ai été obligé d’en vendre une partie. Du même coup, nous avons travaillé au champ sans manger à notre faim. A l’époque mon père avait perdu la vue, ainsi avec mes petits frères de 12 ans et moins nous nous sommes battus pour survivre et nourrir nos parents. Faut-il parler de travail d’enfants ? Si oui, la cause s’appelle misère.
Aujourd’hui, l’initiative de lutte contre la faim doit être prise à bras le corps par les gouvernants africains en priorisant l’investissement dans l’agriculture. Cette année les experts économiques disent que la croissance des pays africains va baisser. En effet, ils importent beaucoup de produits alimentaires ; or ceux-ci ont augmenté de prix. Cela est vraiment dommage qu’on importe des produits agricoles en quantité dans un continent où il y a suffisamment de terres arabes pour l’agriculture. Il est temps que nous arrêtions les discours et que nous soyons plus actifs. La chine pour enter dans le concert de développement a multiplié ses actions par dix. C’est pourquoi elle avance comme un bulldozer et devient une grande puissance économique. En Afrique, les chinois qui viennent, font peu de discours sur leur travail, mais agissent beaucoup. Le Brésil est également devenu une puissance agricole. A la différence de l’Afrique, il exporte les produits agricoles en Europe.
J’interpelle alors les instituions internationales à soutenir cette initiative afin d’enrailler la faim en Afrique et dans le monde.

                                                  Ouagadougou, le 08 juin 2011
                                                   TRAOE B. François,
                                                  www.francoistraore.blogspot.com                        
                                                   Président d’honneur de l’AProCA,
           Docteur honoris causa.
           (+226) 70 95 34 45
          (+226) 78 50 16 25